Le Collier de la Reine, Tome II. Dumas Alexandre

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Le Collier de la Reine, Tome II - Dumas Alexandre

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piège? Y avait-il seulement flagornerie? Certes, la question étant ainsi posée, il ne pouvait manquer d'y avoir danger pour une reine. Mais Sa Majesté rencontra sur le visage de Jeanne tant de douceur, de candide bienveillance, tant de vérité pure, que rien n'accusait une pareille physionomie d'être perfide ou adulatrice.

      Et comme la reine elle-même avait une âme pleine de vraie générosité, et que dans la générosité, il y a toujours la force, dans la force toujours la solide vérité, alors Marie-Antoinette, poussant un soupir:

      – Oui, dit-elle, le collier est beau; il était beau, veux-je dire, et je suis bien aise qu'une femme de goût me loue de l'avoir repoussé.

      – Si vous saviez, madame, s'écria Jeanne, coupant à propos la phrase, comme on finit par connaître les sentiments des gens lorsqu'on porte intérêt à ceux que ces gens aiment!

      – Que voulez-vous dire?

      – Je veux dire, madame, qu'en apprenant votre héroïque sacrifice du collier, je vis monsieur de Rohan pâlir.

      – Pâlir!

      – En un moment ses yeux se remplirent de larmes. Je ne sais, madame, s'il est vrai que monsieur de Rohan soit un bel homme et un seigneur accompli, ainsi que beaucoup le prétendent; ce que je sais, c'est qu'en ce moment, sa figure, éclairée par le feu de son âme, et toute sillonnée de larmes provoquées par votre généreux désintéressement, que dis-je? par votre privation sublime, cette figure-là ne sortira jamais de mon souvenir.

      La reine s'arrêta un moment à faire tomber l'eau du bec de cygne doré qui plongeait sur sa baignoire de marbre.

      – Eh bien! comtesse, dit-elle, puisque monsieur de Rohan vous a paru si beau et si accompli que vous venez de le dire, je ne vous engage pas à le lui laisser voir. C'est un prélat mondain, un pasteur qui prend la brebis autant pour lui-même que pour le Seigneur.

      – Oh! madame.

      – Eh bien! quoi? Est-ce que je le calomnie? N'est-ce pas là sa réputation? Ne s'en fait-il pas une sorte de gloire? Ne le voyez-vous pas, aux jours de cérémonie, agiter ses belles mains en l'air, elles sont belles, c'est vrai, pour les rendre plus blanches, et sur ses mains, étincelant de la bague pastorale, les dévotes fixant des yeux plus brillants que le diamant du cardinal?

      Jeanne s'inclina.

      – Les trophées du cardinal, poursuivit la reine, emportée, sont nombreux. Quelques-uns ont fait scandale. Le prélat est un amoureux comme ceux de la Fronde. Le loue qui voudra pour cela, je me récuse, allez.

      – Eh bien! madame, fit Jeanne mise à l'aise par cette familiarité, comme aussi par la situation toute physique de son interlocutrice, je ne sais pas si monsieur le cardinal pensait aux dévotes quand il me parlait si ardemment des vertus de Votre Majesté; mais tout ce que je sais, c'est que ses belles mains, au lieu d'être en l'air, s'appuyaient sur son cœur.

      La reine secoua la tête en riant forcément.

      «Oui-da! pensa Jeanne, est-ce que les choses iraient mieux que nous ne le croyions? Est-ce que le dépit serait notre auxiliaire? Oh! nous aurions trop de facilités alors.»

      La reine reprit vite son air noble et indifférent.

      – Continuez, dit-elle.

      – Votre Majesté me glace; cette modestie qui lui fait repousser même la louange…

      – Du cardinal! Oh! oui.

      – Mais pourquoi, madame?

      – Parce qu'elle m'est suspecte, comtesse.

      – Il ne m'appartient pas, répliqua Jeanne avec le plus profond respect, de défendre celui qui a été assez malheureux pour être tombé dans la disgrâce de Votre Majesté; n'en doutons pas un moment, celui-là est bien coupable, puisqu'il a déplu à la reine.

      – Monsieur de Rohan ne m'a pas déplu; il m'a offensée. Mais je suis reine et chrétienne; et doublement portée, par conséquent, à oublier les offenses.

      Et la reine dit ces paroles avec cette majestueuse bonté qui n'appartient qu'à elle.

      Jeanne se tut.

      – Vous ne dites plus rien?

      – Je serais suspecte à Votre Majesté, j'encourrais sa disgrâce, son blâme, en exprimant une opinion qui froisserait la sienne.

      – Vous pensez le contraire de ce que je pense à l'égard du cardinal?

      – Diamétralement, madame.

      – Vous ne parleriez pas ainsi le jour où vous sauriez ce que le prince Louis a fait contre moi.

      – Je sais seulement ce que je l'ai vu faire pour le service de Votre Majesté.

      – Des galanteries?

      Jeanne s'inclina.

      – Des politesses, des souhaits, des compliments? continua la reine.

      Jeanne se tut.

      – Vous avez pour monsieur de Rohan une amitié vive, comtesse; je ne l'attaquerai plus devant vous.

      Et la reine se mit à rire.

      – Madame, répondit Jeanne, j'aimais mieux votre colère que votre raillerie. Ce que ressent monsieur le cardinal pour Votre Majesté est un sentiment tellement respectueux, que, j'en suis sûre, s'il voyait la reine rire de lui, il mourrait.

      – Oh! oh! il a donc bien changé.

      – Mais Votre Majesté me faisait l'honneur de me dire l'autre jour que, depuis dix ans déjà, monsieur de Rohan était passionnément…

      – Je plaisantais, comtesse, dit sévèrement la reine.

      Jeanne, réduite au silence, parut à la reine résignée à ne plus lutter, mais Marie-Antoinette se trompait bien. Pour ces femmes, nature de tigre et de serpent, le moment où elles se replient est toujours le prélude de l'attaque; le repos concentré précède l'élan.

      – Vous parlez de ces diamants, fit imprudemment la reine. Avouez que vous y avez pensé.

      – Jour et nuit, madame, dit Jeanne avec la joie d'un général qui voit faire sur le champ de bataille une faute décisive à son ennemi. Ils sont si beaux, ils iront si bien à Votre Majesté.

      – Comment cela?

      – Oui, madame, oui, à Votre Majesté.

      – Mais ils sont vendus?

      – Oui, ils sont vendus.

      – À l'ambassadeur de Portugal?

      Jeanne secoua doucement la tête.

      – Non? fit la reine avec joie.

      – Non, madame.

      – À qui donc?

      – Monsieur de Rohan les a achetés.

      La reine fit un bond, et, tout à

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