La San-Felice, Tome 06. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 06 - Dumas Alexandre

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de Nelson.

      –Mais, dit le roi, qui n'avait aucune notion de l'art maritime, il me semble que nous n'allons point en Sicile et qu'au contraire le bâtiment, comme disent les marins, a le cap sur la Corse.

      Emma transmit à Nelson l'observation du roi.

      –Sire, répondit Nelson avec une certaine impatience, nous nous élevons au vent pour courir des bordées, et, si Sa Majesté me fait l'honneur de rester sur la dunette, elle va, dans vingt minutes, nous voir virer de bord et rattraper le temps et le chemin que nous avons perdus.

      –Virer de bord? Oui, je comprends, dit le roi: c'est faire ce que vous venez de faire tout à l'heure. Mais est-ce que vous ne pourriez pas virer de bord un peu moins souvent? Tout à l'heure, il m'a semblé que vous m'arrachiez l'âme.

      –Sire, si nous étions dans l'Atlantique et que, vent debout, j'allasse des Açores à Rio-de-Janeiro, je ferais, pour épargner à Votre Majesté une indisposition à laquelle je suis sujet moi-même et que, par conséquent, je connais, des virements de bord de soixante et de quatre-vingts milles; mais nous sommes dans la Méditerranée, nous allons de Naples à Palerme, et nous devons faire des virements de bord de trois en trois milles au plus. Au reste, continua Nelson en jetant un regard sur Capri, dont on s'éloignait de plus en plus, Sa Majesté peut rentrer tranquillement dans son appartement et rassurer la reine. Je réponds de tout.

      A son tour, le roi respira, quoiqu'il n'eût point entendu directement les paroles de Nelson; Nelson les avait prononcées avec une telle conviction, que cette conviction était passée dans le coeur d'Emma, et, du coeur d'Emma, dans celui du roi.

      Ferdinand descendit donc, annonçant que tout danger était passé, et qu'Emma le suivait pour donner à la reine la même assurance.

      Emma suivit le roi, en effet; mais, comme elle dévia de la ligne droite en passant par la cabine de Nelson, ce ne fut qu'une demi-heure après que la reine, complètement rassurée, commença de s'endormir, la tête appuyée sur l'épaule de son amie.

      Le grain qui avait failli jeter Nelson sur les côtes de Capri avait atteint Caracciolo mais d'une façon moins sensible. D'abord, une partie de sa violence avait été brisée par les hauts sommets de l'île qui se trouvaient au vent; ensuite, ayant à manoeuvrer un bâtiment plus léger, l'amiral napolitain lui avait commandé plus facilement que Nelson n'avait pu le faire au lourd Van-Guard, encore tout mutilé par les boulets d'Aboukir.

      Aussi, quand, au point du jour, après avoir pris deux ou trois heures de repos, Nelson remonta sur la dunette de son bâtiment, vit-il que, lorsque, avec grand'peine, il était parvenu à doubler Capri, Caracciolo et son bâtiment étaient à la hauteur du cap Licosa, c'est-à-dire avaient de quinze à vingt milles d'avance sur lui.

      Il y avait plus: tandis que Nelson naviguait seulement sous ses trois huniers, sa brigantine et son petit foc, lui avait conservé toutes ses voiles, et, à chaque virement de bord, gagnait dans le vent.

      Malheureusement, dans ce moment, le roi monta à son tour sur la dunette, et vit Nelson, qui, sa lunette à la main, suivait d'un oeil jaloux la marche de la Minerve.

      –Eh bien, demanda-t-il à Henry, où en sommes-nous?

      –Vous le voyez, sire, répliqua Henry, nous venons de doubler Capri.

      –Comment! dit le roi, ce rocher est encore Capri?

      –Oui, sire.

      –De sorte que, depuis hier trois heures du soir, nous avons fait vingt-six ou vingt-huit milles?

      –A peu près.

      –Que dit le roi? demanda Nelson.

      –Il s'étonne que nous n'ayons pas fait plus de chemin, milord.

      Nelson haussa les épaules.

      Le roi devina la question de l'amiral et la réponse du capitaine, et, comme le geste de Nelson lui avait paru peu respectueux, il résolut de s'en venger en humiliant son orgueil.

      –Que regardait donc milord, demanda-t-il, quand je suis monté sur la dunette?

      –Un bâtiment qui est sous le vent à nous.

      –Vous voulez dire en avant de nous, capitaine.

      –L'un et l'autre.

      –Et quel est ce bâtiment? Je ne présume pas qu'il appartienne à notre flotte.

      –Pourquoi cela, sire?

      –Parce que, le Van-Guard étant le meilleur bâtiment et milord Nelson le meilleur marin de la flotte, aucun bâtiment ni aucun capitaine, il me semble, ne peuvent les dépasser.

      –Que dit le roi? demanda Nelson.

      Henry traduisit à l'amiral anglais la réponse de Ferdinand.

      Nelson se mordit les lèvres.

      –Le roi a raison, dit-il, nul ne devrait dépasser le vaisseau amiral, surtout lorsqu'il a l'honneur de porter Leurs Majestés. Aussi, celui qui a commis cette inconvenance va-t-il en être puni, et à l'instant même. Capitaine Henry, faites signe à M. le prince Caracciolo de ne plus gagner dans le vent et de nous attendre.

      Ferdinand avait deviné, au visage de Nelson, que le coup avait porté, et, ayant compris, à son intonation brève et impérative, que l'amiral anglais donnait un ordre, il suivit des yeux le capitaine Henry, pour lui voir accomplir cet ordre.

      Henry descendit de la dunette, resta quelques minutes absent et revint avec divers pavillons arrangés dans un certain ordre, qu'il fit attacher lui-même à la drisse des signaux.

      –Avez-vous fait prévenir la reine, dit Nelson, qu'un coup de canon allait être tiré et qu'elle ne s'en inquiétât point?

      –Oui, milord, répondit Henry.

      En effet, au même moment, une détonation se fit entendre et une colonne de fumée jaillit de la batterie supérieure.

      Les cinq pavillons apportés par Henry montèrent en même temps à la drisse des signaux, transmettant l'ordre de Nelson dans toute sa brutalité.

      Le coup de canon avait pour but d'attirer l'attention de la Minerve, qui hissa un pavillon pour indiquer qu'elle prêtait attention au signal du Van-Guard.

      Mais, quelque effet que produisît sur lui la vue des signaux, Caracciolo ne s'empressa pas moins d'obéir.

      Il amena ses perroquets, cargua sa misaine et sa grande voile, et tint ses voiles en ralingue.

      Nelson, la lunette à la main, suivait la manoeuvre ordonnée par lui. Il vit les voiles de la Minerve fasier: la brigantine et le foc seuls restèrent pleins, et la frégate perdit les trois quarts de sa vitesse, tandis qu'au contraire Nelson, voyant une espèce d'accalmie dans le temps, fit hisser toutes ses voiles, jusqu'à celles de perroquet.

      En quelques heures, le Van-Guard eut rattrapé son avantage sur la Minerve. Ce fut alors seulement que celle-ci remit du vent dans ses voiles.

      Mais, quoique, à son tour, Caracciolo ne naviguât plus que sous ses huniers, sa brigantine et son foc, tout en se tenant d'un quart de mille en arrière du Van-Guard, il ne perdit pas un pouce de terrain sur le lourd colosse chargé de toutes ses voiles.

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