La San-Felice, Tome 06. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 06 - Dumas Alexandre

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talent d'orateurs, je doute que vous trouviez moyen de me dire quelque chose d'agréable. J'ai voulu faire la guerre aux Français, et ils m'ont battu; j'ai voulu défendre Naples, et j'ai été forcé de la quitter; je me suis embarqué, et j'ai essuyé une tempête. Me dire que ma présence vous réjouit serait me dire que vous êtes contents des malheurs qui m'arrivent, et, par-dessus tout, en me disant cela, vous m'empêcheriez de souper et de me coucher; ce qui, dans ce moment, me serait plus désagréable encore que d'avoir été battu par les Français, d'avoir été forcé de me sauver de Naples, et d'avoir eu, pendant trois jours, le mal de mer et la perspective d'être mangé par les poissons, attendu que je meurs de faim et de sommeil. Sur ce, je regarde vos discours comme faits, monsieur le syndic et messieurs du corps municipal. Je donne dix mille ducats pour les pauvres: vous pouvez les envoyer prendre demain.

      Avisant alors l'évêque au milieu de son clergé:

      –Monseigneur, dit-il, demain, à Sainte-Rosalie, vous direz un Te Deum d'actions de grâces pour la façon miraculeuse dont j'ai échappé au naufrage. J'y renouvellerai solennellement le voeu que j'ai fait à saint François de Paule de lui bâtir une église sur le modèle de Saint-Pierre de Rome, et vous nous désignerez les membres de votre clergé les plus méritants. Si réduits que soient nos moyens, nous tâcherons de les récompenser selon leurs mérites.

      Puis, se tournant vers les magistrats et reconnaissant à leur tête le président Cardillo:

      –Ah! ah! c'est vous, maître Cardillo! lui dit-il.

      –Oui, sire, répondit le président en saluant jusqu'à terre.

      –Êtes-vous toujours mauvais joueur?

      –Toujours, sire.

      –Et chasseur enragé?

      –Plus que jamais.

      –C'est bien. Je vous invite à mon jeu, à la condition que vous m'inviterez à vos chasses.

      –C'est un double honneur que me fait Votre Majesté.

      –Maintenant, messieurs, continua le roi s'adressant à tout le monde, si vous avez aussi faim et aussi soif que moi, j'ai un bon conseil à vous donner: c'est de faire comme moi, c'est-à-dire de souper et vous coucher après.

      Cette invitation était un congé bien en règle; aussi la triple députation se retira-t-elle après avoir salué le roi.

      Ferdinand, éclairé par quatre domestiques, monta le grand escalier d'honneur, suivi par Jupiter, le seul convive qu'il eût jugé à propos de retenir.

      Un dîner de trente couverts était servi.

      Le roi s'assit à une extrémité de la table et fit asseoir Jupiter à l'autre, garda un domestique pour lui et en donna deux à son chien, auquel il fit servir de tous les plats qu'il mangea.

      Jamais Jupiter ne s'était trouvé à pareille fête.

      Puis, après le souper, Ferdinand l'emmena dans sa chambre, lui fit apporter, au pied de son lit, les tapis les plus moelleux, et, passant, avant de se coucher lui-même, la main sur la belle tête intelligente du fidèle animal:

      –J'espère, dit-il, que tu ne diras pas, comme je sais quel poëte, que l'escalier d'autrui est rude et que le pain de l'exil est amer.

      Sur quoi, il s'endormit, rêva qu'il faisait une pêche miraculeuse dans le golfe de Castellamare et tuait des sangliers par centaines dans la forêt de Ficuzza.

      L'ordre était donné à Naples, lorsque le roi n'avait pas sonné à huit heures, d'entrer dans sa chambre et de l'éveiller; mais, comme le même ordre n'avait pas été donné à Palerme, le roi se réveilla et sonna à dix heures seulement.

      Pendant la matinée, la reine, le prince Léopold, les princesses, les ministres et les courtisans avaient débarqué et avaient cherché leurs logements, les uns au palais, les autres dans la ville. Le corps du petit prince avait, en outre, été porté dans la chapelle du roi Roger.

      Le roi demeura un instant soucieux et se leva. Cette dernière circonstance qu'il paraissait avoir complètement oubliée, maintenant qu'il était hors de danger, pesait-elle plus tristement sur son coeur paternel, ou bien réfléchissait-il que saint François de Paule avait un peu lésiné dans la protection qu'il lui avait accordée, et qu'en bâtissant l'église qu'il avait votée, il allait payer bien cher une protection qui s'était si incomplètement étendue sur sa famille?

      Le roi donna l'ordre que le corps du jeune prince restât exposé toute la journée dans la chapelle et qu'il fût, le lendemain, enterré sans aucune solennité.

      Sa mort seulement serait signifiée aux autres cours, et celle des Deux-Siciles, réduite à la Sicile seule, porterait un deuil de quinze jours en violet.

      Cet ordre donné, on annonça au roi que l'amiral Caracciolo, qui, la veille, comme nous le savons déjà par le récit du pilote, avait fait le maréchal des logis pour le roi et la famille royale, sollicitait l'honneur d'être reçu par Sa Majesté et attendait son bon plaisir dans l'antichambre.

      Le roi s'était rattaché à Caracciolo de toute l'antipathie que commençait à lui inspirer Nelson; aussi s'empressa-t-il d'ordonner qu'on le fît entrer dans le cabinet-bibliothèque attenant à sa chambre à coucher, et, dans son empressement à voir l'amiral, y entra-t-il lui-même avant d'être complètement habillé, et, donnant à son visage l'expression la plus riante possible:

      –Ah! mon cher amiral, lui dit-il, je suis bien aise de te voir, d'abord pour te remercier de ce qu'étant arrivé avant moi, tu as aussitôt pensé à moi.

      L'amiral s'inclina, et, sans que le bon accueil du roi changeât rien à la gravité de son visage:

      –Sire, dit-il, c'était mon devoir comme fidèle et obéissant sujet de Votre Majesté.

      –Puis je voulais te faire des compliments sur la façon dont tu as manoeuvré ta frégate au milieu de la tempête. Sais-tu que tu as failli faire crever Nelson de rage? J'aurais bien ri, je t'en réponds, si je n'avais pas eu si grand'peur.

      –L'amiral Nelson, répondit Caracciolo, ne pouvait faire, avec un bâtiment lourd et mutilé comme le Van-Guard, ce que je pouvais faire avec ma frégate, bâtiment léger de construction moderne, et qui n'a jamais souffert. L'amiral Nelson a fait ce qu'il a pu.

      –C'est ce que je lui ai dit, avec un autre sens peut-être, mais absolument dans les mêmes termes; et j'ai même ajouté que j'avais un profond regret de t'avoir manqué de parole et d'être venu avec lui, au lieu d'être venu avec toi.

      –Je le sais, sire, et j'en suis profondément touché.

      –Tu le sais! et qui te l'a dit? Ah! je comprends: le pilote?

      Caracciolo ne répondit point à la question du roi. Mais, au bout d'un instant:

      –Sire, dit-il, je viens demander une grâce au roi.

      –Bien! tu tombes dans un bon moment! Parle.

      –Je viens demander au roi de vouloir bien accepter ma démission d'amiral de la flotte napolitaine.

      Le roi recula d'un pas, tant il s'attendait peu à cette demande.

      –Ta démission d'amiral de la flotte napolitaine! dit-il. Et pourquoi?

      –D'abord,

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