Le comte de Moret. Dumas Alexandre

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Le comte de Moret - Dumas Alexandre

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n'est point assez – dit-il – je vous l'ai dit et je vous le répète: je veux savoir avant tout à qui j'ai affaire.

      L'inconnu laissa échapper un signe d'impatience.

      – En vérité! – dit-il, – vous poussez trop loin le scrupule, mon cher M. Latil. – Votre futur adversaire ne saurait, en aucun cas, ni vous compromettre, ni vous résister: c'est un enfant de vingt-trois ans à peine, depuis huit jours seulement de retour à Paris, et que tout le monde croit encore en Italie. D'ailleurs, vous le mettrez à terre avant qu'il ait pu distinguer les traits de votre visage, que, pour plus grande précaution, vous pouvez couvrir d'un masque.

      – Mais savez-vous, mon gentilhomme, dit Latil, en appuyant ses coudes sur la table et sa tête sur ses poings; savez-vous que votre proposition frise l'assassinat!

      L'inconnu resta muet; Latil, de son côté, secoua la tête, et, repoussant la bourse tout à fait.

      – En ce cas – dit-il – il ne me convient guère d'être votre homme, et le genre de besogne auquel vous voulez m'employer me va peu.

      – Est-ce au service de M. d'Epernon que vous avez pris tous ces scrupules? mon bel ami, demanda l'inconnu.

      – Non, répondit Latil, car je suis justement sorti du service de M. d'Epernon parce que je les avais.

      – Je vois cela; vous n'avez pu vous entendre avec les Simon!

      Les Simon étaient les tortureurs du vieux duc.

      – Les Simon! dit Latil avec un geste de suprême dédain, sont des donneurs d'étrivières, tandis que moi je suis un donneur de coups d'épée.

      – Allons! dit l'inconnu, je vois qu'il faut doubler la somme; soit, je puis mettre deux cents pistoles à cette fantaisie.

      – Eh bien! non, cela ne me décidera point. Je ne travaille pas dans le guet-apens. Vous trouverez des gens dont c'est la partie, vers Saint-Pierre-aux-Bœufs, c'est là que les coupe-jarrets se tiennent habituellement. Mais que vous importe, au surplus, que j'emploie ma manière à moi, au lieu d'employer la vôtre, et que je le mène sur le pré, pourvu que je vous en débarrasse. Ce que vous voulez, n'est-ce pas, c'est ne plus le rencontrer sur votre chemin? Eh bien! du moment où vous ne l'y rencontrerez plus, vous devez vous tenir pour satisfait.

      – Il n'acceptera point votre appel.

      – Ventrebleu! il serait bien dégoûté! Les Latil de Pompignac ne datent pas des croisades comme les Rohan et les Montmorency, c'est vrai, mais ils sont d'honnête noblesse, et, quoique cadet de famille, je me crois aussi noble que mes aînés!

      – Il n'acceptera point, vous dis-je.

      – Alors je le bâtonnerai de telle manière qu'il n'osera plus jamais se présenter devant la bonne compagnie.

      – On ne le bâtonne pas.

      – Oh! oh! c'est donc à M. le cardinal lui-même que vous en voulez?

      L'inconnu ne répondit point, mais tira de sa poche deux rouleaux de louis de cent pistoles chacun, qu'il posa sur la table à côté de la bourse, mais dans un mouvement qu'il fit, son chapeau se dérangea, et Latil put voir que son étrange interlocuteur était bossu par derrière et par devant.

      – Trois cents pistoles, dit le gentilhomme bossu, peuvent-elles calmer vos scrupules et mettre fin à vos objections?

      Latil secoua la tête et poussa un soupir.

      – Vous avez des manières bien séduisantes, mon gentilhomme, dit-il, et il est difficile de vous résister. En effet, il faudrait avoir le cœur plus dur qu'une roche, sachant un seigneur tel que vous dans l'embarras, pour ne pas chercher avec lui un moyen de l'en tirer. Cherchons donc, je ne demande pas mieux.

      – Je n'en connais pas d'autres que celui-ci, répondit l'inconnu, et deux autres rouleaux de la même essence et de la même longueur, vinrent s'aligner près des deux premiers. Mais, ajouta l'inconnu, c'est la limite de mon imagination, ou de mon pouvoir, je vous en préviens: refusez ou acceptez.

      – Ah! tentateur! tentateur! murmura Latil, en attirant à lui la bourse et les quatre rouleaux, vous me ferez déroger à mes principes et faillir à mes habitudes!

      – Allons donc! dit le gentilhomme, j'étais bien sûr que nous finirions par nous entendre.

      – Que voulez-vous? Vous avez des façons tellement persuasives, que l'on n'y saurait résister. Voyons, convenons de nos faits: c'est dans la rue de la Cerisaie, n'est-ce pas?

      – Oui.

      – Pour ce soir?

      – Si c'est possible.

      – Seulement, il faudra me le bien dépeindre pour que je ne m'y trompe pas.

      – Sans aucun doute. D'ailleurs, maintenant que vous êtes raisonnable, que vous êtes bien à moi, que je vous ai acheté, que je vous ai payé.

      – Un instant, l'argent n'est pas encore dans ma poche.

      – Allez-vous faire des difficultés?

      – Non, mais poser des exceptions, exceptis exipiendis, comme nous disions au collége de Libourne.

      – Voyons ces exceptions.

      – D'abord, ce n'est ni le roi ni M. le cardinal.

      – Ni l'un ni l'autre.

      – Ni un ami de M. le cardinal?

      – Non, ce serait plutôt un ennemi, au contraire.

      – Et qu'est-il au roi?

      – Indifférent, mais je dois le dire, fort agréable à la reine.

      – Je comprends, un amoureux de Sa Majesté.

      – Peut-être. La liste de tes exceptions est-elle épuisée?

      – Ma foi oui; pauvre reine! reprit Latil, en portant la main sur l'or, et en s'apprêtant à le faire passer de la table dans sa poche, elle n'a pas de chance, on vient de lui tuer le duc de Buckingham.

      – Et – interrompit le gentilhomme bossu qui sans doute voulait en finir avec les hésitations de Latil, et qui aimait peut-être mieux qu'il reculât dans l'auberge que sur le terrain, et voilà qu'on va lui tuer le comte de Moret.

      Latil bondit sur sa chaise.

      – Ouais! – dit-il – le comte de Moret?

      – Le comte de Moret, répéta l'inconnu, vous ne l'avez pas nommé dans votre exception, ce me semble?

      – Antoine de Bourbon? – insista Latil, en appuyant ses deux poings sur la table.

      – Oui, Antoine de Bourbon.

      – Le fils de notre bon roi Henri?

      – Le bâtard, vous voulez dire.

      – Les bâtards sont les vrais fils des rois, attendu que les rois les font, non point par devoir, mais par amour. Reprenez votre

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