Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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Aux glaces polaires - Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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draper avec complaisance, dans sa demi-nudité, promener son regard de feu sur des horizons sans bornes, humer une atmosphère de liberté qui ne se trouve nulle part ailleurs, se complaire dans une sorte de royauté qui n’avait ni les embarras de la richesse, ni la responsabilité de la dignité! Il faut avoir vu cet infatigable chasseur, élevant jusqu’à une sorte d’enthousiasme religieux les péripéties, les chances et les succès d’une chasse qui jamais n’a eu de pareille! Oui, il faut avoir vu tout cela, et voir le sauvage d’aujourd’hui, traînant sa misère, privé de son incomparable indépendance, dans un état continuel de gêne et de demi-jeûne, ayant ajouté à ses vices les dégoûtantes conséquences de l’immoralité des blancs! Il faut avoir vu tout cela, et l’avoir vu sous l’influence de la sympathie, pour comprendre tout ce que souffrent les sauvages d’aujourd’hui.

      Depuis 1880, date de ces lignes de Mgr Taché, les sauvages n’ont pas fini de souffrir. Ils n’ont fait que s’acclimater, pour ainsi dire, à ces souffrances, qui les ont réduits à quelques groupements de familles, si petits et si étrangers les uns aux autres que les unions consanguines, auxquelles ils sont comme forcés désormais, ont commencé à rendre inévitable leur extinction définitive.

      L’Eglise eût enrayé l’immolation du Peau-Rouge, si on l’eût écoutée. Elle en retarda du moins l’agonie. Sa pitié maternelle et sa charité divine veilleront toujours sur les bons, sur les convertis. Son apostolat continuera de disputer les autres à l’étreinte du protestantisme. Elle poursuit au fond de leur retraite les quelques centaines d’infidèles, qui refusèrent les pactes du gouvernement, et choisirent de reculer toujours plus loin dans leurs forêts, dernier refuge de leur indépendance et de leur paganisme. Divine Consolatrice, elle restera, jusqu’à la fin, pour endormir sur son cœur les derniers baptisés de ces fières tribus.

      Le bienfait de la foi a donc été la compensation miséricordieuse accordée par Dieu aux dernières générations. Ce travail, entrepris au XVIIe siècle, sous la domination française, ralenti au XVIIIe, sous la persécution anglaise, s’est pleinement développé au XIXe. Le XXe en verra l’achèvement.3

      Nous devions ce salut de compassion aux anciennes nations trouvées par nos pères, dans le Bas-Canada et le Nord-Ouest: nations évangélisées par nos missionnaires, et dont les tristes débris étaient sur le chemin que nous avions à suivre, pour atteindre, plus loin, beaucoup plus loin, dans les régions polaires, les deux grandes familles indigènes, que nous n’avons pas encore nommées, et qui sont l’objet de notre ouvrage: la nation des Dénés et les Esquimaux.

      Nous voilà transportés, avec les Dénés et les Esquimaux, à plus de 3.000 lieues de la France, parmi des sauvages découverts par les coureurs-des-bois, guides de la Compagnie du Nord-Ouest, vers 1780; par l’Eglise Catholique en 1844; et vivant encore maintenant dans l’état de nature, qui fut celui des Algonquins, Hurons et Iroquois, au XVIe siècle.

      Les Dénés et les Esquimaux ne sont point confinés dans des réserves. Personne ne leur a contesté encore l’immensité de leur pays, parce qu’il est trop froid, trop inculte, trop inabordable. Seuls, les commerçants de pelleteries et les missionnaires s’y coudoient, se conformant à la vie sauvage, sevrés de toutes les commodités, comme de tous les malaises, de la civilisation moderne. C’est pourquoi l’histoire des Dénés et des Esquimaux doit être, par elle-même, la plus simple et la plus intéressante du Nouveau-Monde.

      Le domaine principal des Dénés et des Esquimaux est la région qui fut longtemps connue sous le nom d’Athabaska-Mackenzie. Quelques mots de description sont ici indispensables.

      Un coup d’œil jeté sur l’ensemble de la carte murale montre le Canada découpé en pièces géographiques, alignées de l’Atlantique au Pacifique: neuf provinces, dont sept se dédoubleraient en des espaces suffisants à plusieurs royaumes.

      Les provinces du premier groupe: Nouvelle-Ecosse, Ile du Prince-Edouard, Nouveau-Brunswick, Québec et Ontario, suivent les rives du Saint-Laurent, golfe et fleuve, puis les courbes des Grands Lacs Ontario, Erié, Huron et Supérieur, pour s’arrêter au méridien le plus occidental de la baie d’Hudson. Les milliers de rivières qui baignent les gracieuses Laurentides, les collines odorantes, les bois pleins de ramages, les champs épanouis, le firmament qui mire son azur dans les lacs de cristal, l’harmonie infinie des paysages font de ces provinces de l’Est canadien, à notre sens, l’un des plus pittoresques et des plus agréables Edens que l’on puisse rêver.

      De l’Ontario aux montagnes Rocheuses, se juxtaposent, séparées par le droit méridien conventionnel, le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta: les trois provinces de la prairie (the prairie provinces). La prairie, qui constitue leur partie sud, s’y déroule, dans un horizon sans fin, pendant les trois jours que la vapeur met à la parcourir, sur ses 500 lieues de large. Elle a pourtant ses rivières, ses ruisseaux et ses lacs, ses coulées profondes, et, de loin en loin, ses îlots boisés; mais son niveau général donne au regard l’impression d’une plaine continue. Les géologues la considèrent comme le fond desséché de deux mers, rentrées, l’une dans l’océan Glacial, l’autre dans la baie d’Hudson. Le charbon, trouvé dès les premières couches du sol, atteste que des forêts l’ont couverte depuis. Les chaussées de castors, qui la zèbrent en tous sens, rappellent qu’elle fut ensuite marécageuse. Aujourd’hui, la terre féconde émerge partout, n’implorant que le soc de la charrue et le grain du semeur.

      Des montagnes Rocheuses à l’Océan Pacifique, nous traversons la Colombie Britannique, «océan pétrifié de montagnes», «Suisse du Canada», réservoir d’incalculables richesses poissonneuses, minérales et forestières.

      Quant aux noms d’Athabaska et de Mackenzie, on les chercherait en vain sur les cartes récentes du Canada. Ils ne sont conservés que par la Compagnie de la Baie d’Hudson, pour désigner ses districts de fourrures, et par l’Eglise Catholique, pour désigner ses vicariats apostoliques.

      Un seul vicariat réunit d’abord les deux territoires: le vicariat d’Athabaska-Mackenzie. Il exista, comme tel, pendant 40 ans, de 1862 à 1901, sous Mgr Faraud et Mgr Grouard, son successeur. En 1901, il fut scindé, à cause de son immensité et des progrès de l’évangélisation.

      L’Athabaska, au sud, resta à Mgr Grouard. Le Mackenzie, au nord, échut à Mgr Breynat.

      Le vicariat d’Athabaska comprend la partie nord de la province de l’Alberta, du 55e degré de latitude au 60e, et l’angle nord-ouest de la province de la Saskatchewan, dans lequel se prolonge et finit le lac Athabaska. Si l’on décompte la partie du bassin de la rivière la Paix, comprise entre le fort Vermillon et les montagnes Rocheuses, et dont les grasses prairies, à l’humus profond, se voient envahies par un flot de population blanche, l’on remarque que les trois quarts du vicariat d’Athabaska font corps avec la partie boisée du vicariat du Mackenzie. La lisière sud des bois de l’Athabaska donne asile à quelques rameaux de la tribu des Cris, de la nation Algonquine, et à quelques rares colons de race blanche. Quant à l’intérieur de la forêt, il est encore, comme à l’origine, le terrain vague et libre des sauvages Dénés. Là, commence le champ arctique, exclusivement exploité par le commerce des fourrures et l’apostolat des âmes.

      Le vicariat du Mackenzie se partage, avec le vicariat du Keewatin, son parallèle, l’espace géographique désigné par Les territoires du Nord-Ouest (North-West Territories). Il prend le versant de l’océan Glacial, et laisse au Keewatin presque tout le versant de la baie d’Hudson.

      En 1901, date de sa séparation d’avec le vicariat d’Athabaska, le vicariat du Mackenzie traversait les montagnes Rocheuses et englobait le Youkon.

      Mais

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Fervents chrétiens avant tout, les découvreurs français du Canada firent aller de pair la colonisation et l’évangélisation. François Ier, sur le rapport de Jacques Cartier, voulut «convertir les sauvages à la foi, et établir ses sujets au milieu d’eux». Champlain, que sa grande âme de catholique et de patriote a fait appeler «le véritable fondateur de la Nouvelle-France», réalisa le désir de Jacques Cartier et du roi de France, en obtenant les premiers missionnaires. Après lui, tous les explorateurs furent accompagnés, sinon précédés, par le prêtre.

Les Récollets arrivèrent en 1615, les Jésuites en 1625, les Sulpiciens en 1657. En 1659, le vicariat apostolique de Québec, plus vaste que l’Europe, fut érigé. Deux cent soixante ans plus tard, le 2 avril 1918, S. Ex. Mgr Stagni, quatrième nonce apostolique au Canada, pouvait écrire, dans sa lettre d’adieu à S. Em. le cardinal Bégin, archevêque de Québec, et aux 43 archevêques et évêques de la Puissance du Canada et de Terre-Neuve:

«Votre nation, dont l’univers entier vante la culture intellectuelle et les progrès matériels, s’est acquis une réputation plus invincible encore dans le domaine religieux. La hiérarchie catholique, laquelle n’y remonte même pas à trois siècles, se pare chaque jour d’une gloire et d’un éclat nouveau, tant par le nombre que par l’éminence des vertus de ses membres.»

On ne pouvait, en moins de mots, ni avec plus d’autorité, exprimer la rapidité du jeune continent à passer de l’état primitif à l’état d’une nation complètement européenne, au prestige mondial et au catholicisme florissant.