Le comte de Moret. Dumas Alexandre

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le comte de Moret - Dumas Alexandre страница 6

Le comte de Moret - Dumas Alexandre

Скачать книгу

non, ce ne peut pas être; celui-là est arrivé depuis huit jours à peine d'Italie.

      – Il ne faut pas huit jours pour aller de l'hôtel Montmorency à la rue de la Cerisaie.

      – Alors, c'est donc… – Souscarrières hésita un instant, puis, comme si le nom s'échappait de sa bouche malgré lui. – C'est donc le comte de Moret?

      Un blasphème terrible, qui s'échappa de la bouche du marquis, fut sa seule réponse.

      – Ah! ah! mais qui donc aimes-tu, mon cher Pisani?

      – J'aime madame de Maugiron.

      – Ah! la bonne histoire! s'écria Souscarrières en éclatant de rire.

      – Est-ce donc si risible ce que je te dis là? demanda Pisani, en fronçant le sourcil.

      – Madame de Maugiron, la sœur de Marion Delorme?

      – La sœur de Marion Delorme, oui!

      – Qui demeure dans la même maison que son autre sœur, madame de La Montagne?

      – Oui! cent fois oui!

      – Eh bien! mon cher marquis, si tu n'as que cette raison d'en vouloir au pauvre comte de Moret, et si tu veux le faire tuer parce qu'il est l'amant de Mme de Maugiron, remercie Dieu que ton désir n'ait pas été accompli, car un brave gentilhomme comme toi aurait eu un remords éternel d'avoir commis un crime inutile.

      – Comment cela? demanda Pisani, se dressant tout debout.

      – Parce que le comte de Moret n'est point l'amant de Mme de Maugiron.

      – Et de qui est-il donc l'amant?

      – De sa sœur, Mme de La Montagne.

      – Impossible!

      – Marquis, je te jure qu'il en est ainsi.

      – Le comte de Moret, l'amant de Mme de La Montagne, tu me le jures?

      – Foi de gentilhomme!

      – Mais, l'autre soir, je me suis présenté chez Mme de Maugiron.

      – Avant-hier?

      – Oui, avant-hier.

      – A onze heures du soir?

      – Comment sais-tu cela?

      – Je le sais, je le sais, comme je sais que Mme de Maugiron n'est point la maîtresse du comte de Moret.

      – Tu te trompes, te dis-je.

      – Alors, va toujours.

      – Je l'avais vue dans la journée; elle m'a dit que je pouvais venir, que je la trouverais seule. J'ai repoussé le laquais, je suis parvenu jusqu'à la porte de sa chambre à coucher, j'ai entendu une voix d'homme.

      – Je ne dis point que tu n'aies pas entendu une voix d'homme. – Je dis seulement que cette voix n'était pas celle du comte de Moret.

      – Oh! tu me damnes, en vérité!

      – Tu ne l'as pas vu, le comte?

      – Si, je l'ai vu.

      – Comment cela?

      – Je me suis embusqué sous la grande porte de l'hôtel Lesdiguières, qui donne juste en face de la maison de Mme de Maugiron.

      – Eh bien?

      – Eh bien, je l'ai vu sortir, vu comme je te vois. Seulement il ne sortait pas de chez Mme de Maugiron, il sortait de chez Mme de La Montagne.

      – Mais alors! mais alors! s'écria Pisani, – quel était donc l'homme dont j'ai entendu la voix chez Mme de Maugiron?

      – Bah! marquis, soyez philosophe.

      – Philosophe!

      – Oui, à quoi bon vous en inquiéter?

      – Comment à quoi bon m'en inquiéter. Je m'en inquiète pour le tuer donc, si ce n'est pas un fils de France.

      – Pour le tuer! Ah! ah! fit Souscarrières avec un accent qui ouvrit au marquis tout un horizon de doutes étranges.

      – Certainement! répondit-il, pour le tuer.

      – Vraiment! comme cela, tout grouillant! sans dire gare! continua Souscarrières avec un accent de plus en plus gouailleur.

      – Oui! oui! oui! cent fois oui!

      – Eh bien! dit Souscarrières, tuez-moi donc, mon cher marquis, car cet homme, c'était moi.

      – Ah! Schelme! s'écria Pisani, en grinçant des dents et en tirant son épée, – défends-toi.

      – Ah! tu n'as pas besoin de m'en prier, mon cher marquis, dit Souscarrières en bondissant en arrière et en retombant en garde l'épée à la main, – à tes ordres.

      Alors, malgré les cris de leurs compagnons qui ne comprenaient rien à tout ce qui se passait, commença entre le marquis Pisani et le seigneur de Souscarrières un combat furieux, d'autant plus terrible qu'il avait lieu sans autre lumière que celle qui descendait d'une lune trouble et voilée. – Combat où chacun, autant par amour de la vie que pour toute autre cause, déploya toute sa science en escrime. Souscarrières, qui excellait à tous les exercices du corps, était évidemment le plus fort et le plus adroit, mais les longues jambes de Pisani, la manière exagérée dont il était fendu, lui donnaient un grand avantage pour l'inattendu de ses attaques et la distance de ses retraites; enfin, au bout d'une vingtaine de secondes, le marquis Pisani poussa un cri, qui eut peine à passer entre ses dents serrées, baissa le bras, le releva, mais, presqu'aussitôt, laissa tomber son épée dont il ne pouvait plus supporter le poids, alla s'adosser au mur, jeta un soupir et s'affaissa sur lui-même.

      – Ma foi, dit Souscarrières en baissant son épée à son tour, vous êtes témoin que c'est lui qui l'a voulu.

      – Hélas! oui – répondirent ses compagnons.

      – Et vous attesterez que tout s'est passé dans les règles de l'honneur.

      – Nous l'attesterons.

      – Eh bien, maintenant, comme je ne veux pas la mort, mais la guérison du pécheur, portez M. de Pisani chez madame sa mère, et courez chercher Bouvard, le chirurgien du roi.

      – C'est en effet ce que nous avons de mieux à faire. Aidez-moi, mon ami, heureusement nous sommes à cinquante pas à peine de l'hôtel de Rambouillet.

      – Ah! dit l'autre, quel malheur! une partie qui avait si bien commencé!

      Et tandis qu'ils emportaient le plus doucement possible le marquis Pisani chez sa mère, Souscarrières disparaissait au coin de la rue des Orties et de la rue Fromenteau, en disant:

      – Ces damnés bossus, je ne sais pas ce qui les enrage contre moi! voilà le troisième auquel je suis obligé de

Скачать книгу