Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre страница 27

Le vicomte de Bragelonne, Tome IV. - Dumas Alexandre

Скачать книгу

secoua la tête.

      – Voyons, mon ami, dit d'Artagnan, cette mélancolie qui n'est pas dans votre caractère m'effraie. Mon cher Porthos, sortons-en donc: le plus tôt sera le mieux.

      – Oui, mon ami, sortons-en, dit Porthos, si toutefois cela est possible.

      – Est-ce que vous avez reçu de mauvaises nouvelles de Bracieux, mon ami?

      – Non, on a coupé les bois, et ils ont donné un tiers de produit au-delà de leur estimation.

      – Est-ce qu'il y a une fuite dans les étangs de Pierrefonds?

      – Non, mon ami, on les a pêchés, et du superflu de la vente, il y a eu de quoi empoissonner tous les étangs des environs.

      – Est-ce que le Vallon se serait éboulé par suite d'un tremblement de terre?

      – Non, mon ami, au contraire, le tonnerre est tombé à cent pas du château, et a fait jaillir une source à un endroit qui manquait complètement d'eau.

      – Eh bien! alors, qu'y a-t-il?

      – Il y a que j'ai reçu une invitation pour la fête de Vaux, fit

      Porthos d'un air lugubre.

      – Eh bien! plaignez-vous un peu! le roi a causé dans les ménages de la Cour plus de cent brouilles mortelles en refusant des invitations. Ah! vraiment, cher ami, vous êtes du voyage de Vaux? Tiens, tiens, tiens!

      – Mon Dieu, oui!

      – Vous allez avoir un coup d'oeil magnifique, mon ami.

      – Hélas! je m'en doute bien.

      – Tout ce qu'il y a de grand en France va être réuni.

      – Ah! fit Porthos en s'arrachant de désespoir une pincée de cheveux.

      – Eh! là, bon Dieu! fit d'Artagnan, êtes-vous malade, mon ami?

      – Je me porte comme le Pont-Neuf, ventre Mahon! Ce n'est pas cela.

      – Mais qu'est-ce donc, alors?

      – C'est que je n'ai pas d'habits.

      D'Artagnan demeura pétrifié.

      – Pas d'habits, Porthos! pas d'habits! s'écria-t-il quand j'en vois là plus de cinquante sur le plancher!

      – Cinquante, oui, et pas un qui m'aille!

      – Comment, pas un qui vous aille? Mais on ne vous prend donc pas mesure quand on vous habille?

      – Si fait, répondit Mouston, mais malheureusement j'ai engraissé.

      – Comment! vous avez engraissé?

      – De sorte que je suis devenu plus gros, mais beaucoup plus gros que M. le baron. Croiriez-vous cela, monsieur?

      – Parbleu! il me semble que cela se voit!

      – Entends-tu, imbécile! dit Porthos, cela se voit.

      – Mais enfin, mon cher Porthos, reprit d'Artagnan avec une légère impatience, je ne comprends pas pourquoi vos habits ne vous vont point parce que Mouston a engraissé.

      – Je vais vous expliquer cela, mon ami, dit Porthos. Vous vous rappelez m'avoir raconté l'histoire d'un général romain, Antoine, qui avait toujours sept sangliers à la broche, et cuits à des points différents, afin de pouvoir demander son dîner à quelque heure du jour qu'il lui plût de le faire. Eh bien! je résolus, comme, d'un moment à l'autre, je pouvais être appelé à la Cour et y rester une semaine, je résolus d'avoir toujours sept habits prêts pour cette occasion.

      – Puissamment raisonné, Porthos. Seulement, il faut avoir votre fortune pour se passer ces fantaisies-là. Sans compter le temps que l'on perd à donner des mesures. Les modes changent si souvent.

      – Voilà justement, dit Porthos, où je me flattais d'avoir trouvé quelque chose de fort ingénieux.

      – Voyons, dites-moi cela. Pardieu! je ne doute pas de votre génie.

      – Vous vous rappelez que Mouston a été maigre?

      – Oui, du temps qu'il s'appelait Mousqueton.

      – Mais vous rappelez-vous aussi l'époque où il a commencé d'engraisser?

      – Non, pas précisément. Je vous demande pardon, mon cher Mouston.

      – Oh! Monsieur n'est pas fautif, dit Mouston d'un air aimable,

      Monsieur était à Paris, et nous étions, nous, à Pierrefonds.

      – Enfin, mon cher Porthos, il y a un moment où Mouston s'est mis à engraisser. Voilà ce que vous voulez dire, n'est-ce pas?

      – Oui, mon ami, et je m'en réjouis fort à cette époque.

      – Peste! je le crois bien, fit d'Artagnan.

      – Vous comprenez, continua Porthos, ce que cela m'épargnait de peine?

      – Non, mon cher ami, je ne comprends pas encore; mais, à force de m'expliquer…

      – M'y voici, mon ami. D'abord, comme vous l'avez dit, c'est une perte de temps que de donner sa mesure, ne fût-ce qu'une fois tous les quinze jours. Et puis on peut être en voyage, et, quand on veut avoir toujours sept habits en train… Enfin, mon ami, j'ai horreur de donner ma mesure à quelqu'un. On est gentilhomme ou on ne l'est pas, que diable! Se faire toiser par un drôle qui vous analyse au pied, pouce et ligne, c'est humiliant. Ces gens-là vous trouvent trop creux ici, trop saillant là; ils connaissent votre fort et votre faible. Tenez, quand on sort des mains d'un mesureur, on ressemble à ces places fortes dont un espion est venu relever les angles et les épaisseurs.

      – En vérité, mon cher Porthos, vous avez des idées qui n'appartiennent qu'à vous.

      – Ah! vous comprenez, quand on est ingénieur.

      – Et qu'on a fortifié Belle-Île, c'est juste, mon ami.

      – J'eus donc une idée, et, sans doute, elle eût été bonne sans la négligence de M. Mouston.

      D'Artagnan jeta un regard sur Mouston, qui répondit à ce regard par un léger mouvement de corps qui voulait dire: «Vous allez voir s'il y a de ma faute dans tout cela.»

      – Je m'applaudis donc, reprit Porthos, de voir engraisser Mouston, et j'aidai même, de tout mon pouvoir, à lui faire de l'embonpoint, à l'aide d'une nourriture substantielle, espérant toujours qu'il parviendrait à m'égaler en circonférence, et qu'alors il pourrait se faire mesurer à ma place.

      – Ah! corboeuf! s'écria d'Artagnan, je comprends… Cela vous épargnait le temps et l'humiliation.

      – Parbleu! jugez donc de ma joie quand, après un an et demi de nourriture bien combinée, car je prenais la peine de le nourrir moi-même, ce drôle-là…

      – Oh! et j'y ai bien aidé, monsieur, dit modestement Mouston.

      – Ça,

Скачать книгу