Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Aux glaces polaires - Duchaussois Pierre Jean Baptiste страница 1
Aux glaces polaires / Indiens et esquimaux
Monseigneur et bien-aimé Père,
Voici le livre que Votre Grandeur m’a commandé d’écrire.
Il traite d’un apostolat de plus de soixante-dix ans, aux latitudes extrêmes du monde habité; et il paraît à une heure où, dans le vicariat du Mackenzie du moins, nul prêtre n’a encore pénétré, si ce n’est vos enfants, les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée.
Votre Grandeur a voulu que rien ne fût épargné pour que ce récit des œuvres apostoliques de l’Athabaska-Mackenzie pût escompter aussi son humble place parmi les ouvrages d’ethnologie, de géographie et d’histoire générale, qui intéressent si vivement aujourd’hui les lecteurs des publications sur l’Extrême-Nord canadien. C’est pourquoi vous m’avez envoyé parcourir, avec Mgr Breynat, vicaire apostolique du Mackenzie, qui daignait se faire mon auguste Mentor, les régions dont je devais parler.
Ensemble, nous nous lançâmes donc dans les immensités arctiques, en esquif l’été, en traîneau l’hiver, logeant d’ordinaire à l’enseigne du désert ou de la forêt.
Un à un, nous trouvâmes, à leur poste de joyeux dévouement, tous les missionnaires, depuis les vieillards à la barbe de neige jusqu’aux derniers venus. Une à une, du lac Athabaska aux abords de l’Océan Glacial, nous admirâmes toutes leurs missions…
Toutes? Non, je ne puis le dire – et c’est la seule déception que j’eus à emporter de ma vie du Nord – : l’une d’elles, la mission Saint-Raphaël, du fort des Liards, ne voulut point de nous. Et, pourtant, quelle fête nous y avait été promise par le R. P. Vacher, son curé errant, que nous avions rencontré, durant l’été, au fort Simpson, confluent du fleuve Mackenzie et de la rivière des Liards! Il avait tant supplié Mgr Breynat d’aller, coûte que coûte, encourager ses pauvres Indiens, qui, dans leurs bois presqu’inaccessibles, n’avaient pu voir leur évêque depuis longtemps, que le voyage avait été décidé. Nous partirions en traîneau, l’année suivante, du Grand Lac des Esclaves, et nous irions attendre, au fort des Liards, un mois, deux peut-être, que le dégel nous permît de revenir en pirogue. En fin de mars, tout fut prêt, en effet; et déjà nous fouettions nos coursiers, lorsqu’arriva une lettre dépêchée depuis quatre mois par le Père Vacher, lequel suppliait le vicaire apostolique et son compagnon de ne point paraître chez lui, «attendu que la pêche et la chasse avaient complètement manqué, et qu’il lui serait impossible, avec les quelques patates sauvées de la gelée de l’automne, de nourrir, huit jours, nos personnes et nos chiens.»
Vous m’aviez prescrit d’être court, Monseigneur: «On lit assez peu les longs livres, de notre temps», m’écriviez-vous. Oserai-je avouer que mon tourment aura été de vous obéir en cela?
Se voir, un jour, les mains pleines de perles apostoliques, soigneusement ramassées dans les champs lointains, où les jetèrent tant de semeurs de l’Evangile, être réduit à n’en choisir que ce qu’il faut sertir dans le cadre restreint que l’on s’est tracé, et devoir rejeter toutes les autres dans l’oubli: se peut-il tâche plus douloureuse? L’Esprit Saint nous défend de louer les vivants– ante mortem, ne laudes hominem quemquam —je le sais. Mais les morts, mais tous ces apôtres tombés dans la primitive Eglise de l’Extrême-Nord, n’était-ce pas un livre entier qu’il aurait fallu pour raconter les Actes de chacun?
Puisse, néanmoins, l’effort qui a été tenté de composer, des traits pris à tous, la physionomie du missionnaire des pauvres au pays des glaces, apporter une contribution modeste à la gloire de l’Eglise catholique, notre Mère, et montrer, une fois de plus, qu’elle seule est la grande civilisatrice, parce qu’elle seule unifie, dans l’égalité devant Dieu qu’elle prêche, dans la charité fraternelle qu’elle ordonne, et dans l’aspiration vers l’éternel bonheur où elle conduit, toutes les races et tous les peuples de l’univers.
Sans perdre de vue qu’un ouvrage d’histoire ne possède que la valeur de sa documentation, j’ai espéré que la mission, que vous, mon supérieur général, m’aviez confiée, me servirait de créance, et que la révision de mon travail, faite par les deux vicaires apostoliques de l’Athabaska et du Mackenzie, me dispenserait d’arrêter sans cesse la lecture par des renvois. Aux ouvriers spécialistes de l’histoire, j’indiquerai qu’ils trouveront dans les archives épiscopales du Mackenzie, au fort Résolution, le manuscrit d’où fut tiré le présent volume, et qu’en marge des affirmations diverses, ils verront, diligemment marquées, les sources, inédites le plus souvent, d’où elles auront jailli.
C’est à Saint-Albert, notre vieille Mission du Nord-Ouest, et dans la demeure sanctifiée par les dernières années et par la mort du Serviteur de Dieu, Mgr Grandin, que j’ai eu la consolation de finir cet ouvrage.
A vous, Monseigneur et bien-aimé Père, je le dédie respectueusement, en implorant sur lui votre bénédiction.
Mais, ce jour même, avant de le confier au courrier de Rome qui vous le portera, et après l’avoir humblement offert au Sacré-Cœur par les mains de notre Mère Immaculée, j’irai le déposer, dans la crypte de l’ancienne cathédrale, sur les tombeaux, qui se touchent, de Mgr Grandin et du Père Lacombe; et là, à genoux, je prierai ces grands missionnaires du passé d’en disperser les pages, s’il plaît à Dieu, parmi la jeunesse qui se passionne pour le sacrifice et pour le salut des âmes.
De Votre Grandeur le fils très soumis et très aimant en N. S. et M. I.
Réponse de Monseigneur le Révérendissime Supérieur général:
L. J. C. et M. I.
Mon bien cher Père Duchaussois,
La lecture de votre manuscrit m’a procuré de consolantes impressions et m’a donné de vives espérances.
Vous avez exploité une des matières les plus riches qui existent et vous avez réussi à le faire sans nuire à l’intérêt de votre ouvrage. Bien plus, vous avez trouvé, dans cette abondance même, un moyen de varier les effets et de multiplier le bien que vous en attendiez.
A prendre contact avec de tels exemples, comment les âmes généreuses ne concevraient-elles pas pour l’apostolat un désir des plus intenses? Vous avez su donner à tous ces récits un tour si vivant, vous avez si bien ménagé les rapprochements et les contrastes, vous avez mis en lumière d’une manière si exacte le courage de nos missionnaires, qu’il sera impossible de rester indifférent devant les faits que vous racontez et les situations que vous dépeignez.
Votre livre mérite encore un éloge tout particulier, au point de vue de la documentation; elle est vraiment digne du soin que vous y avez apporté.
Une considération, qui n’est pas à dédaigner, m’est suggérée par la lecture de quelques-unes de vos descriptions les mieux réussies. Nos missionnaires ne désirent pas la publicité, tant s’en faut; on trouverait même parfois qu’ils se taisent trop. Mais je pense que votre livre leur sera un réconfort, en ce sens qu’il leur donnera l’espérance de se voir soutenus à brève échéance par de nouveaux pionniers de l’Evangile. En un mot, ils seront heureux que tout ce que vous dites soit dit, et dit par un talent tel que le vôtre.
Il paraît que votre plume ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Tant mieux! Nous attendons avec une impatience qui se devine les volumes promis, et nous sommes sûrs qu’ils répondront