La San-Felice, Tome 05. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 05 - Dumas Alexandre

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voyant un homme bien mis, – ce qui était à Naples le signe du libéralisme, – le beccaïo avait eu l'idée de faire baiser au chevalier la tête de Ferrari. Mais, nous l'avons dit, le chevalier n'était pas homme à céder à la crainte. Il avait refusé de donner la sanglante accolade et avait rudement repoussé l'ignoble assassin.

      –Ah! misérable jacobin! s'écria le beccaïo, j'ai décidé que vous vous embrasseriez, cette tête et toi, et, mannaggia la Madonna! vous vous embrasserez.

      Et il revint à la charge.

      Le chevalier, qui n'avait pour toute arme que son parapluie, se mit en défense avec son parapluie.

      Mais, au cri «Le jacobin! le jacobin!» poussé par le beccaïo, tous les misérables qui venaient d'habitude à ce cri étaient accourus, et déjà un cercle menaçant se formait autour du chevalier, – quand un homme fendit ce cercle, envoya, d'un coup de pied dans la poitrine, le beccaïo rouler à dix pas, tira son sabre, et, se plaçant devant le chevalier:

      –En voilà un drôle de jacobin! dit-il; le chevalier San-Felice, bibliothécaire de Son Altesse royale le prince de Calabre, rien que cela! Eh bien, continua-t-il en faisant le moulinet avec son sabre, que lui voulez-vous, au chevalier San-Felice?

      –Le capitaine Michele! crièrent les lazzaroni. Vive le capitaine Michele! il est des nôtres!

      –Ce n'est point «Vive le capitaine Michele!» qu'il faut crier; c'est «Vive le chevalier San-Felice!» et cela tout de suite.

      La foule, à laquelle il est égal de crier: Vive un tel! ou Mort à un tel! pourvu qu'elle crie, hurla d'une seule voix:

      –Vive le chevalier San-Felice!

      Seul, le beccaïo s'était tu.

      –Allons, allons, lui dit Michele, ce n'est point une raison parce que c'est devant la porte de son jardin que tu as reçu ta pile, pour que tu ne cries pas: «Vive le chevalier!»

      –Et s'il ne me plaît pas de le crier, à moi! dit le beccaïo.

      –Ce sera absolument comme si tu chantais, attendu qu'il me plaît, à moi, que tu le cries! Ainsi donc, continua Michele, vive le chevalier San-Felice, et tout de suite, ou je t'appareille l'autre oeil!

      Et il fit tourner son sabre autour de la tête du beccaïo, qui devint très-pâle, encore plus de terreur que de colère.

      –Mon ami, mon bon Michele, dit le chevalier, laisse cet homme tranquille. Tu vois bien qu'il ne me connaît pas.

      –Et quand il ne vous connaîtrait pas, serait-ce une raison pour vouloir vous forcer de baiser la tête de ce malheureux qu'il a tué? Il est vrai qu'il vaudrait mieux encore baiser cette tête, qui est celle d'un honnête homme, que la sienne, qui est celle d'un coquin.

      –Vous l'entendez! hurla le beccaïo, il appelle des jacobins des honnêtes gens!

      –Tais-toi, misérable! Cet homme n'était pas un jacobin, tu le sais bien: c'était Antonio Ferrari, le courrier du roi et l'un des plus résolus serviteurs de Sa Majesté. Et, si vous ne me croyez pas, demandez au chevalier. Chevalier, dites à ces hommes qui ne sont point méchants, mais qui ont le malheur de suivre un méchant, dites-leur ce qu'était le pauvre Antonio.

      –Mes amis, dit le chevalier, Antonio Ferrari, qui vient d'être tué, a, en effet, été victime de quelque erreur fatale; car c'était un des serviteurs dévoués de votre bon roi, qui pleure en ce moment sa mort.

      La foule écoutait avec stupéfaction.

      –Ose dire maintenant que cette tête n'est pas celle de Ferrari et que Ferrari n'était pas un honnête homme! Dis-le! mais dis-le donc, que j'aie l'occasion de te couper l'autre moitié du visage!

      Et Michele leva son sabre sur le beccaïo.

      –Grâce! dit celui-ci en tombant à genoux: je dirai tout ce que tu voudras.

      –Et moi, je ne dirai qu'une chose, c'est que tu es un lâche! Va-t'en, et, quand tu te trouveras sur mon chemin, vingt pas à l'avance, à droite ou à gauche, aie soin de te déranger.

      Le beccaïo se retira au milieu des huées de cette foule qui, un instant auparavant, l'applaudissait, et gui se divisa en deux bandes: l'une suivit le beccaïo en l'injuriant; l'autre suivit Michele et le chevalier en criant:

      –Vive Michele! Vive le chevalier San-Felice! Michele resta à la porte du jardin pour congédier son escorte; le chevalier rentra chez lui, et, comme nous l'avons dit, appela Luisa.

      Nous venons de raconter ce qu'il avait vu des fenêtres de la bibliothèque et ce qui lui était arrivé à la descente du Géant: deux choses suffisantes, à notre avis, pour motiver sa pâleur.

      A peine eut-il dit à Luisa le motif qui le ramenait, qu'elle devint à son tour plus pâle que lui; mais elle ne répliqua point une parole, ne fit point une observation; seulement:

      –A quelle heure le départ? demanda-t-elle.

      –Entre dix heures et minuit, répondit le chevalier.

      –Je serai prête, dit-elle; ne vous inquiétez pas de moi, mon ami.

      Et elle se retira dans sa chambre, sous prétexte de faire ses préparatifs de départ, en donnant l'ordre que le dîner fût, comme d'habitude, servi à trois heures.

      LXXVII

      FATALITÉ

      Ce n'était point dans sa chambre que s'était retirée Luisa; c'était dans celle de Salvato.

      Dans la lutte entre le devoir et l'amour, le premier avait vaincu; mais, ayant sacrifié son amour au devoir, elle se croyait par cela même le droit de donner des larmes à son amour.

      Aussi, depuis le jour où Luisa avait dit à son mari: «Je partirai avec vous,» elle avait beaucoup pleuré.

      Ne sachant comment faire tenir ses lettres à Salvato, elle ne lui avait point écrit; mais elle avait reçu deux nouvelles lettres de lui.

      Cet amour si ardent, cette joie si profonde qu'elle trouvait à chaque ligne dans les lettres du jeune homme lui brisait le coeur, lorsqu'elle songeait surtout à quel amer désappointement Salvato serait en proie quand, plein d'espérance et de sécurité, croyant trouver la fenêtre ouverte et Luisa dans la chambre où elle pleurait si douloureusement à cette heure, il trouverait Luisa absente et la fenêtre fermée.

      Et pourtant, elle ne se repentait point de ce qu'elle avait promis ou plutôt offert: elle eût eu le choix, maintenant que l'heure du départ était arrivée, qu'elle eût agi comme elle avait fait.

      Elle appela Giovannina.

      Celle-ci accourut. Elle avait vu Michele à la cuisine et se doutait qu'il arrivait quelque chose d'extraordinaire.

      –Nina, lui dit sa maîtresse, nous quittons Naples cette nuit. C'est vous que je charge du soin de réunir et de mettre dans des caisses les objets de mon usage habituel. Vous les connaissez aussi bien que moi, n'est-ce pas?

      –Sans doute, je les connais, répondit la femme de chambre, et je ferai ce que madame m'ordonne; mais j'ai besoin que madame ait la bonté de m'éclairer sur un point.

      –Lequel?

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