Le Collier de la Reine, Tome II. Dumas Alexandre

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Le Collier de la Reine, Tome II - Dumas Alexandre

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monsieur de Rohan est superbe; c'est un moment de générosité, de bon cœur; c'est un beau mouvement; une âme comme celle de Votre Majesté ne peut s'empêcher de sympathiser avec tout ce qui est bon et sensible. À peine monsieur de Rohan a-t-il su par moi, je l'avoue, la gêne momentanée de Votre Majesté:

      « – Comment! s'est-il écrié, la reine de France se refuse ce que n'oserait se refuser une femme de fermier général? Comment! la reine peut s'exposer à voir un jour madame Necker parée de ces diamants?

      «Monsieur de Rohan ignorait encore que l'ambassadeur de Portugal les eût marchandés. Je le lui appris. Son indignation redoubla.

      « – Ce n'est plus, dit-il, une question de plaisir à faire à la reine, c'est une question de dignité royale. Je connais l'esprit des cours étrangères – vanité, ostentation – , on y rira de la reine de France, qui n'a plus d'argent pour satisfaire un goût légitime; et moi, je souffrirais qu'on raillât la reine de France! Non, jamais.

      «Et il m'a quittée brusquement. Une heure après, je sus qu'il avait acheté les diamants.

      – Quinze cent mille livres?

      – Seize cent mille livres.

      – Et quelle a été son intention en les achetant?

      – Que, puisqu'ils ne pouvaient être à Votre Majesté, ils ne fussent pas du moins à une autre femme.

      – Et vous êtes sûre que ce n'est pas pour en faire hommage à quelque maîtresse que monsieur de Rohan a acheté ce collier?

      – Je suis sûre que c'est pour l'anéantir plutôt que de le voir briller à un autre col qu'à celui de la reine.

      Marie-Antoinette réfléchit, et sa noble physionomie laissa voir sans nuage tout ce qui se passait dans son âme.

      – Ce qu'a fait là monsieur de Rohan est bien, dit-elle; c'est un trait noble et d'un dévouement délicat.

      Jeanne absorbait ardemment ces paroles.

      – Vous remercierez donc monsieur de Rohan, continua la reine.

      – Oh! oui, madame.

      – Vous ajouterez que l'amitié de monsieur de Rohan m'est prouvée, et que moi, en honnête homme, ainsi que le dit Catherine1, j'accepte tout de l'amitié, à charge de revanche. Aussi, j'accepte, non pas le don de monsieur de Rohan…

      – Quoi donc, alors?

      – Mais son avance… Monsieur de Rohan a bien voulu avancer son argent ou son crédit, pour me faire plaisir. Je le rembourserai. Bœhmer avait demandé du comptant, je crois?

      – Oui, madame.

      – Combien, deux cent mille livres?

      – Deux cent cinquante mille livres.

      – C'est le trimestre de la pension que me fait le roi. On me l'a envoyé ce matin, d'avance, je le sais, mais enfin on me l'a envoyé.

      La reine sonna rapidement ses femmes qui l'habillèrent, après l'avoir enveloppée de fines batistes chauffées.

      Restée seule avec Jeanne, et réinstallée dans sa chambre, elle dit à la comtesse:

      – Ouvrez, je vous prie, ce tiroir.

      – Le premier?

      – Non, le second. Vous voyez un portefeuille?

      – Le voici, madame.

      – Il renferme deux cent cinquante mille livres. Comptez-les.

      Jeanne obéit.

      – Portez-les au cardinal. Remerciez-le encore. Dites-lui que chaque mois je m'arrangerai pour payer ainsi. On réglera les intérêts. De cette façon, j'aurai le collier qui me plaisait tant, et si je me gêne pour le payer, au moins je ne gênerai point le roi.

      Elle se recueillit une minute.

      – Et j'aurai gagné à cela, continua-t-elle, d'apprendre que j'ai un ami délicat qui m'a servie…

      Elle attendit encore.

      – Et une amie qui m'a devinée, fit-elle, en offrant à Jeanne sa main, sur laquelle se précipita la comtesse.

      Puis, comme elle allait sortir, après avoir encore hésité: «Comtesse, dit-elle tout bas, comme si elle avait peur de ce qu'elle disait, vous instruirez monsieur de Rohan qu'il sera bien venu à Versailles, et que j'ai des remerciements à lui faire.»

      Jeanne s'élança hors de l'appartement, non pas ivre, mais insensée de joie et d'orgueil satisfait.

      Elle serrait les billets de caisse comme un vautour sa proie volée.

      Chapitre XLIX

      Le portefeuille de la reine

      Cette fortune, au propre et au figuré, que portait Jeanne de Valois, nul n'en sentit l'importance plus que les chevaux, qui la ramenèrent de Versailles.

      Si jamais chevaux pressés de gagner un prix volèrent dans la carrière, ce furent ces deux pauvres chevaux de carrosse de louage.

      Leur cocher, stimulé par la comtesse, leur fit croire qu'ils étaient les légers quadrupèdes du pays d'Élis, et qu'il y avait à gagner deux talents d'or pour le maître, triple ration d'orge mondé pour eux.

      Le cardinal n'était pas encore sorti, quand madame de La Motte arriva chez lui, tout au milieu de son hôtel et de son monde.

      Elle se fit annoncer plus cérémonieusement qu'elle n'avait fait chez la reine.

      – Vous venez de Versailles? dit-il.

      – Oui, monseigneur.

      Il la regardait, elle était impénétrable.

      Elle vit son frisson, sa tristesse, son malaise: elle n'eut pitié de rien.

      – Eh bien? fit-il.

      – Eh bien! voyons, monseigneur, que désirez-vous? Parlez un peu, afin que je ne me fasse pas trop de reproches.

      – Ah! comtesse, vous me dites cela d'un air!..

      – Attristant, n'est-ce pas?

      – Tuant.

      – Vous vouliez que je visse la reine?

      – Oui.

      – Je l'ai vue.

      – Vous vouliez qu'elle me laissât parler de vous, elle qui, plusieurs fois, avait témoigné son éloignement pour vous et son mécontentement en entendant prononcer votre nom?

      – Je vois qu'il faut, si j'ai eu ce désir, renoncer à le voir exaucé.

      – Non, la reine m'a parlé de vous.

      – Ou plutôt vous avez été assez bonne pour lui parler

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Catherine II de Russie.