Les mystères du peuple, Tome V. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome V - Эжен Сю

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revoir ses frères coloraient légèrement son doux visage, car, ainsi que l'avait dit Chrotechilde à Brunehaut, ce pauvre enfant, malgré les exécrables conseils de sa bisaïeule, conservait jusqu'alors un caractère angélique; il courut dès qu'il entra embrasser la vieille reine, puis il répondit aux caresses et aux questions empressées de ses frères qui l'entouraient; à chacun d'eux il remit de petits présents rapportés de son voyage et renfermés dans un coffret qu'il avait voulu prendre des mains d'un des serviteurs de sa suite, afin d'offrir plus tôt à ses frères ces témoignages de son souvenir. Chrotechilde, s'approchant alors de la reine, lui dit tout bas: – Madame… si vous m'en croyez, gardons les deux esclaves jusqu'à ce soir; d'ici là nous aviserons…

      – Oui, c'est le meilleur parti à prendre, – répondit Brunehaut; et s'adressant à l'enfant: – Va te reposer… tu raconteras ton voyage à tes petits frères; j'ai à causer avec le duk Warnachaire…

      Chrotechilde emmena les enfants, la reine resta seule avec le maire du palais de Bourgogne, homme de grande taille, d'une figure froide, impénétrable et résolue; il portait une riche armure d'acier rehaussée d'or à la mode romaine; sa large épée pendait à son côté, son long poignard à sa ceinture. Brunehaut, après avoir attaché longtemps son noir et profond regard sur Warnachaire, toujours impassible, lui fit signe de s'asseoir auprès de la table, s'y assit elle-même, et lui dit: – Quelles nouvelles?

      – Bonnes… et mauvaises, madame…

      – Les mauvaises d'abord.

      – La trahison des duks Arnolfe et Pépin, ainsi que la défection de plusieurs autres grands seigneurs d'Austrasie, n'est plus douteuse; ils se sont rendus au camp de Clotaire II avec leurs hommes.

      – Depuis longtemps je soupçonnais cette trahison. Ah! seigneurs enrichis, rendus si puissants par la générosité des rois, vous poussez à ce point l'ingratitude! Soit; je préfère la franche guerre à la guerre sourde; les domaines, terres saliques ou bénéfices de ces traîtres, retourneront à mon fisc. Continue…

      – Clotaire II a levé son camp d'Andernach, et il est entré au cœur de l'Austrasie. Sommé de respecter les royaumes de ses neveux, dont vous avez, madame, la tutelle, il a répondu qu'il s'en remettrait au jugement des grands d'Austrasie et de Bourgogne.

      – Le fils de Frédégonde espère soulever contre moi les peuples et les seigneurs de mes royaumes; il se trompe; des exemples prompts, prochains, terribles, épouvanteront les traîtres… tous les traîtres, entends-tu, Warnachaire?

      – Oui, madame.

      – Tous les traîtres, quel que soit leur rang, leur puissance, quel que soit le masque dont ils se couvrent, entends-tu, Warnachaire? maire du palais de Bourgogne…

      – J'entends, madame… J'entends même ce que vous ne me dites pas…

      – Tu lis dans ma pensée?

      – Oui, vous me croyez un traître… Vous me soupçonnez surtout depuis votre récent retour de Worms?

      – Je soupçonne toujours…

      – Votre soupçon, madame, s'est changé en certitude; vous avez écrit à Aimoin, un homme à vous, de me poignarder.

      – Je ne fais poignarder… que mes ennemis…

      – Je suis donc pour vous un ennemi, madame? Voici les morceaux de la lettre écrite de votre main à Aimoin pour lui ordonner de me tuer[K].

      Et le duk déposa sur la table plusieurs morceaux de parchemins déchirés; la reine regarda le maire du palais d'un œil défiant.

      – Ainsi Aimoin t'a livré ma lettre?

      – Non, madame, le hasard a mis en ma possession ces morceaux de parchemin.

      – Et pourtant… tu reviens ici?

      – Pour vous prouver l'injustice de vos soupçons.

      – Ou pour mieux me trahir.

      – Madame, si j'avais voulu vous trahir, je me serais rendu, comme tant d'autres seigneurs de Bourgogne, auprès de Clotaire II; je lui aurais donné votre petit-fils en otage, et je serais resté dans le camp de votre ennemi avec les tribus que j'ai ramenées de Germanie.

      – Ces tribus me sont dévouées… elles ne t'auraient pas suivi, elles viennent ici pour renforcer mon armée…

      – Ces tribus, madame, viennent ici pour piller, peu leur importe que ce soit comme auxiliaires de Brunehaut ou de Clotaire II; pays de Soissons, de Bourgogne ou d'Austrasie, ces Franks n'ont pas de préférence, pourvu qu'après s'être vaillamment battus et avoir aidé à la victoire, ils puissent ravager la contrée vaincue, faire un gros butin, et emmener de nombreux esclaves de l'autre côté du Rhin, tels sont les Franks que je vous ramène.

      – Je te dis, moi, que la vue de mon petit-fils, ce roi enfant, venant demander par ta bouche aide et force aux Germains, a intéressé ces barbares.

      – Si vous n'aviez, madame, expressément promis à ces tribus le pillage des territoires vaincus, ils seraient demeurés, croyez-moi, insensibles à la jeunesse de Sigebert; ils sont aussi sauvages que l'étaient nos pères, les premiers compagnons de Clovis; il m'a fallu de grands efforts pour les empêcher de tout ravager sur notre route; dans leur farouche impatience ils se croyaient déjà en pays conquis; chaque jour leurs chefs me demandaient à grands cris la bataille, afin d'être de retour en Germanie avec leur butin et leurs esclaves avant la saison d'hiver qui rend périlleuse la traversée.

      – Et ces tribus où sont-elles?

      – Je les ai laissées vers Montsarran.

      – Pourquoi si loin de Châlons?

      – Malgré mes recommandations, ces barbares ont volé et tué sur leur passage; les conduire ici, au cœur de la Bourgogne, puis les renvoyer ensuite en une autre contrée, selon les besoins de la guerre, c'était exposer à des désastres inutiles les populations qu'ils auraient traversées… Ces nouveaux malheurs pouvaient augmenter l'irritation; or, vous le savez, madame… de ce côté-ci de la Bourgogne une certaine agitation fermente dans la populace esclave.

      – Oui… à l'instigation de ces traîtres qui ont rejoint le fils de Frédégonde, ils tentent de soulever le peuple contre moi, contre la Romaine, comme ils m'appellent; oh! seigneurs et populace sauront ce que pèse le bras de Brunehaut.

      – Les ennemis de Brunehaut trembleront toujours devant elle, mais j'ai craint d'augmenter leur nombre en rendant nos populations victimes de la barbarie de vos nouveaux alliés; le territoire où j'ai fait camper ces tribus sera dévasté sans doute, mais ce ravage sera du moins limité. De plus, la position est assez centrale pour que ces auxiliaires soient dirigés partout où il le faudra selon les mouvements de l'armée de Clotaire II; j'ai donc agi, je crois, madame, avec sagesse et prévoyance.

      – Et l'armée? quelles sont ses dispositions?

      – Elle est pleine d'ardeur, ne demande que la bataille; le souvenir des deux dernières victoires de Toul et de Tolbiac, et surtout l'immense butin, le grand nombre d'esclaves que les troupes ont enlevés, redoublent leur désir de combattre le fils de Frédégonde… Ce sont là, madame, les bonnes nouvelles qui, selon moi, balancent les mauvaises. Brunehaut croit-elle encore, que Warnachaire ait agi en traître?

      – Qui sait?

      – Moi,

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