Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre

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coeur il résulte pour moi quelque chose de pire que la captivité, c'est-à-dire la mort, eh bien! soyez béni, car vous aurez terminé mes peines et fait succéder le calme aux fiévreuses tortures dont je suis dévoré depuis huit ans.

      – Monseigneur, attendez pour me juger, dit Aramis.

      – J'ai dit que je vous bénissais et que je vous pardonnais. Si, au contraire, vous êtes venu pour me rendre la place que Dieu m'avait destinée au soleil de la fortune et de la gloire, si, grâce à vous, je puis vivre dans la mémoire des hommes, et faire honneur à ma race par quelques faits illustres ou quelques services rendus à mes peuples, si, du dernier rang où je languis, je m'élève au faîte des honneurs, soutenu par votre main généreuse, eh bien! à vous que je bénis et que je remercie, à vous la moitié de ma puissance et de ma gloire! Vous serez encore trop peu payé; votre part sera toujours incomplète, car jamais je ne réussirai à partager avec vous tout ce bonheur que vous m'aurez donné.

      – Monseigneur, dit Aramis ému de la pâleur et de l'élan du jeune homme, votre noblesse de coeur me pénètre de joie et d'admiration. Ce n'est pas à vous de me remercier, ce sera surtout aux peuples que vous rendrez heureux, à vos descendants que vous rendrez illustres. Oui, je vous aurai donné plus que la vie, je vous donnerai l'immortalité.

      Le jeune homme tendit la main à Aramis: celui-ci la baisa en s'agenouillant.

      – Oh! s'écria le prince avec une modestie charmante.

      – C'est le premier hommage rendu à notre roi futur, dit Aramis.

      Quand je vous reverrai, je dirai: «Bonjour, Sire!»

      – Jusque-là, s'écria le jeune homme en appuyant ses doigts blancs et amaigris sur son coeur, jusque-là plus de rêves, plus de chocs à ma vie; elle se briserait! oh! monsieur, que ma prison est petite et que cette fenêtre est basse, que ces portes sont étroites! Comment tant d'orgueil, tant de splendeur, tant de félicité a-t-il pu passer par là et tenir ici?

      – Votre Altesse Royale me rend fier, dit Aramis, puisqu'elle prétend que c'est moi qui ai apporté tout cela.

      Il heurta aussitôt la porte.

      Le geôlier vint ouvrir avec Baisemeaux, qui, dévoré d'inquiétude et de crainte, commençait à écouter malgré lui à la porte de la chambre.

      Heureusement ni l'un ni l'autre des deux interlocuteurs n'avait oublié d'étouffer sa voix, même dans les plus hardis élans de la passion.

      – Quelle confession! dit le gouverneur en essayant de rire; croirait-on jamais qu'un reclus, un homme presque mort, ait commis des péchés si nombreux et si longs?

      Aramis se tut. Il avait hâte de sortir de la Bastille, où le secret qui l'accablait doublait le poids des murailles.

      Quand ils furent arrivés chez Baisemeaux:

      – Causons affaires, mon cher gouverneur, dit Aramis.

      – Hélas! répliqua Baisemeaux.

      – Vous avez à me demander mon acquit pour cent cinquante mille livres? dit l'évêque.

      – Et à verser le premier tiers de la somme, ajouta en soupirant le pauvre gouverneur, qui fit trois pas vers son armoire de fer.

      – Voici votre quittance, dit Aramis.

      – Et voici l'argent, reprit avec un triple soupir

      M. de Baisemeaux.

      – L'ordre m'a dit seulement de donner une quittance de cinquante mille livres, dit Aramis: il ne m'a pas dit de recevoir d'argent. Adieu, monsieur le gouverneur.

      Et il partit, laissant Baisemeaux plus que suffoqué par la surprise et la joie, en présence de ce présent royal fait si grandement par le confesseur extraordinaire de la Bastille.

      Chapitre CCVIII – Comment Mouston avait engraissé sans en prévenir Porthos, et des désagréments qui en étaient résultés pour ce digne gentilhomme

      Depuis le départ d'Athos pour Blois, Porthos et d'Artagnan s'étaient rarement trouvés ensemble. L'un avait fait un service fatigant près du roi, l'autre avait fait beaucoup d'emplettes de meubles, qu'il comptait emporter dans ses terres, et à l'aide desquels il espérait fonder, dans ses diverses résidences, un peu de ce luxe de cour dont il avait entrevu l'éblouissante clarté dans la compagnie de Sa Majesté.

      D'Artagnan, toujours fidèle, un matin que son service lui laissait quelque liberté, songea à Porthos, et, inquiet de n'avoir pas entendu parler de lui depuis plus de quinze jours, s'achemina vers son hôtel, où il le saisit au sortir du lit.

      Le digne baron paraissait pensif: plus que pensif, mélancolique. Il était assis sur son lit, demi-nu, les jambes pendantes, contemplant une foule d'habits qui jonchaient le parquet de leurs franges, de leurs galons, de leurs broderies et de leurs cliquetis d'inharmonieuses couleurs.

      Porthos, triste et songeur comme le lièvre de La Fontaine, ne vit pas entrer d'Artagnan, que lui cachait d'ailleurs en ce moment M. Mouston, dont la corpulence personnelle, fort suffisante en tout cas pour cacher un homme à un autre homme, était momentanément doublée par le déploiement d'un habit écarlate que l'intendant exhibait à son maître en le tenant par les manches, afin qu'il fût plus manifeste de tous les côtés.

      D'Artagnan s'arrêta sur le seuil et examina Porthos songeant. Puis, comme la vue de ces innombrables habits jonchant le parquet tirait de profonds soupirs de la poitrine du digne gentilhomme, d'Artagnan pensa qu'il était temps de l'arracher à cette douloureuse contemplation, et toussa pour s'annoncer.

      – Ah! fit Porthos, dont le visage s'illumina de joie ah! ah! voici d'Artagnan! Je vais enfin avoir une idée!

      Mouston, à ces mots, se doutant de ce qui se passait derrière lui, s'effaça en souriant tendrement à l'ami de son maître, qui se trouva ainsi débarrassé de l'obstacle matériel qui l'empêchait de parvenir jusqu'à d'Artagnan.

      Porthos fit craquer ses genoux robustes en se redressant, et, en deux enjambées, traversant la chambre, se trouva en face de d'Artagnan, qu'il pressa sur son coeur avec une affection qui semblait prendre une nouvelle force dans chaque jour qui s'écoulait.

      – Ah! répéta-t-il, vous êtes toujours le bienvenu, cher ami, mais aujourd'hui, vous êtes mieux venu que jamais.

      – Voyons, voyons, on est triste chez vous? fit d'Artagnan.

      Porthos répondit par un regard qui exprimait l'abattement.

      – Eh bien! contez-moi cela, Porthos, mon ami, à moins que ce ne soit un secret.

      – D'abord, mon ami, dit Porthos, vous savez que je n'ai pas de secrets pour vous. Voici donc ce qui m'attriste.

      – Attendez, Porthos, laissez-moi d'abord me dépêtrer de toute cette litière de drap, de satin et de velours.

      – Oh! marchez, marchez, dit piteusement Porthos: tout cela n'est que rebut.

      – Peste! du rebut, Porthos, du drap à vingt livres l'aune! du satin magnifique, du velours royal!

      – Vous trouvez donc ces habits?..

      – Splendides, Porthos, splendides! Je gage que vous seul en France en avez autant, et,

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