Le vicomte de Bragelonne, Tome III.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome III. - Dumas Alexandre

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de son maître.

      – Gare au retour! lui dit-il.

      – Vous avez des fruits chez vous? dit Porthos en montant l'entresol, où l'on venait d'annoncer que la collation était servie.

      «Hélas!» pensa l'épicier en adressant à d'Artagnan un regard plein de prières, que celui-ci comprit à moitié.

      Après la collation, on se mit en route.

      Il était tard lorsque les trois cavaliers, partis de Paris vers six heures, arrivèrent sur le pavé de Fontainebleau.

      La route s'était faite gaiement. Porthos prenait goût à la société de Planchet, parce que celui-ci lui témoignait beaucoup de respect et l'entretenait avec amour de ses prés, de ses bois et de ses garennes.

      Porthos avait les goûts et l'orgueil du propriétaire.

      D'Artagnan, lorsqu'il eut vu aux prises les deux compagnons, prit les bas-côtés de la route, et, laissant la bride flotter sur le cou de sa monture, il s'isola du monde entier comme de Porthos et de Planchet.

      La lune glissait doucement à travers le feuillage bleuâtre de la forêt. Les senteurs de la plaine montaient, embaumées, aux narines des chevaux, qui soufflaient avec de grands bonds de joie.

      Porthos et Planchet se mirent à parler foins.

      Planchet avoua à Porthos que, dans l'âge mûr de sa vie, il avait, en effet, négligé l'agriculture pour le commerce, mais que son enfance s'était écoulée en Picardie, dans les belles luzernes qui lui montaient jusqu'aux genoux et sous les pommiers verts aux pommes rouges; aussi s'était-il juré, aussitôt sa fortune faite, de retourner à la nature, et de finir ses jours comme il les avait commencés, le plus près possible de la terre, où tous les hommes s'en vont.

      – Eh! eh! dit Porthos, alors, mon cher monsieur Planchet, votre retraite est proche?

      – Comment cela?

      – Oui, vous me paraissez en train de faire une petite fortune.

      – Mais oui, répondit Planchet, on boulotte.

      – Voyons, combien ambitionnez-vous et à quel chiffre comptez-vous vous retirer?

      – Monsieur, dit Planchet sans répondre à la question, si intéressante qu'elle fût, monsieur, une chose me fait beaucoup de peine.

      – Quelle chose? demanda Porthos en regardant derrière lui comme pour chercher cette chose qui inquiétait Planchet et l'en délivrer.

      – Autrefois, dit l'épicier, vous m'appeliez Planchet tout court et vous m'eussiez dit: «Combien ambitionnes-tu, Planchet, et à quel chiffre comptes-tu te retirer?»

      – Certainement, certainement, autrefois j'eusse dit cela, répliqua l'honnête Porthos avec un embarras plein de délicatesse; mais autrefois…

      – Autrefois, j'étais le laquais de M. d'Artagnan, n'est-ce pas cela que vous voulez dire?

      – Oui.

      – Eh bien! si je ne suis plus tout à fait son laquais, je suis encore son serviteur; et, de plus, depuis ce temps-là…

      – Eh bien! Planchet?

      – Depuis ce temps-là, j'ai eu l'honneur d'être son associé.

      – Oh! oh! fit Porthos. Quoi! d'Artagnan s'est mis dans l'épicerie?

      – Non, non, dit d'Artagnan, que ces paroles tirèrent de sa rêverie et qui mit son esprit à la conversation avec l'habileté et la rapidité qui distinguaient chaque opération de son esprit et de son corps. Ce n'est pas d'Artagnan qui s'est mis dans l'épicerie, c'est Planchet qui s'est mis dans la politique. Voilà!

      – Oui, dit Planchet avec orgueil et satisfaction à la fois, nous avons fait ensemble une petite opération qui m'a rapporté, à moi, cent mille livres, à M. d'Artagnan deux cent mille.

      – Oh! oh! fit Porthos avec admiration.

      – En sorte, monsieur le baron, continua l'épicier, que je vous prie de nouveau de m'appeler Planchet comme par le passé et de me tutoyer toujours. Vous ne sauriez croire le plaisir que cela me procurera.

      – Je le veux, s'il en est ainsi, mon cher Planchet, répliqua

      Porthos.

      Et, comme il se trouvait près de Planchet, il leva la main pour lui frapper sur l'épaule en signe de cordiale amitié.

      Mais un mouvement providentiel du cheval dérangea le geste du cavalier, de sorte que sa main tomba sur la croupe du cheval de Planchet.

      L'animal plia les reins.

      D'Artagnan se mit à rire et à penser tout haut.

      – Prends garde, Planchet; car, si Porthos t'aime trop, il te caressera, et, s'il te caresse, il t'aplatira: Porthos est toujours très fort, vois-tu.

      – Oh! dit Planchet, Mousqueton n'en est pas mort, et cependant

      M. le baron l'aime bien.

      – Certainement, dit Porthos avec un soupir qui fit simultanément cabrer les trois chevaux, et je disais encore ce matin à d'Artagnan combien je le regrettais: mais, dis-moi, Planchet?

      – Merci, monsieur le baron, merci.

      – Brave garçon, va! Combien as-tu d'arpents de parc, toi?

      – De parc?

      – Oui. Nous compterons les prés ensuite, puis les bois après.

      – Où cela, monsieur.

      – À ton château.

      – Mais, monsieur le baron, je n'ai ni château, ni parc, ni prés, ni bois.

      – Qu'as-tu donc, demanda Porthos, et pourquoi nommes-tu cela une campagne, alors?

      – Je n'ai point dit une campagne, monsieur le baron, répliqua

      Planchet un peu humilié, mais un simple pied-à-terre.

      – Ah! ah! fit Porthos, je comprends; tu te réserves.

      – Non, monsieur le baron, je dis la bonne vérité: j'ai deux chambres d'amis, voilà tout.

      – Mais alors, dans quoi se promènent-ils, tes amis?

      – D'abord, dans la forêt du roi, qui est fort belle.

      – Le fait est que la forêt est belle, dit Porthos, presque aussi belle que ma forêt du Berri.

      Planchet ouvrit de grands yeux.

      – Vous avez une forêt dans le genre de la forêt de Fontainebleau, monsieur le baron? balbutia-t-il.

      – Oui, j'en ai même deux; mais celle du Berri est ma favorite.

      – Pourquoi cela? demanda gracieusement Planchet.

      – Mais, d'abord, parce

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