La San-Felice, Tome 06. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 06 - Dumas Alexandre

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Il jeta un regard anxieux autour de lui. A l'arrière, il avait Stromboli fumant et grondant; à tribord et à bâbord, l'immensité; à l'avant, une nappe d'eau qui s'étendait jusqu'aux côtes de Calabre, et sur laquelle le vaisseau, majestueusement sorti des écueils, tanguait mutilé, mais vainqueur.

      Nelson donna l'ordre d'abaisser les petits huniers et de naviguer grand largue avec les huniers, la misaine, le clin-foc et le petit foc.

      Puis, ayant remis à Henry le porte-voix, c'est-à-dire le signe du commandement, il se hâta de descendre l'escalier de la dunette, au bas duquel il trouva Emma Lyonna.

      –Oh! mon ami, dit-elle, venez, venez vite! Le roi est fou de terreur, la reine est évanouie, et le jeune prince est mort!

      Nelson entra. Le roi, en effet, était à genoux, la tête enfoncée dans les coussins d'un fauteuil, et la reine était renversée sur un divan, tenant entre ses bras le cadavre de son fils!

      CII

      OU LE ROI RECOUVRE ENFIN L'APPÉTIT

      Les scènes qui s'étaient passées sur le pont et que nous avons essayé de décrire, avaient eu, comme on le comprend bien, leur contre-partie dans la grande salle. Le mouvement extraordinaire du vaisseau, le sifflement de la tempête, les éclats du tonnerre, les manoeuvres précipitées, les demandes de Nelson, les réponses de Henry, rien n'avait été perdu pour les illustres fugitifs. Mais c'était surtout au moment où, sortant des récifs, le vaisseau avait reçu, par le travers, le terrible coup de vent qui l'avait courbé sous lui, que le roi, la reine et Emma Lyonna elle-même avaient cru leur dernière heure arrivée. L'inclinaison du Van-Guard avait été telle, en effet, que les boulets s'étaient échappés de leurs cases, installées dans les intervalles des canons, et, roulant sur la pente du vaisseau avec un bruit terrible, avaient imprimé, par ce tonnerre intérieur dont on ne pouvait pas se rendre compte, une suprême terreur aux passagers.

      Quant au pauvre petit prince, nous avons vu ce qu'il avait souffert pendant la traversée. Le mal de mer était arrivé chez lui à son paroxysme. A chaque mouvement violent du vaisseau, il était saisi d'effroyables convulsions, d'autant plus douloureuses, que, depuis le matin, il refusait de rien prendre, même de la main d'Emma, quoique ce fût sur ses genoux qu'il se tînt constamment, ne mangeant rien depuis deux jours, passant successivement des vomissements aux convulsions et des convulsions aux vomissements. Il avait, lors de l'inclinaison du Van-Guard, éprouvé une si forte secousse et ressenti une si grande terreur, qu'un vaisseau s'était brisé dans sa poitrine, que le sang s'était échappé de sa bouche et qu'après une courte agonie, il avait rendu le dernier soupir sur le sein d'Emma.

      L'enfant était si faible, et le passage de la vie à la mort avait été si facile chez lui, qu'Emma, tout en s'effrayant de cette émission de sang et des mouvements convulsifs qui l'avaient suivie, avait pris son immobilité pour le repos qui suit une crise et que ce n'était qu'au bout de quelques instants que, reconnaissant la véritable cause de cette immobilité, elle s'était, dans un mouvement de suprême effroi, écriée sans ménagement aucun, soit qu'elle connût la philosophie de la reine, soit que sa terreur dédaignât les ménagements:

      –Grand Dieu, madame, le prince est mort!

      Ce cri, parti du fond des entrailles d'Emma, avait produit un effet bien opposé chez Caroline et chez Ferdinand.

      La reine avait répondu:

      –Pauvre enfant! tu nous précèdes de si peu dans la tombe, que ce n'est pas la peine de te pleurer. Mais, si jamais je reprends ma couronne, malheur, à ceux qui ont été cause de ta mort!

      Un sinistre sourire avait suivi sa menace.

      Puis, tendant les bras vers Emma:

      –Donne-moi l'enfant, avait-elle dit.

      Emma avait obéi, ne croyant pas que l'on pût refuser à une mère, si peu tendre qu'elle fût, le cadavre de son enfant.

      Quant à Ferdinand, l'imminence du danger avait fait disparaître chez lui jusqu'aux traces du malaise dont il avait d'abord été atteint. N'osant point monter sur la dunette, après ce que lui avait fait dire Nelson de son désir qu'il restât dans la chambre haute afin de ne point gêner la manoeuvre par sa royale présence, il avait passé par toutes les angoisses du danger, angoisses d'autant plus grandes que, le danger lui étant inconnu, il ne pouvait l'apprécier, et que, si imminent qu'il fût, son imagination le lui faisait plus imminent encore. Aussi, lorsque les boulets, sortant de leurs cases au moment de l'inclinaison du vaisseau, envahirent la batterie haute avec un bruit semblable à celui du tonnerre, devint-il, comme l'avait dit Emma, presque fou de terreur, et, lorsque celle-ci eut crié: «Grand Dieu, madame, le prince est mort!» répéta-t-il ce cri à genoux, en exprimant son mépris pour saint Janvier, qui l'abandonnait dans une pareille extrémité, et à haute voix vota-t-il à saint François de Paule, bienheureux, de mille ans plus récent que saint Janvier, une église sur le modèle de Saint-Pierre de Rome.

      Ce fut dans ce moment qu'Emma, ayant déposé le cadavre du jeune prince sur les genoux de sa mère et se trouvant libre, sortit de la chambre, courut jusqu'au pied de l'escalier de la dunette et appela Nelson.

      Nelson jeta un coup d'oeil rapide autour de lui, vit, comme nous l'avons dit, la reine renversée sur un sofa, étreignant dans ses bras le cadavre de son fils, et le roi, en face de son propre péril, oubliant tout sentiment de paternité, à genoux et faisant son voeu de salut, sans même songer à faire entrer dans ce voeu et à recommander au saint les personnes de sa famille qui devaient lui être les plus chères. Il s'empressa donc de rassurer ses illustres passagers.

      –Madame, dit-il à la reine, je ne puis rien contre le malheur qui vient de vous arriver, c'est une affaire entre Dieu, qui console, et vous; mais je puis vous affirmer, au moins, que, quant aux survivants, ils sont à peu près hors de tout danger.

      –Vous entendez, chère reine! dit Emma en soulevant la tête de Caroline entre ses bras; vous entendez, sire!

      –Hélas! non, dit le roi. Vous savez bien, milady, que je n'entends pas un mot de votre baragouin.

      –Milord dit que le danger est passé.

      Le roi, se releva.

      –Ah! ah! fit-il, milord dit cela?

      –Oui, sire.

      –Et pas par complaisance, pas pour nous rassurer?

      –Milord dit cela, parce que c'est la vérité.

      Le roi se releva, épousseta ses genoux avec sa main.

      –Est-ce que nous sommes à Palerme? demanda-t-il.

      –Non, pas encore tout à fait, répondit Nelson, à qui la demande fut transmise par Emma Lyonna; mais, comme il est probable que nous aurons, au point du jour, une saute de vent au nord ou au sud, nous pourrions y être ce soir. Nous n'avions même dévié de notre chemin que sur l'ordre de la reine.

      –Vous voulez dire sur ma prière, milord. Mais, à l'heure qu'il est, vous pouvez suivre la route que vous voudrez. Je n'ai plus de prière à faire qu'à Dieu et pour l'enfant que je tiens mort sur mes genoux.

      –C'est donc au roi, dit Nelson, que je demanderai mes instructions.

      –Mes instructions, dit le roi, du moment que vous me dites qu'il n'y a plus de danger, mes instructions sont que j'aimerais mieux aller à Palerme que partout ailleurs. Mais, continua le roi en chancelant sous le roulis, il me semble qu'il y a encore bien du mouvement

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