Les compagnons de Jéhu. Dumas Alexandre

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Les compagnons de Jéhu - Dumas Alexandre

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après?.. Mon père, milord Tanlay, a rendu des services à

      M. Barras; c'est pourquoi M. Barras permet que je me promène en

      France, et je suis bien content de me promener en France; je m'amuse beaucoup.

      – Oui, je me le rappelle, sir John; vous nous avez déjà fait l'honneur de nous dire cela à table.

      – Je l'ai dit, c'est vrai; j'ai dit aussi que j'aimais beaucoup les Français.

      Roland s'inclina.

      – Et surtout le général Bonaparte, continua sir John.

      – Vous aimez beaucoup le général Bonaparte?

      – Je l'admire; c'est un grand, un très grand homme.

      – Ah! pardieu! sir John, je suis fâché qu'il n'entende pas un

      Anglais dire cela de lui..

      – Oh! s'il était là, je ne le dirais point.

      – Pourquoi?

      – Je ne voudrais pas qu'il crût que je dis cela pour lui faire plaisir, je dis cela parce que c'est mon opinion.

      – Je n'en doute pas, milord, fit Roland, qui ne savait pas où l'Anglais en voulait venir, et qui, ayant appris par le passeport ce qu'il voulait savoir, se tenait sur la réserve.

      – Et quand j'ai vu, continua l'Anglais avec le même flegme, quand j'ai vu que vous preniez le parti du général Bonaparte, cela m'a fait plaisir.

      – Vraiment?

      – Grand plaisir, fit l'Anglais avec un mouvement de tête affirmatif.

      – Tant mieux!

      – Mais quand j'ai vu que vous jetiez une assiette à la tête de

      M. Alfred de Barjols, cela m'a fait de la peine.

      – Cela vous a fait de la peine, milord; et en quoi?

      – Parce qu'en Angleterre, un gentleman ne jette pas une assiette à la tête d'un autre gentleman.

      – Ah! milord, dit Roland en se levant et fronçant le sourcil, seriez-vous venu, par hasard, pour me faire une leçon?

      – Oh! non; je suis venu vous dire: vous êtes embarrassé peut-être de trouver un témoin?

      – Ma foi, sir John, je vous lavouerai, et, au moment où vous avez frappé à la porte, je m'interrogeais pour savoir à qui je demanderais ce service.

      – Moi, si voulez, dit lAnglais, je serai votre témoin.

      – Ah! pardieu! fit Roland, j'accepte et de grand coeur!

      – Voilà le service que je voulais rendre, moi, à vous!

      Roland lui tendit la main.

      – Merci, dit-il.

      L'Anglais s'inclina.

      – Maintenant, continua Roland, vous avez eu le bon goût, milord, avant de m'offrir vos services, de me dire qui vous étiez; il est trop juste, du moment où je les accepte, que vous sachiez qui je suis.

      – Oh! comme vous voudrez.

      – Je me nomme Louis de Montrevel; je suis aide de camp du général

      Bonaparte.

      – Aide de camp du général Bonaparte! je suis bien aise.

      – Cela vous explique comment j'ai pris, un peu trop chaudement peut-être, la défense de mon général.

      – Non, pas trop chaudement; seulement, l'assiette…

      – Oui, je sais bien, la provocation pouvait se passer de l'assiette; mais, que voulez-vous! je la tenais à la main, je ne savais qu'en faire, je l'ai jetée à la tête de M. de Barjols; elle est partie toute seule sans que je le voulusse.

      – Vous ne lui direz pas cela, à lui?

      – Oh! soyez tranquille; je vous le dis, à vous, pour mettre votre conscience en repos.

      – Très bien; alors, vous vous battrez?

      – Je suis resté pour cela, du moins.

      – Et à quoi vous battrez-vous?

      – Cela ne vous regarde pas, milord.

      – Comment, cela ne me regarde pas?

      – Non; M. de Barjols est l'insulté, c'est à lui de choisir ses armes.

      – Alors, l'arme qu'il proposera, vous l'accepterez?

      – Pas moi, sir John, mais vous, en mon nom, puisque vous me faites l'honneur d'être mon témoin.

      – Et, si c'est le pistolet qu'il choisit, à quelle distance et comment désirez-vous vous battre?

      – Ceci, c'est votre affaire, milord, et non la mienne. Je ne sais pas si cela se fait ainsi en Angleterre, mais, en France, les combattants ne se mêlent de rien; c'est aux témoins d'arranger les choses; ce qu'ils font est toujours bien fait.

      – Alors ce que je ferai sera bien fait?

      – Parfaitement fait, milord.

      L'Anglais s'inclina.

      – L'heure et le jour du combat?

      – Oh! cela, le plus tôt possible; il y a deux ans que je n'ai vu ma famille, et je vous avoue que je suis pressé d'embrasser tout mon monde.

      L'Anglais regarda Roland avec un certain étonnement; il parlait avec tant d'assurance, qu'on eût dit qu'il avait d'avance la certitude de ne pas être tué.

      En ce moment, on frappa à la porte, et la voix de l'aubergiste demanda:

      – Peut-on entrer?

      Le jeune homme répondit affirmativement: la porte s'ouvrit, et l'aubergiste entra effectivement, tenant à la main une carte qu'il présenta à son hôte.

      Le jeune homme prit la carte et lut:

      «Charles de Valensolle.»

      – De la part de M. Alfred de Barjols, dit l'hôte.

      – Très bien! fit Roland.

      Puis, passant la carte à lAnglais:

      – Tenez, cela vous regarde; c'est inutile que je voie ce monsieur, puisque, dans ce pays-ci, on n'est plus citoyen… M. de Valensolle est le témoin de M. de Barjols, vous êtes le mien: arrangez la chose entre vous; seulement, ajouta le jeune homme en serrant la main de l'Anglais et en le regardant fixement, tâchez que ce soit sérieux; je ne récuserais ce que vous aurez fait que s'il n'y avait point chance de mort pour l'un ou pour lautre.

      – Soyez tranquille, dit lAnglais, je ferai comme

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