Le corricolo. Dumas Alexandre

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Le corricolo - Dumas Alexandre

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fût à l'art, se terminât sans qu'il y eût échange de regrets entre les visiteurs et les visités sur la perte que l'Italie venait de faire.

      Donizetti surtout, qui déjà portait le sceptre de la musique et qui héritait encore du la couronne, était admirable de regrets pour celui qui avait été son rival sans jamais cesser d'être son ami. Cela avait, du reste, ravivé les querelles entre les bellinistes et les donizettistes, querelles bien plus promptement terminées que les nôtres, où chacun des antagonistes tient à prouver qu'il a raison, tandis que les Napolitains s'inquiètent peu, au contraire, de rationaliser leur opinion, et se contentent de dire d'un homme, d'une femme ou d'une chose qu'elle leur est sympathique ou antipathique. Les Napolitains sont un peuple de sensations. Toute leur conduite est subordonnée aux pulsations de leur pouls.

      Cependant les deux partis s'étaient réunis pour honorer la mémoire de l'auteur de Norma et des Puritains. Les élèves du Conservatoire de Naples avaient ouvert une souscription pour lui faire des funérailles; mais le ministre des cultes s'était opposé à cette fête mortuaire, sous le seul prétexte, peu acceptable en France, mais suffisant à Naples, que Bellini était mort sans recevoir les sacremens. Alors ils avaient demandé la permission de chanter à Santa-Chiara la fameuse messe de Winter; mais cette fois le ministre était intervenu, disant que ce Requiem avait été exécuté aux funérailles de l'aïeul du roi, et qu'il ne voulait pas qu'une messe qui avait servi pour un roi fût chantée pour un musicien. Cette seconde raison avait paru moins plausible que la première. Cependant les amis du ministre avaient calmé l'irritation en faisant observer que Son Excellence avait fait une grande concession au progrès constitutionnel des esprits en daignant instruire le public du motif de son refus, puisqu'il pouvait tout bonnement dire: Je ne veux pas, sans prendre la peine de donner la raison de ce non-vouloir. Cet argument avait paru si juste que le mécontentement des bellinistes s'était calmé en le méditant.

      Puis, comme les jours poussent les jours, et comme un soleil fait oublier l'autre, un événement à venir commençait à faire diversion à l'événement passé. On parlait comme d'une chose incroyable, inouïe, et à laquelle il ne fallait pas croire, du reste, avant plus ample informé, de la présomption d'un musicien français qui, lassé des ennuis qu'ont à éprouver les jeunes compositeurs parisiens pour arriver à l'Opéra-Comique ou au grand Opéra, avait acheté un drame à l'un de ces mille poètes librettistes qui marchent à la suite de Romani, et qui, de plein saut et pour son début, venait s'attaquer au public le plus connaisseur de l'Europe et au théâtre le plus dangereux du monde. A l'appui de cette opinion sur eux-mêmes et sur Saint-Charles, les dilettanti napolitains rappelaient avec la béatitude de la suffisance qu'ils avaient hué Rossini et sifflé la Malibran, et ne comprenaient rien à la politesse française, qui se contentait de leur répondre en souriant: Qu'est-ce que cela prouve? Une chose encore nuisait on ne peut plus à mon pauvre compatriote, j'aurais dû dire deux choses: il avait le malheur d'être riche, et le tort d'être noble, double imprudence des plus graves de la part d'un compositeur à Naples, où l'on est encore à ne pas comprendre le talent qui va en voiture et le nom célèbre qui porte une couronne de vicomte.

      Enfin, comme un point plus sombre en ce sombre horizon, une cabale, chose, il faut l'avouer, si rare à Naples qu'elle est presque inconnue, menaçait pour cette fois de faire infraction à la règle et d'éclater en faveur du compositeur étranger. Voici comment elle s'était formée; je la raconte moins à cause de son importance que parce qu'elle me conduit tout naturellement à parler des artistes.

      La direction du théâtre Saint-Charles avait, sur la foi de ses succès passés, engagé la Ronzi pour soixante représentations, et cela à mille francs chacune. Il était donc de son intérêt de faire valoir un pensionnaire qui lui coûtait par soirée la recette ordinaire d'un théâtre de France. En conséquence, elle avait exigé que le rôle de la prima donna fût écrit pour la Ronzi. Mais, par une de ces fatalités qui rendent les dilettanti de Saint-Charles si fiers de leur supériorité dans l'espèce, la nouvelle prima donna, fêtée, adorée, couronnée six mois auparavant, était venue tomber à plat, et si j'osais me servir d'un terme de coulisse, fit un fiasco complet à Naples. On avait trouvé généralement qu'il était absurde à l'administration de payer mille francs par soirée pour un reste de talent et un reste de voix, tandis qu'en ajoutant mille francs de plus on aurait pu avoir la Malibran, qui était le commencement de tout ce dont l'autre était la fin. En conséquence de ce raisonnement, une espèce de bande noire s'était attachée aux ruines de la Ronzi et la démolissait en sifflant chaque soir.

      Dès lors, l'administration avait compris deux choses: la première, qu'il fallait obtenir de la nouvelle pensionnaire qu'elle réduisît de moitié le nombre de ses représentations, et les dégoûts qu'elle éprouvait chaque soir rendaient la négociation facile; la deuxième, que c'était une mauvaise spéculation de soutenir un talent qui n'était pas adopté par un opéra, qui ne pouvait pas l'être. En conséquence, le rôle de la prima donna était passé des mains de la Ronzi dans celle de la Persiani, pour la voix de laquelle, du reste, il n'était pas écrit, celle-ci étant un soprano de la plus grande étendue. De là l'orage dont nous avons signalé l'existence.

      Au reste, la troupe de Saint-Charles restait toujours la plus belle et la plus complète d'Italie: elle se composait de trois élémens musicaux nécessaires pour faire un tout: d'un ténor mezzo carattero, d'une basse, d'un soprano. Par bonheur encore les trois élémens étaient aussi parfaits qu'on pouvait le désirer, et avaient nom: Duprez, Ronconi, Taquinardi.

      A cette époque, la France ne connaissait Duprez que vaguement: on parlait bien d'un grand artiste, d'un admirable chanteur qui parcourait l'Italie et commençait à imposer des conditions aux impresarii de Naples, de Milan et de Venise; mais des qualités de sa voix on ne savait rien que ce qu'en disaient les journaux ou ce qu'en rapportaient les voyageurs. Quelques amateurs se rappelaient seulement avoir entendu chanter a l'Odéon un jeune élève de Choron, à la voix fraîche, sonore, étendue; mais l'identité du grand chanteur était si problématique qu'on se demandait avec doute si c'était bien celui-là que les étudians avaient sifflé qui était applaudi à cette heure par les dilettanti italiens. Deux ans après, Duprez vint à Paris, et débuta dans Guillaume Tell. Nous n'avons rien de plus à dire de ce roi du chant.

      Ronconi était, à cette même époque, un jeune homme de vingt-trois à vingt-quatre ans, inconnu, je crois, en France, et qui se servait d'une magnifique voix de baryton que le ciel lui avait octroyée, sans se donner la peine d'en corriger les défauts ou d'en développer les qualités. Engagé par un entrepreneur qui le vendait trente mille francs et qui lui en donnait six, il puisait dans la modicité de son traitement une excellente excuse pour ne pas étudier, attendu, disait-il, que lorsqu'il étudiait on l'entendait, et que lorsqu'on l'entendait il ne pouvait pas dire qu'il n'était pas chez lui. Depuis lors Ronconi, payé à sa valeur, a fait les progrès qu'il devait faire, et c'est aujourd'hui le premier baryton de l'Italie.

      La Taquinardi était une espèce de rossignol qui chante comme une autre parle: c'était madame Damoreau pour la méthode, avec une voix plus étendue et plus fraîche; rien n'était comparable à la douceur de cet organe, jeune et pur, mais rarement dramatique. Du reste, talent intelligent au suprême degré, sans devenir jamais ni mélancolique ni passionné; figure froide et jolie: c'était une brune qui chantait blond. La Taquinardi, en épousant l'auteur d'Inès de Castro, est devenue la Persiani.

      Voilà quels étaient les artistes chargés de représenter le poème de Lara.

      Lorsque j'arrivai à Naples, l'ouvrage était en pleine répétition, c'est-à-dire qu'on l'avait mis à l'étude le 8 du mois de novembre, et qu'il devait passer le 19 dudit; ce qui faisait onze répétitions en tout pour un ouvrage du premier ordre. Tous les opéras cependant ne se montent pas avec cette rapidité. Il y en a auxquels on accorde jusqu'à quinze et dix-huit répétitions. Mais cette fois il y avait ordre supérieur: la reine-mère s'était plainte de ne pas avoir cette année pour sa fête une nouveauté musicale, ce qui ne manque jamais d'arriver pour celle

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