Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis. Dumas Alexandre

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Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - Dumas Alexandre

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ondulations indiquaient les endroits où les Prussiens morts étaient couchés dans de grandes fosses.

      Partout où ces ondulations se manifestaient, une végétation plus vive attestait la présence de cet engrais animal qu'on appelle l'homme, et qui a seul l'honneur de pouvoir faire concurrence au guano.

      Grâce à ces jalons, la démonstration devenait facile pour Jacques Mérey.

      À un kilomètre à peu près, au fond d'une petite vallée ayant quelque ressemblance avec celle de Waterloo, les ondulations s'arrêtaient.

      Les Prussiens n'avaient pas même atteint le pied de la colline de Valmy.

      Sur cette colline étaient Kellermann, ses seize mille hommes et sa batterie de canons.

      Derrière lui, sur le mont Ivron, les six mille hommes qu'y avait fait filer Dumouriez pour empêcher son collègue d'être tourné.

      À sa gauche, le moulin à vent, derrière lequel un obus mit le feu à quelques caissons, ce qui jeta un instant de trouble dans les rangs français.

      – Et vous, demandèrent les volontaires, où étiez-vous?

      Le faux sergent poussa un soupir et montra de la main l'espace compris entre Sainte-Menehould et Braux-Sainte-Cubière.

      – Alors, dit un des volontaires, tu étais avec Dumouriez?

      – Oui, dit Jacques Mérey, je suis de ce pays-ci, et je lui avais servi de guide dans la forêt d'Argonne.

      Jacques laissa tomber sa tête dans ses deux mains.

      À peine neuf mois s'étaient écoulés depuis Valmy, cette merveilleuse aurore de la République et de la liberté, et la République se déchirait elle-même, et la liberté était plus que jamais menacée par l'ennemi. Enfin, lui-même Jacques Mérey, lui qui, au milieu des applaudissements de la Convention, de Paris, de toute la France, était venu annoncer les deux grandes victoires que l'on croyait le salut de la patrie, il avait été obligé de fuir inaperçu de la Convention, de sortir de Paris entre le bourreau et son aide, comme s'il eût marché à l'échafaud, et il traversait la France, fugitif, déguisé, proscrit, repassant obscur et caché sous l'habit d'un volontaire, par ces mêmes pays où, neuf mois auparavant, il avait passé triomphant.

      Et Dumouriez…

      C'était celui-là qui devait vraiment être malheureux.

      Victime d'un cataclysme révolutionnaire, Jacques Mérey reverrait peut-être un jour glorieusement la France. Il y reprendrait alors le rang que son mérite lui assignait. Mais Dumouriez, traître, matricide, n'y rentrerait jamais.

      Tout cela tira une larme des yeux du faux sergent.

      – Tu pleures, citoyen, lui dit un volontaire.

      Jacques haussa doucement les épaules, montra d'un geste circulaire tout le champ de bataille.

      – Hélas! oui, dit-il, je pleure! Je pleure ces jours que, comme ceux de la jeunesse, on ne revoit pas deux fois!

      II

      LA FAMILLE RIVERS

      Le dîner fini, comme on avait encore deux heures de jour, on ne voulut point gagner Sainte-Menehould par la grande route, mais faire un pèlerinage à Valmy.

      On arriverait un peu plus tard à Sainte-Menehould, mais peu importait; on avait bien dîné, la fatigue avait disparu, chaque volontaire était dans l'admiration de ce sergent qui pourvoyait à tous les besoins du corps, et qui suffisait à ceux du cœur et de l'esprit par ses propres souvenirs.

      Tous l'eussent suivi au bout du monde et se fussent fait tuer pour lui.

      Et lui, quelque hâte qu'il eût de rejoindre cette âme de sa vie, cette étoile de son cœur que l'on appelait Éva, il prenait cependant en patience cette obligation où il était de gagner la frontière à petites journées.

      Il marchait encore sur la terre de la patrie, que dans trois ou quatre jours il abandonnerait pour ne plus la revoir jamais peut-être.

      De temps en temps il lui prenait l'envie de se jeter la face contre terre et de baiser cette mère commune qu'il y a deux mille six cents ans baisait Brutus comme mère des mères.

      Tout lui en paraissait beau, tout lui en semblait précieux. Il s'arrêtait pour cueillir une fleur, pour entendre chanter un oiseau, pour voir couler un ruisselet.

      Il avait un soupir de regret pour chaque chose.

      Il régla son compte avec l'hôte, puis prit, entre un champ d'orge et de seigle, un petit sentier où l'on ne pouvait marcher qu'un à un, et qui conduisait à Valmy.

      Les habitants du village les virent venir de loin et crurent qu'ils leur étaient envoyés, comme cela arrivait souvent à cette époque, en logement.

      Ils vinrent au-devant d'eux.

      Mais quand ils surent que c'était la simple curiosité qui les amenait, chacun voulait se faire cicérone et s'emparer de son volontaire.

      Jacques Mérey alla s'asseoir sur le banc de pierre qui est à la porte du moulin, et quand un des garçons meuniers lui offrit de lui raconter obligeamment la bataille:

      – Inutile, mon ami, lui dit le faux sergent, j'en étais!

      – De ceux d'ici? demanda le meunier.

      – Non, répondit Jacques en souriant et en montrant le camp de Dumouriez, de ceux de là.

      On se remit en route, et par un autre sentier on alla, en longeant un petit cours d'eau, rejoindre la descente de Sainte-Menehould, là où le 23 juin 1791 M. de Dampierre avait été tué.

      Chose bizarre et cependant commune dans les guerres civiles, l'oncle mourait à la descente de Sainte-Menehould en criant Vive le roi! le neveu mourait dans le bois de Vicoigne en criant vive la République!

      On entra à Sainte-Menehould à la nuit. Les volontaires reçurent à la municipalité des billets de logement. Jacques Mérey préféra coucher à l'auberge.

      Avant de se séparer de ses compagnons, Jacques Mérey leur proposa de faire le lendemain grande étape, une étape de neuf lieues, afin d'aller coucher à Verdun.

      On déjeunerait à Clermont.

      Et comme quelques-uns des volontaires auraient peur à faire cette étape de neuf lieues, Jacques Mérey se procurerait une charrette à deux chevaux bien rembourrée de paille dans laquelle on mettrait le déjeuner d'abord, puis les fusils, puis les sacs, puis les boiteux.

      Moyennant toutes ces précautions, on arriverait à Verdun vers huit heures du soir.

      Le faux sergent craignait d'être reconnu à Verdun; il désirait y arriver de nuit et en repartir avant le jour.

      On déjeunerait et on ferait une halte de quatre ou cinq heures, aussi longue que l'on voudrait enfin, sous les grands arbres qui bordent l'Aire.

      On mangerait, en attendant, un morceau de pain, et l'on boirait la goutte aux Islettes, charmant village situé au cœur même de la forêt d'Argonne.

      On

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