Les mystères du peuple, Tome V. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome V - Эжен Сю

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à Brunehaut, reine des Franks. – La manière dont vous gouvernez le royaume et l'éducation de votre fils attestent les vertus de votre excellence…» Chrotechilde ne put continuer; elle poussa un éclat de rire diabolique en regardant Brunehaut qui fit chorus d'hilarité avec sa confidente; celle-ci reprit se contenant à peine: – Par ma foi, madame, vous avez raison, lire de telles choses écrites de la main du pape, le pieux Grégoire, c'est là un divertissement que l'on ne saurait payer trop cher… Je continue, nous en étions, je crois, madame, à vos vertus…

      – Nous en étions à mes vertus…

      – Donc je reprends: «… L'éducation que vous donnez à votre fils atteste les vertus de votre excellence, vertus que l'on doit louer et qui sont agréables à Dieu; vous ne vous êtes point contentée de laisser intacte à votre fils la gloire des choses temporelles, vous lui avez aussi amassé les biens de la vie éternelle, en jetant dans son âme les germes de la vraie foi avec une pieuse sollicitude maternelle[J].»

      Et les deux vieilles de rire de nouveau, de rire tant et tant, ces deux monstres, que les larmes leur vinrent aux yeux, après quoi Brunehaut dit à sa confidente: – Va, Chrotechilde… je me suis fait lire souvent les comédies satiriques des Romains… jamais celles de Plaute et de Térence ne vaudront celles que jouent chaque jour devant moi ces odieux hypocrites pour gagner les richesses dont je les comble.

      – C'est la vérité, madame, ce sont de fières comédies que les leurs; ils mettent Dieu en scène!

      – Et quelle scène! le ciel, le paradis, l'enfer, l'éternité… Ah! comédie, te dis-je, comédie! royale comédie!..

      À cette nouvelle saillie de la reine, les deux vieilles recommencèrent de rire aux éclats; mais soudain cette hilarité fut interrompue par le bruit de cris joyeux et enfantins, partant de la chambre voisine; presque au même instant les trois frères de Sigebert, alors en voyage, entrèrent suivis de leurs gouvernantes et coururent entourer leur bisaïeule. Childebert, le moins jeune de ces arrière-petits-fils de Brunehaut, avait dix ans, Corbe neuf ans, Mérovée, le dernier, six ans; nées d'un père presque épuisé avant son adolescence par la précocité des excès de toutes sortes où sa grand'mère Brunehaut l'avait plongé par une infernale prévoyance, ces trois petites créatures, délicates, frêles, étiolées déjà, faisaient peine à voir; leur gaieté même attristait; au lieu d'être rondes, fermes et roses, leurs joues creuses, d'une pâleur maladive, semblaient rendre plus grands encore leurs yeux caves et cernés; leur longue chevelure, symbole de la royauté franque, tombait fine et rare sur leurs épaules; ils portaient de petites dalmatiques d'étoffes d'or ou d'argent. La gouvernante, après avoir respectueusement fléchi le genou à l'entrée de la salle, se tint auprès de la porte, tandis que les enfants entouraient leur bisaïeule. Childebert, le moins jeune, se tenait debout auprès d'elle; Corbe et Mérovée, les deux plus petits, avaient grimpé sur ses genoux, tandis qu'elle leur disait:

      – Vous voici très-gais ce matin, chers enfants!

      – Grand'mère, c'est Corbe, notre frère, qui nous faisait rire…

      – Voyons, qu'a donc dit Corbe de si plaisant?

      – Tu sais bien, grand'mère, sa tourterelle blanche?

      – Oui.

      – Il lui a arraché toutes les plumes, et elle criait… et elle criait…

      – Et vous de rire… et de rire… démons!..

      – Oui, grand'mère; seulement à la fin notre petit frère Mérovée a pleuré!

      – Tant il riait, ce garçonnet?

      – Oh! non, moi j'ai pleuré, parce qu'à la fin l'oiseau était tout saignant.

      – Alors, moi j'ai dit à mon frère Mérovée: Tu n'as donc pas de courage, que le sang te fait peur? Et quand nous irons à la bataille, cela te fera donc pleurer, de voir le sang couler? N'est-ce pas, Childebert, que j'ai dit cela?

      – C'est vrai, grand'mère; et moi, pendant que Corbe parlait ainsi à Mérovée, j'ai pris un couteau et j'ai coupé le cou à la colombe… Ah! c'est que je n'ai pas peur du sang, moi; et quand j'aurai l'âge, j'irai à la guerre, n'est-ce pas, grand'mère?

      – Ah! mes enfants, vous ne savez pas ce que vous désirez! On peut bien, voyez-vous, chers petits, s'amuser à couper le cou à des colombes, sans pour cela se croire obligé d'aller un jour à la guerre. Figurez-vous donc que la guerre, mes enfants, c'est chevaucher jour et nuit, souffrir de la faim, du chaud, du froid, coucher sous la tente, et qui plus est, risquer de se faire tuer ou blesser, ce qui cause une grande douleur; ne vaut-il pas mieux, chers enfants, se promener tranquillement en char ou en litière? coucher dans un lit douillet? manger des friandises tout son soûl? s'amuser tant que la journée dure? satisfaire aux moindres fantaisies qui nous viennent? Dites, n'est-ce point préférable aux vilaines fatigues de la guerre? Le sang des races royales est trop précieux pour l'exposer ainsi, mes jolis roitelets; vous avez vos leudes pour combattre l'ennemi à la bataille, vos serviteurs pour tuer les gens qui vous déplaisent ou vous offensent, vos prêtres pour vous faire obéir de vos peuples et vous absoudre de vos crimes, si vous en commettez. Vous n'avez donc qu'à vous amuser, qu'à jouir des délices de la vie, heureux enfants, sans autre souci que de dire: Je veux. Comprenez-vous bien mes paroles, chers petits? Dis, Childebert, toi l'aîné de vous trois? toi un garçon déjà raisonnable?

      – Oh! oui, grand'mère, moi je ne suis pas plus soucieux qu'un autre d'aller à la guerre attraper de bons coups, je préfère m'amuser et faire ce qui me plaît; mais alors, pourquoi donc notre frère Sigebert s'en est-il allé à cheval, suivi de guerriers, en compagnie du duk Warnachaire?

      – Votre frère est maladif, mes enfants; les médecins m'ont conseillé de lui faire entreprendre, pour le bien de sa santé, un long voyage…

      – Et reviendra-t-il bientôt?

      – Peut-être demain… peut-être aujourd'hui.

      – Oh! tant mieux, grand'mère, tant mieux, sa place ne restera pas vide dans notre chambre, il nous manque…

      – Ne vous réjouissez pas trop quant à cela, chers roitelets; désormais Sigebert aura sa chambre à part… Oh! c'est que c'est déjà un petit homme, lui!

      – Il n'a pourtant qu'un an de plus que moi.

      – Oh! oh! mais dans un an tu seras aussi un homme, toi, mon petit Childebert, – répondit Brunehaut en échangeant avec Chrotechilde un épouvantable regard, – alors, comme ton frère, tu auras ta chambre à part et… et tout ce qui s'en suit; n'est-ce pas, Chrotechilde?

      – Certainement, madame… il ne faut point faire de jaloux.

      – Qu'est-ce que j'aurai donc, grand'mère, de plus que ma chambre à part?

      – Eh! mais, tes chambellans, tes écuyers, tes serviteurs, tes esclaves, tous gens soumis à tes caprices, comme les chiens à la houssine.

      – Oh! que je voudrais donc être plus vieux d'un an!

      – Et moi aussi, je te voudrais voir plus vieux d'un an… et Corbe aussi, et toi aussi, petit Mérovée, je voudrais vous voir tous de l'âge de Sigebert.

      – Patience, madame, – dit Chrotechilde en échangeant de nouveau un regard diabolique avec Brunehaut, – patience, cela viendra… Mais quel est ce bruit dans la grande salle… De nombreux pas approchent… si c'était

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