Nach Paris! Roman. Dumur Louis

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Nach Paris! Roman - Dumur Louis

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Nous dirons donc Rotweinsauce.

      – Ah! pardon, vous laissez le mot Sauce!

      – C'est juste. Alors Rotweintunke ou Rotweinbeiguss.

      – Bravo! applaudîmes-nous.

      – Et le bœuf à la mode? demanda Kœnig.

      – Le bœuf à la mode? Voyons… Que diriez-vous de Sauerbraten?

      – Ça va, mais c'est moins savoureux qu'en français. Comment vous en tirerez-vous maintenant avec le ragoût de veau?

      Schimmel réfléchit, plissa un instant sa figure ravagée puis accoucha:

      – Brauneingemachtes Kalbfleisch.

      – Un peu pénible, jugea Kœnig, mais on peut l'accepter.

      – Pour le poulet chasseur, continua Schimmel satisfait de son succès, je vous proposerai ceci: Huhn mit Edelpilzbeiguss. Voilà qui me semble réussi.

      – Réussi indiscutablement, approuva Helmuth.

      – Quant aux tournedos portugaise… portugaise… Ma foi, c'est plus difficile! avoua Schimmel embarrassé.

      Nous nous mîmes tous quatre à chercher. Le mot «portugaise» contenait tant de choses qu'il semblait presque intraduisible. Je suggérai cependant: Perlzwiebeln-und-Tomaten-Lendenschnittchen, et j'eus le plaisir de voir ma traduction adoptée à l'unanimité.

      – Et voilà, conclut Schimmel avec un geste tranchant, voilà à quoi nos Herren Professoren devraient bien s'occuper, au lieu de perdre leur temps à fatiguer nos jeunes gens par l'étude des racines grecques.

      – Fort bien, fit Kœnig en reprenant le menu qui avait passé de main en main, mais il s'agit pour le moment de décider ce que nous allons commander. Sera-ce des Schweinsrippen mit Rotweinbeiguss, du brauneingemachtes Kalbfleisch ou des Perlzwiebeln-und-Tomaten-Lendenschnittchen?

      – Pour moi, dit Schimmel, je prendrai simplement une bonne choucroute à l'allemande.

      – Moi aussi, dit Kœnig.

      – Moi de même, fit Helmuth.

      Je ne pus que me rallier à ce choix général, et bientôt une magnifique choucroute, abondamment garnie de saucisses de Francfort et de jambon de Westphalie, faisait rivaliser notre table avec celle des capitaines.

      – Oui, messieurs, reprit alors le lieutenant Schimmel, je vous disais qu'il nous faut souhaiter la guerre. Je ne m'occupe pas de politique, moins encore d'économie politique, et je suppose qu'à ces deux points de vue la guerre aussi ne pourra que nous valoir des avantages. Je ne me place qu'au point de vue militaire; mais là je sais bien une chose, c'est que jamais l'Allemagne n'a été plus prête; et j'en sais bien une autre, c'est que la France ne l'est pas. J'ignore ce qui se passe du côté russe; je ne connais de la Russie que ce qu'en dit le Militær Wochenblatt; mais Poppe, qui l'a pratiquée, déclare qu'elle est encore moins prête que la France. Alors, que risquons-nous?

      – Rien, c'est bien clair, dit Helmuth.

      – Plusieurs fois déjà, continua Schimmel sans cesser de mâcher sa choucroute, plusieurs fois nous avons laissé fuir l'occasion. Cinq, si je compte bien, depuis 1871. La dernière, c'était lors de l'affaire d'Agadir. Mais nous avions un point faible, qui était l'aviation.

      – Votre avis, demanda Kœnig, est que notre aviation est maintenant supérieure à l'aviation française?

      – Très supérieure.

      – Je parle des aéroplanes, non des dirigeables.

      – J'entends bien. Extrêmement supérieure. Ce n'est pas parce qu'ils exécutent des tours de clown la tête en bas que cela change quoi que ce soit à la situation. Ces prouesses, militairement, ne signifient rien.

      – Ganz richtig, approuva Helmuth.

      – Aujourd'hui, reprit Schimmel, nous leur damons le pion en tout… En tout, vous m'entendez bien!.. Notre infanterie, vous la connaissez aussi bien que moi, Kœnig. Notre cavalerie, magnifique. Notre artillerie, splendide. En tout, vous dis-je!.. Notre train, notre génie, nos services de communications, tout est parfait, tout est au point. Il n'y a plus qu'à marcher.

      A l'ouïe de ces propos réconfortants, mon jeune cœur d'Allemand se soulevait d'enthousiasme et se délectait d'espérance. Je voyais nos innombrables troupes franchir victorieusement la frontière et se répandre en pays ennemi. Tout cédait à leur approche, les régiments s'effondraient, les divisions se disloquaient, les murailles bétonnées sautaient, les coupoles d'acier volaient en éclats. Successivement les villes se rendaient et les provinces tombaient. C'était d'abord Nancy, l'orgueilleuse cité lorraine, avec ses grilles, ses balustres, ses palais; puis, nos obusiers nous frayant violemment passage, nos armées envahissaient la Champagne, débordaient sur la Bourgogne, la Brie, le Valois, coulaient irrésistiblement vers Paris. Troyes, Reims, Soissons succombaient. L'inondation poursuivait sa marche torrentielle, gagnait la Normandie au nord, la Beauce au sud, et tandis qu'un ouragan de fer et de feu noyait et broyait Paris, que la double ceinture des forts crevait comme une digue impuissante et que, dans une dégringolade effroyable de poutrelles, de tôles, de fermes, de chevrons, la tour Eiffel, haute de trois cents mètres, venait s'écraser pitoyablement sur le sol, de nouveaux flots dégorgeaient inextinguiblement des bondes de l'est, où Verdun, Toul, Epinal, Belfort ne formaient déjà plus que des amas de ruines fumantes.

      Sans m'abandonner aux perspectives lointaines qu'avait ouvertes devant moi le juge de district Obercassel, je croyais déjà toucher des yeux cet avenir si proche qu'en l'espace d'un mois la réalisation en pouvait être acquise. J'assistais en imagination à l'entrée triomphale de notre armée de l'Ouest, notre fier Kronprinz à sa tête, dans la capitale française abattue. J'entendais les puissants appels du Deutschland, Deutschland über alles rugis par douze musiques de régiment à la fois sur la place de la Concorde. A Versailles, un nouveau couronnement se préparait. Amiens, Rouen, Chartres étaient occupés, Orléans enlevé, la Loire franchie, Bourges saisi, Lyon investi. Partout les populations se soumettaient et les pantalons rouges fuyaient; les convois de prisonniers s'acheminaient par milliers sur l'Allemagne. Quelques semaines encore et le Midi rayonnant s'ouvrait aux pas des cohortes germaines extasiées. Le sol du Languedoc était foulé; la Provence huileuse recevait l'empreinte de nos talons. Et par un matin flamboyant, un escadron de nos hussards, débouchant d'un vallon touffu d'orangers, découvrait tout à coup la Méditerranée baignée de soleil, tandis que leurs chevaux, le poitrail haletant et la crinière gonflée, reniflaient le vent brûlant de l'Afrique.

      – Quelle gloire! murmurai-je, emporté par mon rêve.

      – Et surtout, dit Kœnig, dont la pensée semblait avoir pris un cours semblable à la mienne, surtout quel bienfait pour le monde!.. Nos mœurs, nos arts, notre science affirmant leur suprématie; notre langue et notre littérature se conquérant de nouveaux domaines: nos qualités nationales imposant leur supériorité et démontrant leur valeur: l'ordre, la discipline, le travail, la ténacité, l'honneur, l'amour du droit et le respect de la parole jurée; notre bonne foi et notre fidélité germaniques triomphant de l'intrigue, du mensonge et de l'envie; enfin, tout l'univers s'élevant à la culture allemande, qui n'est autre, messieurs, nous pouvons le déclarer sans orgueil, que la culture elle-même.

      Schimmel avait suivi ce petit discours d'un œil ironique.

      – Tout

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