Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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Aux glaces polaires - Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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romanciers, qui prirent à ces conquérants du désert et de l’espace les caractères de leurs personnages, n’ont rien exagéré de leur passion pour la vie des Indiens, de leur courage à tout oser, de leur endurance, de leur gaieté surtout, gaieté du bon rire français «dont on riait d’un bout du monde à l’autre», gaieté «gouailleuse un tantinet», qui n’éclate à son aise que dans les solitudes des bois, loin de la contrainte, et à laquelle les natures les plus moroses s’abandonnent, dès leurs premiers pas dans la sauvagerie.

      Il fut un temps où le «métier de coureur-des-bois» était regardé par la jeunesse comme un stage indispensable de sa formation et une profession d’honneur, à laquelle il était lâche de se dérober. A peine pouvaient-ils échapper à la tutelle de leurs parents et tromper la surveillance des soldats de la colonie, que les jouvenceaux remontaient à la sourdine le Saint-Laurent, traversaient les Grands Lacs, et, des bords du Lac Supérieur, se lançaient enfin sur cet Ouest de leurs rêves, cet Ouest fascinant, si fascinant qu’il l’est encore aujourd’hui, tout remodelé qu’il soit par la main de l’homme. Ils allaient de lacs en rivières, de bois en savanes, jusqu’à la prairie immense, dont l’immensité même invitait toujours davantage à la marche et à la course. Les plus hardis dépassèrent les montagnes Rocheuses. Quelques-uns revinrent se fixer dans la colonie, ou en France, contents d’avoir fait leurs preuves. Beaucoup ne regagnaient les Pays d’en Bas (Ontario, Québec) que le temps d’y vendre leurs fourrures, et, parfois, d’en dissiper le profit en «folles joies»; puis ils se replongeaient, pour quinze autres mois, dans la liberté. Plusieurs ne reparurent jamais, soit qu’ils eussent trouvé la mort dans les eaux, sous la dent des fauves, ou dans les combats sauvages; soit plutôt qu’ils eussent pénétré dans la vie même des tribus de leur choix, par des mariages.

      La noblesse française elle-même se rendit à l’appel magique des Pays d’en Haut, et se fit une gloire de se donner le noviciat de l’époque. Il y eut gens d’hermine et d’épée qui laissèrent, jusque dans les neiges les plus lointaines, des rejetons de leur lignée, que l’on nomme encore des de Mandeville, de Saint-Georges, de la Porte, de Charlois, de l’Espinay, et combien d’autres, revenus à leur sang et à leurs noms sauvages, mais dont les yeux portent toujours des reflets de l’antique Noblesse!

      Deux de ces coureurs-des-bois furent les initiateurs de la célèbre Compagnie de la Baie d’Hudson, qu’aucune histoire, religieuse ou profane, du Nord-Ouest ne peut ignorer, tellement cette Compagnie s’est faite l’âme matérielle des premiers siècles de ces pays. Ces deux éclaireurs furent Pierre-Esprit Radisson, et son beau-frère, Médart Chouart de Groseillers. Nés l’un et l’autre en France, ils étaient venus, tout enfants, au Canada. Leurs équipées dans les Pays d’en Haut, telles que Radisson les rapporte, éclipseraient les légendaires aventures de Robinson Crusoë.

      De 1658 à 1660, dix ans par conséquent avant Joliet et le Père Marquette, vingt ans avant La Salle et le Père Mambré, soixante-dix ans avant La Vérandrye et le Père Messager, ils parcoururent les régions appelées aujourd’hui: Wisconsin, Iowa, Dakota-Sud, Montana, Manitoba. En 1661-1662, ils atteignirent le versant de la Baie d’Hudson, virent la baie James, et revinrent à Québec. Leurs fourrures étaient si nombreuses et si belles que leur fortune en eût été faite, si le gouverneur de la colonie ne les eût confisquées, accusant les deux trappeurs de les avoir acquises, sans s’être munis du permis légal.

      S’estimant injustement lésé, Radisson se laisse persuader par un commissaire anglais de Boston qu’il doit se venger de toute la France, en livrant à l’Angleterre le secret des richesses qu’il a découvertes dans les parages de la Baie d’Hudson. En 1666, il est à la cour de Londres avec Groseillers. Il expose ce qu’il sait à Charles II, l’un des derniers Stuarts. Une expédition par mer, à la Baie d’Hudson, s’organise. Elle réussit. Le prince Rupert, cousin de Charles II, est saisi par Radisson d’un projet de compagnie. Bonne occasion pour Rupert, sorte d’écumeur des mers lui-même, de rétablir sa fortune brisée par Cromwell. La société est formée, les fonds réunis. Le 22 mai 1670, sans se demander si ce qu’il donne appartient au roi de France ou au roi d’Angleterre, Charles II signe la charte qui octroie au «Gouverneur (Rupert) et à la Compagnie des Aventuriers traitant dans la Baie d’Hudson, la possession sans réserve du sol, le monopole de toutes les fourrures, avec le droit exclusif de pêche et de chasse, dans toute la contrée arrosée par les cours d’eau, fleuves et rivières tributaires de la baie d’Hudson.»

      Pendant plus d’un siècle, la Compagnie des Aventuriers trafiqua uniquement aux postes établis sur le rivage même de la baie d’Hudson, sans pénétrer dans les terres, les sauvages y apportant eux-mêmes leurs pelleteries. Mais ce facile commerce ne tarda pas à être troublé par la France qui, indignée des empiètements de Charles II, ordonna à la Compagnie de la Nouvelle-France de s’emparer des factoreries (forts-de-traite) de la Compagnie des Aventuriers. De Troyes, d’Hiberville, Lapérouse s’illustrèrent dans ces expéditions à la Baie d’Hudson. Les forts-de-traite furent plusieurs fois pris et repris. Des bateaux furent coulés bas. Il y eut des carnages. Mais le rendement des fourrures compensait si bien les pertes, que la Compagnie des Aventuriers tint bon, jusqu’à l’abandon de la Baie d’Hudson à l’Angleterre, au traité d’Utrecht (1713).

      En 1763 (traité de Paris), la France se retira tout à fait du Canada. Mais non tous les Français. Plusieurs de ceux-ci, commerçants de fourrures, avaient pénétré toujours plus loin dans le continent, à la suite des coureurs-des-bois. Ils parvinrent à intercepter les veines du trafic indien qui se rendait à la Baie d’Hudson. En 1783, se voyant cependant individuellement trop faibles pour lutter contre la Compagnie des Aventuriers, ils s’assemblèrent en une société admirablement organisée, sous le contrôle de quelques actionnaires de Montréal, Ecossais dévoués aux Stuarts pour les deux tiers, Français pour l’autre tiers, mais tous également mécontents de l’Angleterre, et prirent le nom fameux de Compagnie du Nord-Ouest.

      Presque tous les employés de la Compagnie du Nord-Ouest furent des Canadiens Français. Le français était la langue officielle, et les maîtres écossais se firent un devoir de l’apprendre et de le parler. Telle fut la cause de leur succès. En quelques années, la Compagnie du Nord-Ouest couvrit l’Ouest, le Nord, l’Extrême-Nord et la Colombie Britannique d’un réseau de forts-de-traite.

      Une seule chance de vie restait à la Compagnie des Aventuriers: suivre son adversaire et s’installer à ses côtés. Mais l’expérience des voyages dans les steppes et les forêts lui manquait. Son personnel anglais, d’autre part, ne pouvait prétendre au prestige affectueux sur les sauvages que s’étaient gagné les explorateurs français. Ses engagés ne pouvaient davantage soutenir la comparaison avec les Voyageurs de Pays d’en Haut: guides, timoniers, canotiers, portefaix, coureurs et trappeurs de colossale renommée. Dans la crainte de sombrer, elle se mit à recruter, elle aussi, des serviteurs Canadiens Français, et à s’avancer vers l’Ouest, à mesure qu’elle parvenait à équiper ses convois.

      Une suite de combats sanglants, de voies de fait, d’excès abominables marquèrent les quarante années de cette concurrence. Le désert en a enseveli le souvenir. Le tort que se firent réciproquement ces ambitieux de la fortune fut tel, qu’au milieu d’une abondance inouïe de fourrures, les deux sociétés touchèrent à l’heure de la ruine. Le prétexte des querelles était le reproche d’invasion sur le terrain d’autrui: «Vous êtes sortis du domaine de votre charte», disait la Nord-Ouest à la Baie d’Hudson. «Le pays est anglais, et vous n’êtes que Français», répliquait la Baie d’Hudson.

      «Il est plus facile de s’embrasser que de se convaincre». C’est ce que firent les deux rivales, au plus fort de la bataille, en 1821.

      Tandis qu’au fond du Nord, commis et engagés, hors d’atteinte des bonnes nouvelles pour une année encore, continuaient à s’entre-détruire, les têtes de Montréal et de Londres

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