La San-Felice, Tome 06. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 06 - Dumas Alexandre

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regarder, sire. C'est là-bas, à l'horizon, devant nous. Votre Majesté voit-elle cette ligne noire qui monte lentement dans le ciel et qui n'est séparée de la mer, aussi sombre qu'elle, que par un trait de lumière, qui semble un fil d'argent? Dans dix minutes elle éclatera au-dessus de nous.

      Une seconde bouffée de vent passa, chargée d'humidité; sous sa pression, le Van-Guard s'inclina et gémit.

      –Carguez la grande voile! dit Nelson laissant Henry continuer la conversation avec le roi et jetant ses commandements sans transmission intermédiaire. Hâlez bas le grand foc!

      Cette manoeuvre fut exécutée avec une promptitude qui indiquait que l'équipage en comprenait l'importance, et le vaisseau, déchargé d'une partie de sa toile, navigua sous sa brigantine, sous ses trois huniers et sous son petit foc.

      Nelson se rapprocha de Henry et lui dit quelques mots en anglais.

      –Sire, dit Henry, Sa Seigneurie me prie de faire observer à Votre Majesté que, dans quelques minutes, le grain va s'abattre sur nous, et que, si elle reste sur le pont, la pluie n'aura pas plus de respect pour elle que pour le dernier de nos midshipmen.

      –Puis-je rassurer la reine et lui dire qu'il n'y a pas de danger? demanda le roi, qui n'était point fâché d'être rassuré lui-même en passant.

      –Oui, sire, répondit Henry. Avec l'aide de Dieu, milord et moi répondons de tout.

      Le roi descendit, toujours suivi de Jupiter, qui, soit redoublement de malaise, soit pressentiment comme en ont parfois les animaux à l'approche du danger, le suivit en gémissant. Comme l'avait annoncé Henry, quelques minutes s'étaient à peine écoulées, que le grain s'abattait sur le Van-Guard et qu'avec un effroyable accompagnement de tonnerre et un déluge de pluie, il déclarait la guerre à toute la flotte.

      Ferdinand jouait de malheur: après qu'il avait été trahi par la terre, la mer à son tour le trahissait.

      Malgré l'assurance que lui avait donnée le roi en descendant près d'elle, la reine, aux premières secousses qu'éprouva le vaisseau et aux premiers gémissements qu'il poussa, comprit que le Van-Guard était aux prises avec l'ouragan. Placée immédiatement au-dessous du pont, elle entendait sans en rien perdre ce piétinement pressé et irrégulier des matelots qui indique le danger par les efforts que l'on fait pour lutter contre lui. Elle était assise sur son lit, avec toute sa famille groupée autour d'elle, et Emma, comme d'habitude, couchée à ses pieds.

      Lady Hamilton, épargnée par le mal de mer, s'était entièrement vouée aux soins à donner à la reine, aux jeunes princesses et aux deux jeunes princes, Albert et Léopold. Elle ne se levait des pieds de la reine que pour donner une tasse de thé aux uns, un verre d'eau sucrée aux autres, pour embrasser au front sa royale amie, en lui disant quelques-unes de ces paroles qui rendent le courage en indiquant le dévouement.

      Au bout d'une demi-heure, Nelson descendit à son tour. Le grain était passé; mais un grain qui n'est parfois qu'un simple accident destiné à épurer le ciel, est parfois aussi l'avant-coureur d'une tempête. Il ne pouvait donc dire à la reine que tout était fini et lui promettre une nuit parfaitement tranquille.

      Sur son invitation, il s'assit et prit une tasse de thé. Les enfants de la reine, le jeune prince Albert excepté, s'étaient endormis, et la fatigue et l'insouciance de l'âge, avaient triomphé de la crainte qui, autant que le malaise, tenait leurs parents éveillés.

      Nelson était depuis un quart d'heure à peu près dans la grande chambre, et, depuis cinq minutes déjà, il semblait interroger les mouvements du vaisseau, lorsque l'on gratta à la porte, et que, sur l'invitation de la reine, cette porte s'ouvrant, un jeune officier parut sur le seuil.

      C'était évidemment pour Nelson qu'il venait.

      –C'est vous, monsieur Parkenson? dit l'amiral. Qu'y a-t-il?

      –Milord, c'est M. le capitaine Henry, répondit le jeune homme, qui m'envoie dire à Votre Seigneurie que, depuis cinq minutes, les vents ont passé au sud, et que, si nous continuons la même bordée, nous serons jetés sur Capri.

      –Eh bien, dit Nelson, virez de bord.

      –Milord, la mer est dure, le navire fatigue et a perdu toute sa vitesse.

      –Ah! ah! dit Nelson. Et vous avez peur de manquer à virer?

      –Le navire cule.

      Nelson se leva, salua la reine et le roi avec un sourire, et suivit le lieutenant.

      Le roi, nous l'avons dit, ne savait pas l'anglais; la reine le savait; mais, les termes de marine ne lui étant pas familiers, elle avait compris seulement qu'il venait de surgir un nouveau danger; elle interrogea Emma des yeux.

      –Il paraît, répondit Emma, qu'il y a à exécuter une manoeuvre difficile, et qu'on n'ose le faire en l'absence de milord.

      La reine fronça Le sourcil et poussa une espèce de gémissement; Emma, chancelant sur le plancher mobile, alla écouter à la porte.

      Nelson, qui comprenait le danger, était remonté vivement sur la dunette. Le vent, comme l'avait dit le lieutenant Parkenson, avait sauté au sud; il faisait sirocco, et le bâtiment avait le vent complétement debout.

      L'amiral jeta un regard rapide et inquiet autour de lui. Le temps, nuageux toujours, s'était cependant éclairci. Capri se dessinait à bâbord, et l'on s'en était approché au point de distinguer, à la pâle lueur de la lune, tamisée à travers les nuages, les points blancs indiquant les maisons. Mais ce que l'on distinguait surtout, c'était une large frange d'écume blanchissant sur toute la longueur de l'île et indiquant avec quelle fureur la vague s'y brisait.

      A peine Nelson eut-il jeté un coup d'oeil autour de lui, qu'il jugea la situation. Le vent du sud avait masqué la voilure: les mâts, surchargés de toile, craquaient. De sa voix bien connue de l'équipage, il cria:

      –Changez la barre! changez derrière!

      Et, s'adressant au capitaine Henry:

      –Virons en culant! ajouta-t-il.

      La manoeuvre était hasardeuse. Si le vaisseau manquait son abattée, il était jeté à la côte.

      A peine fut-elle commencée, qu'on eût cru que le vent et la mer avaient compris le commandement de Nelson et s'entendaient pour s'y opposer. La voile du petit hunier pesant de plus en plus sur le mât de hune, le mât plia comme un roseau et fit entendre un craquement terrible. S'il se rompait, le bâtiment était perdu.

      En ce moment d'angoisses, Nelson sentit quelque chose peser légèrement à son bras gauche. Il tourna la tête: c'était Emma.

      Ses lèvres s'appuyèrent au front de la jeune femme avec une fiévreuse énergie, et, frappant du pied, comme si le navire eût pu l'entendre:

      –Vire donc! murmura-t-il, vire donc!

      Le navire obéit. Il fit son abattée, et, après quelques minutes de doute, se trouva courant, bâbord amures, à l'ouest-nord-ouest.

      –Bon! murmura Nelson en respirant, nous avons maintenant cent cinquante lieues de mer devant nous avant de rencontrer la côte.

      –Ma chère lady Hamilton, dit une voix, ayez la bonté de me traduire en italien ce que vient de dire milord.

      Cette voix était celle du roi, qui, ayant vu sortir

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