Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre
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Читать онлайн книгу Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre страница 28
– Ces portes-là, répondit d'Artagnan, sont destinées aux galants; or, un galant est généralement de taille mince et svelte.
– Mme du Vallon n'avait pas de galants, interrompit Porthos avec majesté.
– Parfaitement juste, mon ami, répondit d'Artagnan: mais les architectes ont songé au cas où, peut-être, vous vous remarieriez.
– Ah! c'est possible, dit Porthos. Et, maintenant que l'explication des portes trop étroites m'est donnée, revenons à l'engraissement de Mouston. Mais remarquez que les deux choses se touchent, mon ami. Je me suis toujours aperçu que les idées s'appareillaient. Ainsi, admirez ce phénomène, d'Artagnan; je vous parlais de Mouston, qui était gras, et nous en sommes venus à Mme du Vallon…
– Qui était maigre.
– Hum! n'est-ce pas prodigieux, cela?
– Mon cher, un savant de mes amis, M. Costar, a fait la même observation que vous, et il appelle cela d'un nom grec que je ne me rappelle pas.
– Ah! mon observation n'est donc pas nouvelle? s'écria Porthos stupéfait. Je croyais l'avoir inventée.
– Mon ami, c'était un fait connu avant Aristote, c'est-à-dire voilà deux mille ans, à peu près.
– Eh bien! il n'en est pas moins juste, dit Porthos, enchanté de s'être rencontré avec les sages de l'Antiquité.
– À merveille! Mais si nous revenions à Mouston. Nous l'avons laissé engraissant à vue d'oeil, ce me semble.
– Oui, monsieur, dit Mouston.
– M'y voici, fit Porthos. Mouston engraissa donc si bien, qu'il combla toutes mes espérances, en atteignant ma mesure, ce dont je pus me convaincre un jour, en voyant sur le corps de ce coquin-là une de mes vestes dont il s'était fait un habit: une veste qui valait cent pistoles, rien que par la broderie!
– C'était pour l'essayer, monsieur, dit Mouston.
– À partir de ce moment, reprit Porthos, je décidai donc que Mouston entrerait en communication avec mes tailleurs d'habits, et prendrait mesure en mon lieu et place.
– Puissamment imaginé, Porthos; mais Mouston a un pied et demi moins que vous.
– Justement. On prenait la mesure jusqu'à terre, et l'extrémité de l'habit me venait juste au-dessus du genou.
– Quelle chance vous avez, Porthos! ces choses-là n'arrivent qu'à vous!
– Ah! oui, faites-moi votre compliment, il y a de quoi! Ce fut justement à cette époque, c'est-à-dire voilà deux ans et demi à peu près, que je partis pour Belle-Île, en recommandant à Mouston, pour avoir toujours, et en cas de besoin, un échantillon de toutes les modes, de se faire faire un habit tous les mois.
– Et Mouston aurait-il négligé d'obéir à votre recommandation?
Ah! ah! ce serait mal, Mouston!
– Au contraire, monsieur, au contraire!
– Non, il n'a pas oublié de se faire faire des habits, mais il a oublié de me prévenir qu'il engraissait.
– Dame! ce n'est pas ma faute, monsieur, votre tailleur ne me l'a pas dit.
– De sorte, continua Porthos, que le drôle, depuis deux ans, a gagné dix-huit pouces de circonférence, et que mes douze derniers habits sont tous trop larges progressivement, d'un pied à un pied et demi.
– Mais les autres, ceux qui se rapprochent du temps où votre taille était la même?
– Ils ne sont plus de mode, mon cher ami, et, si je les mettais, j'aurais l'air d'arriver de Siam et d'être hors de cour depuis deux ans.
– Je comprends votre embarras. Vous avez combien d'habits neufs? trente-six? et vous n'en avez pas un! Eh bien! il faut en faire faire un trente-septième; les trente-six autres seront pour Mouston.
– Ah! monsieur! dit Mouston d'un air satisfait, le fait est que
Monsieur a toujours été bien bon pour moi.
– Parbleu! croyez-vous que cette idée ne me soit pas venue ou que la dépense m'ait arrêté? Mais il n'y a plus que deux jours d'ici à la fête de Vaux; j'ai reçu l'invitation hier, j'ai fait venir Mouston en poste avec ma garde-robe; je me suis aperçu du malheur qui m'arrivait ce matin seulement, et, d'ici à après-demain, il n'y a pas un tailleur un peu à la mode qui se charge de me confectionner un habit.
– C'est-à-dire un habit couvert d'or, n'est-ce pas?
– J'en veux partout!
– Nous arrangerons cela. Vous ne partez que dans trois jours. Les invitations sont pour mercredi et nous sommes le dimanche matin.
– C'est vrai; mais Aramis m'a bien recommandé d'être à Vaux vingt quatre heures d'avance.
– Comment, Aramis?
– Oui, c'est Aramis qui m'a apporté l'invitation.
– Ah! fort bien, je comprends. Vous êtes invité du côté de
M. Fouquet.
– Non pas! Du côté du roi, cher ami. Il y a sur le billet, en toutes lettres: «M. le baron du Vallon est prévenu que le roi a daigné le mettre sur la liste de ses invitations…»
– Très bien, mais c'est avec M. Fouquet que vous partez.
– Et quand je pense, s'écria Porthos en défonçant le parquet d'un coup de pied, quand je pense que je n'aurai pas d'habits! J'en crève de colère! Je voudrais bien étrangler quelqu'un ou déchirer quelque chose!
– N'étranglez personne et ne déchirez rien, Porthos, j'arrangerai tout cela: mettez un de vos trente-six habits et venez avec moi chez un tailleur.
– Bah! mon coureur les a tous vus depuis ce matin.
– Même M. Percerin?
– Qu'est-ce que M. Percerin?
– C'est le tailleur du roi, parbleu!
– Ah! oui, oui, dit Porthos, qui voulait avoir l'air de connaître le tailleur du roi et qui entendait prononcer ce nom pour la première fois; chez M. Percerin, le tailleur du roi, parbleu! J'ai pensé qu'il serait trop occupé.
– Sans doute, il le sera trop; mais, soyez tranquille, Porthos; il fera pour moi ce qu'il ne ferait pas pour un autre. Seulement, il faudra que vous vous laissiez mesurer, mon ami.
– Ah! fit Porthos, avec un soupir, c'est fâcheux; mais, enfin, que voulez vous!
– Dame! vous ferez comme les autres, mon cher ami; vous ferez comme le roi.
– Comment!