La San-Felice, Tome 06. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 06 - Dumas Alexandre

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spectacle funèbre dont il emportait le souvenir avec lui, Nelson s'attendait à avoir le coeur d'un père à consoler: Nelson se trompait. Le roi se trouvait mieux, le roi avait faim: le roi venait recommander à Nelson le plat de macaroni sans lequel il n'y avait point pour lui de dîner possible.

      Puis, comme on avait en vue tout l'archipel lipariote, il s'informa du nom de chacune des îles, qu'il montrait du doigt à Nelson, lui racontant qu'il avait eu dans sa jeunesse un régiment de jeunes hommes tirés tous de ces îles et qu'il appelait ses Lipariotes.

      Alors vint le récit d'une fête qu'il avait, quelques années auparavant, donnée aux officiers de ce régiment, fête dans laquelle lui, Ferdinand, habillé en cuisinier, jouait le rôle de maître d'hôtel, tandis que la reine, vêtue d'un costume de paysanne et entourée des plus jolies femmes de sa cour, remplissait celui d'hôtelière.

      Ce jour-là, Ferdinand avait lui-même une immense chaudronnée de macaroni, et jamais il n'en avait mangé de pareil. En outre, comme, la veille, il avait pêché lui-même son poisson dans le golfe de Mergellina, et la surveille tué, lui-même toujours, ses chevreuils, ses sangliers, ses lièvres et ses faisans dans la forêt de Persano, ce dîner lui avait laissé des souvenirs ineffaçables, qui se traduisirent par un profond soupir et ces mots invocateurs:

      –Pourvu que je trouve autant de gibier dans mes forêts de Sicile que j'en ai ou plutôt que j'en avais dans mes forêts de terre ferme!

      Ainsi, ce roi, que les Français dépouillaient de son royaume; ainsi, ce père, auquel la mort enlevait son fils, ne demandait, pour se consoler de ce double malheur, qu'une chose à Dieu: c'était qu'il lui restât au moins des forêts giboyeuses.

      On doubla vers deux heures de l'après-midi, le cap Cefallu.

      Deux choses préoccupaient Nelson et lui faisaient interroger tour à tour la mer et la côte: Où pouvaient être Caracciolo et sa frégate? Comment ferait-il, avec le vent du sud, pour entrer dans la baie de Palerme?

      Nelson, qui avait passé sa vie sur l'Atlantique, était peu pratique des mers dans lesquelles il se trouvait et où il avait rarement navigué. Il est vrai qu'il avait à bord, comme nous l'avons vu, deux autres matelots siciliens. Mais comment, lui, Nelson, le premier homme de mer de son époque, recourrait-il à un simple matelot pour diriger un vaisseau de soixante et douze dans la passe de Palerme?

      Si l'on arrivait de jour, on ferait des signaux pour demander un pilote; si l'on arrivait de nuit, on courrait des bordées jusqu'au lendemain matin.

      Mais, alors, le roi, dans son ignorance des difficultés, demanderait:

      –Puisque voilà Palerme, pourquoi n'y entrons nous pas?

      Et il faudrait répondre:

      –Parce que je ne connais pas assez l'entrée du port pour m'y engager.

      Jamais Nelson ne consentirait à faire un pareil aveu.

      D'ailleurs, dans ce pays si mal organisé, où la vie de l'homme est la moins chère des marchandises, y avait-il même un office de pilotage?

      On le saurait bientôt, au reste; car on commençait à découvrir le mont Pellegrino, qui s'élève et s'allonge à l'occident de Palerme, et, vers les cinq heures du soir, c'est-à-dire au jour tombant, on serait en vue de la capitale de la Sicile.

      Le roi était descendu vers deux heures, et, comme son macaroni avait été fait d'après ses instructions, il avait parfaitement dîné. La reine était restée sur son lit, sous prétexte de malaise; les jeunes princesses et le prince Léopold s'étaient mis à table avec leur père.

      Vers trois heures et demie, au moment où l'on allait doubler le cap, le roi, suivi de Jupiter, qui avait assez bien supporté la traversée, et du jeune prince Léopold, vinrent rejoindre Nelson sur la dunette. L'amiral était soucieux, car il interrogeait vainement la mer, et nulle part on n'apercevait la Minerve.

      C'eût été un grand triomphe pour lui d'arriver avant l'amiral napolitain; mais, au contraire, selon toute probabilité, c'était l'amiral napolitain qui était arrivé avant lui.

      Vers quatre heures, on doubla le cap. Le vent soufflait avec force du sud-sud-est. On ne pouvait entrer dans le port qu'en courant des bordées, et, en courant des bordées, on pouvait s'échouer sur quelques bas-fonds ou toucher sur quelque rocher.

      Aussitôt que le port fut en vue, Nelson fit donc des signaux pour qu'on lui envoyât un pilote.

      A l'aide d'une excellente longue-vue, Nelson pouvait distinguer tous les bâtiments en rade, et n'eut point de peine à reconnaître, en avant de tous et comme un soldat au port d'arme attendant son chef, la Minerve avec tous ses agrès intacts et se balançant sur ses ancres.

      Il se mordit les lèvres avec dépit: ce qu'il craignait était arrivé.

      La nuit venait rapidement. Nelson multipliait ses signaux, et, impatient de ne voir venir aucune barque, tira un coup de canon, après avoir eu la précaution de faire prévenir la reine que ce coup de canon avait pour but de faire venir un pilote.

      L'obscurité était déjà assez épaisse pour que le fond du golfe disparût, et que l'on ne vit plus que les nombreuses lumières de Palerme qui trouaient, pour ainsi dire, les ténèbres. Nelson allait ordonner de tirer un second coup de canon, lorsque Henry, qui explorait la mer avec une excellente lunette de nuit, annonça qu'une barque se dirigeait sur le Van-Guard.

      Nelson prit la lunette des mains de Henry et vit effectivement venir, avec sa toile triangulaire, une barque montée par quatre matelots et par un homme couvert du grossier caban des matelots siciliens.

      –Holà! de la barque! cria le matelot en vigie, que voulez-vous?

      –Pilote, répondit simplement l'homme au caban.

      –Jetez un cordage à cet homme et amarrez sa barque au bâtiment, dit Nelson.

      Le vaisseau se présentait par bâbord. Il amena sa voile. Les quatre matelots prirent leurs rames et accostèrent le Van-Guard.

      On jeta une corde au pilote, qui la saisit, et, s'aidant, en marin exercé, des anfractuosités du bâtiment, entra par un des sabords dans la batterie haute et apparut bientôt sur le pont.

      Il se dirigea droit au poste du commandement, où l'attendaient Nelson, le capitaine Henry, le roi et le prince royal.

      –Vous vous êtes bien fait attendre, lui dit Henry en italien.

      –Je suis venu au premier coup de canon, capitaine.

      –Vous n'aviez donc pas vu les signaux?

      Le pilote ne répondit point.

      –Voyons, dit Nelson, ne perdons pas de temps; demandez-lui en italien, Henry, s'il est pratique du port et s'il répond de conduire sans accident un vaisseau de haut bord à son ancrage.

      –Je parle votre langue, milord, répondit le pilote en excellent anglais. Je suis pratique du port et je réponds de tout.

      –C'est bien, dit Nelson. Commandez la manoeuvre: vous êtes le maître ici. Seulement, n'oubliez pas que vous manoeuvrez un bâtiment monté par vos souverains.

      –Je sais que j'ai cet honneur, milord.

      Puis, sans prendre le porte-voix que lui tendait Henry, d'une voix sonore qui retentit d'un bout à l'autre

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