Les mystères du peuple, Tome V. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome V - Эжен Сю

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car mes frères ont résolu de vivre ou de mourir libres. Si vous méconnaissez les droits que leur garantit une charte du feu roi Clotaire Ier.

      – Et cette charte… tu l'invoques auprès de moi?..

      – Pourquoi non?

      – Tu le demandes? Une charte du père du mari de Frédégonde? une charte de l'aïeul de Clotaire II, fils de Frédégonde, mon plus mortel ennemi. Moine, je te croyais un homme dangereux et subtil, je me trompais; tu viens ici me parler d'une charte signée de l'aïeul de l'homme que je poursuivrai jusqu'à la tombe… Mais, vieillard insensé! un arbre qui aurait prêté son ombrage au fils de Frédégonde, je le ferais brûler, cet arbre! Une source où cet homme se serait désaltéré… je la ferais empoisonner, cette source… Et il s'agit, non plus d'objets inanimés, mais d'hommes, de femmes, d'enfants qui doivent leur liberté à l'aïeul du fils de Frédégonde! Je peux, ces affranchis de Clotaire Ier, les faire souffrir dans leur âme, dans leur chair et dans leur race! Oh! merci! moine, merci; dès demain tous les habitants de cette vallée seront envoyés comme esclaves à ces farouches tribus qui me viennent de Germanie… Ce sera une avance sur le pillage promis.

      – Soit, vous allez envoyer de nombreuses troupes dans la vallée; elles y pénétreront de vive force, elles écraseront nos habitants malgré leur résistance héroïque: hommes, femmes, enfants sauront mourir. Vos soldats, après un combat acharné, entrant dans la vallée n'y trouveront que cendres et cadavres; c'est dit; maintenant, écoutez ceci. La guerre est déclarée entre vous et le fils de Frédégonde; le moment est suprême, vous avez besoin de toutes vos forces. Exécrée du peuple, exécrée des grands, dont les plus considérables sont déjà dans le camp de Clotaire II, soupçonnant vos généraux, ne rêvant que trahison; à peine êtes-vous certaine de la fidélité de votre armée, puisqu'il vous faut appeler comme auxiliaires des tribus barbares et leur promettre le pillage… Écoutez encore… Notre malheureux peuple est énervé par l'esclavage, je le sais; mais, guidé par son instinct et voyant s'accroître de jour en jour la grandeur des maires du palais, il fait des vœux pour eux; songez-y, à leur voix il se soulèvera, parce que il voit en eux les ennemis des rois franks; et cette lutte sanglante nous profitera tôt ou tard, à nous peuple conquis!

      – Ah! tu sais bien que l'on ne périt qu'une fois dans les tortures, de là vient ton audace, – dit Brunehaut frappée, malgré sa fureur, des paroles de Loysik. – Continue… je veux voir jusqu'où ira ton insolence!

      – Nos gens de la vallée, malgré leur résistance héroïque, seront écrasés… Cependant, voyons! croyez-vous que les populations voisines, si hébétées, si craintives qu'elles soient devenues, resteront impassibles lorsqu'elles auront vu des hommes de leur race, défendant leur liberté, se faire exterminer jusqu'au dernier? Savez-vous que l'horreur de la conquête, la haine de la servitude, l'excès de la misère, ont souvent poussé à d'indomptables révoltes des peuples encore plus abâtardis que le nôtre! Savez-vous que demain… demain! une insurrection terrible peut éclater contre vous à la voix des grands qui vous abhorrent!

      – Insensé! est-ce que ces grands ne sont pas autant que nous les ennemis de ta vile race conquise!

      – Oui, leur but atteint, votre perte accomplie, ces grands écraseront ce peuple comme vous l'écrasiez vous-même, c'est le droit qu'ils vous disputent; oui, après l'explosion de sa colère, ce malheureux peuple reprendra son joug avec docilité… car les temps, hélas! ne sont pas encore venus! Mais qu'importe! Cette révolte au cœur de votre royaume en ce moment où votre implacable ennemi menace vos frontières, en ce moment où la trahison vous enveloppe… cette révolte serait aujourd'hui votre perte… et vous livrerait vous, vos royaumes, au fils de Frédégonde!

      À ce nom Brunehaut tressaillit de fureur… Puis, le front penché, le regard fixe, elle parut plus attentive encore aux paroles de Loysik, qui continua avec un amer dédain:

      – La voilà donc cette reine si fameuse par l'effrayante audace de sa politique! Pour assurer son empire elle a commis des crimes qui feront un jour douter de la vérité de l'histoire… Et elle va risquer ses royaumes, sa vie, par haine d'une poignée d'hommes inoffensifs! L'avaient-ils donc outragée? Non, ils lui étaient inconnus jusqu'ici; son attention a été attirée sur eux par la cupidité d'un évêque envieux de posséder leurs biens. Mais ces hommes qu'elle veut réduire à l'héroïsme du désespoir! ces hommes, si elle les épargnait, seraient-ils pour elle de dangereux ennemis? Non, ils ne demandent qu'à continuer de vivre libres, paisibles, laborieux; s'ils peuvent devenir redoutables, c'est par l'exemple de leur martyre… et cette femme n'a qu'une idée fixe: leur martyre… Il peut provoquer des soulèvements dont elle sera la première victime… Elle les brave… pourquoi? Pour se venger de ce que la liberté de ces hommes a été garantie par un roi mort il y a un demi-siècle… Oh! vertige du crime! avec quelle joie je te verrais pousser cette femme aux abîmes, si le pied ne devait lui glisser dans le sang de mes frères!

      Brunehaut, après avoir écouté Loysik avec une attention profonde, garda un moment le silence et reprit: – Moine… il est fâcheux que tu aies l'âge des gens qui vont mourir… tu serais devenu mon conseiller le plus écouté; je ne raille pas, je suivrai tes avis. Cette vallée sera épargnée pour le présent… Tu dis vrai; en ce moment où la guerre menace… où les grands n'attendent que l'occasion de se rebeller contre moi, réduire les habitants de cette vallée au désespoir, au martyre, serait de ma part une folie.

      – Mon but est rempli; je ne vous demande pas de promesse au sujet du monastère et des habitants de la vallée de Charolles, votre intérêt est pour moi la meilleure garantie. Maintenant je voudrais une feuille de parchemin pour écrire…

      – À qui?

      – À mon frère… et à mes moines… quelques lignes seulement; vous pourrez les lire… Ce sont des adieux à ma famille; je désire aussi prier les membres de ma communauté de laisser libres votre chambellan, l'archidiacre et vos hommes de guerre; un de vos messagers portera ma lettre.

      – Il y a là sur cette table ce qu'il faut pour écrire. Assieds-toi…

      Loysik s'assit et se mit à écrire avec sérénité; cependant sa joie était si grande d'avoir heureusement réussi dans cette difficile occurrence, que sa main vacillait un peu; Brunehaut l'observait, sombre et silencieuse; elle lui dit: – Tu trembles… vieillard?

      – C'est vrai, mais excusable; la satisfaction d'avoir épargné tant de maux à mes frères m'émeut et ma main tremble.

      – As-tu fini?

      – Voici la lettre… Lisez.

      Brunehaut lut, et reprit en roulant le parchemin: – Ces adieux sont simples, dignes et touchants; je comprends de mieux en mieux la puissante et dangereuse influence que tu exerces sur ces gens-là… Ils sont le bras, tu es la tête. Tout à l'heure ils ne seront plus qu'un corps sans tête… et, après la guerre, je les réduirai plus facilement. Tu n'as rien à me demander?

      – Rien… sinon de hâter mon supplice.

      – Je serai généreuse; ton inébranlable fermeté me plaît; je te fais grâce de la torture, et te laisse le choix de ta mort…

      – Faites-moi simplement couper la gorge…

      – De quelle manière?

      – Avec un rasoir; j'indiquerai le bon endroit à l'ami Pog; je suis assez chirurgien pour renseigner votre bourreau.

      – Tu seras content… Allons, cherche bien, moine… Tu n'as rien de plus à me demander?

      – Si, – répondit

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