Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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Aux glaces polaires - Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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style="font-size:15px;">      Durant cinquante ans, l’Honorable Compagnie s’enrichit des fourrures que lui valut son monopole, de droit d’abord, de fait ensuite, dans les Pays d’en Haut.

      En 1869, le gouvernement canadien lui acheta un domaine de près de 4.600.000 kilomètres carrés, afin d’en former les provinces actuelles du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie Britannique, ainsi que les Territoires. Il lui versa une indemnité de 7.500.000 francs et lui laissa la libre propriété de très vastes réserves de terrain, au sein même des provinces constituées.

      La Compagnie de la Baie d’Hudson a-t-elle mérité le titre de mère unique de tout progrès et de toute civilisation, que lui ont décerné quelques touristes d’un rapide été, dans les régions arctiques? D’autres écrivains l’avaient gratifiée du même honneur, en parcourant les plaines et les montagnes du Nord-Ouest proprement dit.

      La vérité est que, tout en s’avançant, à la faveur des coureurs-des-bois, dans les solitudes sauvages des Pays d’en Haut, elle ferma toujours ses chemins, autant qu’elle le put, au reste du monde. Systématiquement, elle choisissait les détours les plus aptes à dérouter les reconnaissances. Sur tous ses employés pesait la loi non écrite, mais absolue, du silence. Lorsqu’ils regagnaient les milieux de race blanche, «ils évitaient les journaux comme la peste»; et non seulement se gardaient-ils de raconter les «mystères du Nord», mais ils «entretenaient soigneusement la légende des arpents de neige», et dépeignaient en couleurs effrayantes «ces pays à jamais inhabitables».

      Si le Nord-Ouest voit fleurir aujourd’hui, sur ses plaines fertilisées, d’opulentes colonies, si les richesses de ses montagnes et de ses bois se dévoilent, si les pêcheries de ses grands lacs sont exploitées, c’est aux missionnaires qu’en revient la gloire. Il ont révélé l’Ouest et le Nord du Canada au Canada lui-même, qui les ignora jusqu’en 1867. Les défricheurs et planteurs, les vrais pionniers du Nord-Ouest ont été Mgr Provencher, Mgr Taché, Mgr Grandin, avec leurs prêtres, parmi lesquels la civilisation ne louera jamais assez M. Thibault, M. Bourassa, les Pères Vègreville, Tissot, Maisonneuve, Leduc, André, Lestanc, Rémas, Fourmond, Hugonard, Lacombe particulièrement, dont un homme d’Etat canadien a dit «qu’il n’avait fait qu’ouvrir des chemins pour aller plus loin et élever des autels pour monter plus haut».

      Nous citerons plus loin les pionniers arctiques.

      Comme ce chapitre préliminaire doit nettement définir l’attitude de la Compagnie de la Baie d’Hudson envers nos missionnaires, il importe de distinguer entre la haute administration, composée des directeurs de Londres et du gouverneur les représentant au Canada, et les administrations locales.

      La haute administration se montra toujours déférente, et parfois obligeante. Elle comprit que son intérêt lui défendait de mécontenter les coureurs-des-bois canadiens, ses serviteurs indispensables, en maltraitant les prêtres, qu’ils vénéraient. Elle savait aussi que le prêtre ne prêcherait aux Indiens que le respect à l’autorité et le travail consciencieux. C’est ainsi qu’un acte du gouverneur Simpson, en 1858, sauva probablement du protestantisme tout le district du Mackenzie. L’archidiacre anglican Hunter avait pris place dans les barques qui ravitaillaient cette région jusqu’à l’océan. Il allait porter sa doctrine aux sauvages du bas-Mackenzie, avides de religion. Le Père Grollier, résidant au Grand Lac des Esclaves, notre mission la plus septentrionale alors, voulut suivre le prédicant. Ce que voyant, le bourgeois du Mackenzie et tous ses commis signèrent une pétition demandant au gouverneur que l’accès du district fût interdit, dès l’année suivante, et pour toujours, aux missionnaires catholiques. Sir George Simpson, en guise de réponse, réprimanda ses subalternes, et leur enjoignit de transporter le Père Grollier où il lui plairait d’aller, de le loger et de le nourrir gratuitement, jusqu’au jour où ils lui auraient bâti un abri convenable, à l’endroit de son choix. Il en fut de la sorte aux débuts de plusieurs fondations, qui eussent été très difficiles, sans le secours de la Compagnie.

      Mais si la haute administration n’entrava jamais le développement des œuvres apostoliques, bien des ennuis leur furent ménagés, dans les commencements surtout, par certaines administrations locales. Celles-ci, en vertu de la savante organisation même de la Compagnie, voyaient le missionnaire pratiquement livré à leur merci2.

      Escomptant l’esprit mercantile des actionnaires, plusieurs bourgeois s’ingénièrent à extorquer, per fas et nefas, tout ce qui pouvait aller grossir, de si peu que ce fût, le trésor général. Peut-être espéraient-ils que les plaintes du missionnaire blessé ne pèseraient guère, une fois mises en balance avec les profits réalisés, et qu’elles se classeraient d’elles-mêmes, à Londres, dans les de minimis dont il n’importe de se soucier. D’ailleurs, n’arriveraient-elles pas si tard, ces plaintes, tant de mois, tant d’années après l’occasion du grief, qu’elles paraîtraient inopportunes?

      Une malveillance, raisonnant ainsi, ne pouvait que surveiller durement le missionnaire. Pas plus que le pauvre animal de la fable, il n’avait le droit de tondre, dans la toison du Nord, la largeur de sa main. A peine apprenait-on qu’un sauvage au bon cœur lui avait fait présent d’une fourrure pour l’envoyer à son vieux père de France, ou que le missionnaire avait négligé d’offrir au fort-de-traite une dépouille de fouine qu’il avait tuée lui-même, que les hauts cris se jetaient sur lui de toutes parts. On alla jusqu’à lui faire un crime des lambeaux de peaux dont il confectionnait son vêtement, ses simples mitaines. A la moindre alerte d’infraction aux droits monopolisés par la Compagnie, un rapport était dressé, et l’évêque du missionnaire incriminé devait intervenir auprès du gouverneur abusé.

      Tout était à redouter, si le bourgeois joignait à l’âpreté cupide le fanatisme sectaire. Malheur surtout au prêtre dont la présence serait devenue la condamnation d’une conduite licencieuse!

      Les bourgeois tyrans ne furent pas le grand nombre. Il y en eut assez toutefois pour inspirer à Mgr Grandin les lignes que nous voulons citer.

      C’était au commencement. Les quelques missionnaires du Mackenzie, depuis le lac Athabaska jusqu’au fort Good-Hope, réclamaient un évêque. Le Père Grollier, du Cercle polaire, insistait le plus:

      « – Il faut un évêque, écrivait-il, un évêque qui aura sur les sauvages et les engagés de la Compagnie, pour les affaires de notre sainte religion, un prestige égal à celui du bourgeois pour les affaires temporelles: un évêque-Roi, en un mot, qui nous gardera, qui nous défendra. Sans quoi, nous périssons.»

      Mgr Taché, évêque de Saint-Boniface, résolut de faire droit à cette supplique. En attendant le résultat des négociations avec le Saint-Siège pour la formation du vicariat d’Athabaska-Mackenzie et pour la nomination du Père Faraud, comme titulaire, il envoya Mgr Grandin, son coadjuteur, faire la visite de cette immensité.

      C’est au cours de ce voyage aux glaces polaires, qui dura trois ans, que Mgr Grandin écrivit à Mgr Taché, le 17 janvier 1861:

      «…Que vous dirai-je du pauvre évêque-roi? C’est que le titre d’évêque-esclave vaudrait bien mieux. Le malheureux évêque de ce pays sera nécessairement le très humble serviteur du dernier commis du district. Il ne pourra rien faire sans la Compagnie. Il ne pourra même se procurer sans elle les choses les plus essentielles à la vie. Il sera dans la nécessité de fermer les yeux sur les choses les plus blâmables, de louer les hommes les plus méprisables, tel qu’un N… Que peut-on encore attendre d’un tel homme qui vous dit qu’il vous aime en particulier, et vous déteste comme homme public? C’est peu comprendre la royauté que de comparer un pauvre évêque, dans cette position, à un roi.»

      Mgr

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<p>2</p>

Les territoires d’exploitation de la Compagnie se divisent en districts, indépendants les uns des autres. Chaque district possède sa hiérarchie complète. Cette hiérarchie est établie sur le principe que tous ses membres doivent se traiter en étrangers, s’acheter et se vendre leurs articles et travail respectifs, chacun demeurant averti que son avancement dépendra de l’importance des bénéfices qu’il apportera. Ainsi en va-t-il de maître-de-poste (le plus bas échelon de la hiérarchie) à commis, de commis à traiteur, de traiteur à bourgeois (chef du district). Chaque année, tous les bourgeois remettent leurs retours (apport des pelleteries), avec l’état de leurs comptes, au gouverneur, qui ne manque pas de promouvoir les plus habiles et de faire descendre les autres.

Or, les districts d’Athabaska et du Mackenzie, champ d’action des missionnaires dont nous avons à raconter les travaux, se trouvaient les derniers dans l’échelle des districts. C’est donc à leur tête qu’il fallait s’attendre à trouver les hommes les plus décidés au succès.