Le comte de Moret. Dumas Alexandre

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Le comte de Moret - Dumas Alexandre

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à l'hôtel, sa barbe y fût arrivée avant lui.

      Un étage plus bas, on rencontrait l'écuyer, ou plutôt le quinola Silésie, – on appelait quinola à cette époque un écuyer de second ordre, – autre fou d'un autre genre, car tout le monde à l'hôtel Rambouillet avait sa folie; aussi Mme Rambouillet appelait-elle Neuf-Germain son fou interne et Silésie son fou externe, attendu qu'il logeait avec sa femme et ses enfants hors de l'hôtel, mais à quelques pas seulement.

      Un matin, tous les gens qui habitaient la même maison que Silésie, vinrent se plaindre au marquis, lui disant que depuis les chaleurs, il n'y avait pas moyen de dormir sous le même toit que son écuyer.

      M. de Rambouillet l'appela devant lui.

      – Quel sabbat fais-tu donc la nuit? lui demanda-t-il, que tous les voisins se plaignent de ne pouvoir fermer l'œil un instant.

      – Sauf votre respect, M. le marquis, répondit Silésie, je tue mes puces.

      – Et comment mènes-tu si grand bruit en tuant tes puces?

      – Parce que je les tue à coups de marteau.

      – A coups de marteau! Explique-moi cela, Silésie.

      – Monsieur le marquis a dû remarquer qu'aucun animal n'a la vie plus dure qu'une puce.

      – C'est vrai.

      – Eh bien, je prends les miennes, et de peur qu'elles ne s'échappent dans ma chambre, je les porte sur l'escalier et à grands coups de marteau, je les écrase.

      Et, quelque chose que pût lui dire le marquis, Silésie continua de tuer ses puces de la même façon jusqu'à ce que, pendant une nuit, où il était probablement mal réveillé, il manqua la première marche et roula du haut en bas de l'escalier.

      Quand on le ramassa, il avait le cou rompu.

      Après Silésie, venait maître Claude l'argentier, espèce de Jocrisse, fanatique des exécutions, et qui, quelques observations que l'on pût lui faire sur la cruauté du spectacle, n'en manquait pas une. Cependant trois ou quatre eurent lieu les unes à la suite des autres, sans que maître Claude bougeât de la maison.

      Inquiète de cette insouciance, la marquise lui en demanda la cause.

      – Ah! madame la marquise, lui répondit maître Claude, en secouant la tête d'un air mélancolique, je ne prends plus aucun plaisir à voir rouer.

      – Et pourquoi cela? lui demanda sa maîtresse.

      – Imaginez vous que, depuis le commencement de cette année, ces coquins de bourreaux étranglent les patients avant que de les rouer! J'espère qu'un jour on les rouera eux-mêmes, et j'attends ce jour-là pour retourner en Grève.

      Un jour, ou plutôt un soir, il alla pour voir le feu d'artifice de la Saint-Jean, mais, au moment où l'on allait allumer la première fusée, se trouvant derrière un curieux plus grand que lui de la tête, gros à l'avenant, qui l'empêchait de voir, il eut l'idée, pour n'être gêné par personne, d'aller à Montmartre; seulement lorsqu'il arriva tout essoufflé au haut de la butte, et qu'il se retourna du côté de l'Hôtel de Ville, le feu d'artifice était tiré, de sorte que ce soir-là, au lieu de mal voir, Claude ne vit rien du tout.

      Mais ce qu'il vit en détail et ce qui lui fit grand plaisir à voir, ce fut le trésor de Saint-Denis. Aussi à son retour, interrogé par la marquise:

      – Ah! madame – dit-il – que de belles choses ils ont, ces coquins de chanoines!

      Et il commença d'énumérer les croix ornées de pierreries, les chapes brodées de perles, les ostensoirs en or, les crosses en argent – et puis, ajouta-t-il – le plus important que j'oubliais.

      – Qu'appelez-vous le plus important, maître Claude?

      – Eh donc, madame la marquise, le bras de notre voisin qu'ils ont.

      – De quel voisin? demanda Mme de Rambouillet, qui se demandait inutilement lequel de ses voisins pouvait avoir eu l'idée de déposer son bras au trésor de Saint-Denis.

      – Eh! pardieu! le bras de notre voisin Saint Thomas, madame, nous n'en n'avons pas de plus proche, puisque nous touchons à son église.

      Il y avait encore à l'hôtel Rambouillet deux autres serviteurs qui ne déparaient pas la collection: un secrétaire nommé Adriani, et un brodeur nommé Dubois. Le premier publia un volume de poésies qu'il dédia à M. de Schomberg; l'autre, se prétendant entraîné par la vocation, se fit capucin; mais la vocation ne fut point persistante, de sorte qu'avant la fin de son noviciat, il sortit de son couvent, et n'osant aller redemander sa place chez Mme de Rambouillet, il se fit portier des comédiens de l'hôtel de Bourgogne, afin, disait-il, de revoir encore Mme de Rambouillet, si par hasard il lui prenait l'envie d'aller au théâtre.

      En effet, le marquis et la marquise de Rambouillet étaient adorés de leurs serviteurs; un soir, l'avocat Patru – celui qui introduisit à l'Académie la mode des discours de remerciements, – soupait à l'hôtel de Nemours avec l'abbé de Saint-Spire, un des deux prononça le nom de la marquise de Rambouillet; le sommelier, nommé Audry, qui traversait la salle, après avoir donné aux domestiques inférieurs ses ordres sur le vin qu'il devait leur servir, entendit le nom de la marquise et s'arrêta; puis, comme les deux convives continuaient d'en parler, le sommelier congédia tous les autres domestiques.

      – Que diable faites-vous donc, Audry? demanda Patru.

      – Eh! messieurs! s'écria le sommelier, j'ai été douze ans à Mme de Montausier, et, puisque vous avez eu l'honneur d'être des amis de Mme la marquise, personne ne vous servira ce soir que moi.

      Et, au mépris de sa dignité, prenant la serviette aux mains du domestique et la mettant sur son bras, le digne sommelier se tint debout derrière les convives et les servit jusqu'à la fin du souper.

      Et maintenant que nous avons fait connaissance avec les maîtres, les commensaux et les serviteurs de l'hôtel Rambouillet, introduisons nos lecteurs dans le susdit hôtel, un soir où nous y verrons les principales célébrités de l'époque.

      CHAPITRE V.

      CE QUI SE PASSAIT A L'HOTEL RAMBOUILLET, AU MOMENT OU SOUSCARRIÈRES SE DÉBARRASSAIT DE SON TROISIÈME BOSSU

      Or, pendant cette soirée du 5 décembre 1628, où nous avons ouvert dans l'hôtellerie de la Barbe Peinte le premier chapitre de ce livre, toutes les illustrations littéraires de l'époque, tout ce qui formait cette société, qui plus tard tomba dans le ridicule, et que ridiculisa Molière, était rassemblé dans l'hôtel de la marquise, non point comme visiteurs ordinaires, familiers de la maison, mais comme invités, chacun d'eux ayant reçu un billet de Mme de Rambouillet qui lui annonçait qu'il y avait chez elle assemblée extraordinaire.

      Aussi n'était-on pas venu, on était accouru.

      Tout était événement, à cette bienheureuse époque où les femmes commençaient à prendre une influence sur la société; la poésie était en enfantement; elle avait, dans le siècle précédent, donné Marot, Garnier et Ronsard; elle bégayait ses premières tragédies, ses premières pastorales, ses premières comédies, avec Hardy, Desmarets, Rességuier, et elle allait, grâce à Rotrou, à Corneille, à Molière et à Racine, placer par sa littérature dramatique la France à la tête de toutes les nations, et parfaire cette belle langue, qui, créée

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