Les mystères du peuple, Tome V. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome V - Эжен Сю

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étant de son côté une manière de sotte brebis… vous m'entendez, madame? D'un autre côté, cette petite endiablée pourrait effaroucher notre agneau… Je me rappelle toujours la peur de Theudebert, à la vue de l'esclave aux yeux verts et aux cheveux crépus… Aussi je vous le répète, madame, ceci demande réflexion… D'ailleurs, rien ne presse… Sigebert est en Germanie avec le duk Warnachaire, maire du palais de Bourgogne.

      – Ils peuvent être de retour d'un moment à l'autre… Je les attends…

      – Quoi! déjà?

      – Oui, peut-être arriveront-ils ici aujourd'hui; aussi j'ai d'autant plus hâte d'acheter une esclave pour Sigebert, que je crains que pendant ce voyage en Germanie, Warnachaire n'ait pris une certaine influence sur Sigebert; or, cette influence serait bientôt perdue au milieu du trouble et des curiosités du premier amour de cet enfant.

      – Puisque vous vous défiez du duk, madame, pourquoi lui avoir confié Sigebert?

      – Excepté en toi, peut-être, en qui ai-je confiance ici? Ne fallait-il pas faire accompagner Sigebert… La vue de cet enfant roi, d'une douce figure, aura intéressé les chefs de tribus germaines d'au delà du Rhin, dont ce Warnachaire est allé rechercher l'alliance… Leurs troupes doubleront mon armée… Oh! dans cette guerre suprême, sans merci entre moi et Clotaire II… ce fils de Frédégonde sera écrasé… Il le faut… il le faut…

      – Et cela sera, madame. Jusqu'ici vos ennemis ont toujours tombé sous vos coups… La mort du fils de Frédégonde couronnera l'œuvre… cependant ce duk Warnachaire m'inquiète… Tenez, madame… ces maires du palais qui ont, il y a quarante ou cinquante ans, sous le règne des fils du vieux Clotaire, commencé par être intendants des maisons royales… et qui, peu à peu, sont devenus gouvernants des peuples, ces maires du palais finiront par manger les rois si les rois ne les mangent point. Ces habiles gens disent aux princes: «Ayez des concubines, buvez, jouez, chassez, dormez, prodiguez l'argent dont nous remplirons vos coffres, tenez-vous en joie, ne prenez point souci de régner, nous nous chargeons de ce fardeau.» Ce sont là, madame, de dangereuses scélératesses; qu'une mère, qu'une aïeule, agisse ainsi envers ses fils et ses petits-fils, c'est chose concevable; mais chez les maires du palais, ceci touche fort à l'usurpation, et ce Warnachaire, à qui vous avez laissé son office de maire après la mort de Thierry, me semble vouloir dominer Sigebert et vous évincer, madame… Je sais que nous aurons la petite ou la grande esclave… pour nous maintenir contre le duk. Mais souvenez-vous, madame, de votre exil de Metz!

      – Tu prêches une convertie… j'ai dernièrement écrit à Aimoin, qui revient avec Warnachaire, de le tuer en route.

      – Eh! madame, que ne parliez-vous! je vous aurais épargné ma rhétorique.

      – Malheureusement Aimoin n'a pas exécuté mes ordres.

      – Quel serviteur!.. et pourquoi n'a-t-il pas obéi?

      – Je l'ignore encore; je le saurai aujourd'hui peut-être.

      – Du reste, il ne faut point nous hâter de penser mal de cet Aimoin. Une favorable occasion lui aura peut-être manqué; qui sait si vous n'allez pas le voir revenir seul avec le petit Sigebert! En cas contraire, une fois ici, à Châlons, dans ce château, il en sera, madame, ce qu'il vous plaira de Warnachaire… et croyez-moi, ces maires du palais! oh! ces maires du palais me semblent menaçants pour les royautés. Aussi, madame, les rois ne seront tranquilles sur leurs trônes que lorsqu'ils sauront se délivrer de ces dangereux rivaux toujours grandissants.

      – Je le sais, mais il faut du temps pour abattre leur puissance; ils ont rallié à eux tous ces seigneurs bénéficiers enrichis par la générosité royale! Oh! le temps! le temps! ah! que la vie est courte, lorsque l'on sent en soi vouloir, pouvoir et force! Ce temps qu'il me faut, c'est un long règne, je l'aurai; les tribus barbares, de l'autre côté du Rhin, ont répondu à mon appel; elles se joindront à mon armée. Grâce à ce renfort, les troupes de Clotaire II écrasées, il tombe en mon pouvoir! lui, Chrotechilde, lui… le fils de Frédégonde! Oh! la frapper dans son fils! puisque du fond de sa tombe elle brave ma haine! oh! faire lentement expirer le fils dans les tortures que je rêvais pour la mère! venger ainsi le meurtre de ma sœur Galeswinthe et de mon époux Sigebert! m'emparer des royaumes de Clotaire et régner seule sur la Gaule entière durant de longues années, car, malgré mes soixante ans passés, je me sens pleine de vie, de force et de volonté!..

      – Je vous l'ai souvent dit, madame, vous vivrez cent ans et plus.

      – Je le crois, je le sens; oui, je sens en moi un vouloir, une vitalité indomptables. Oh! régner! ambition des grandes âmes! régner comme régnaient les empereurs de Rome, mes modèles! Oui, je veux les imiter dans leur toute-puissance souveraine! compter par millions les instruments de mes volontés! d'un signe redouté faire obéir les multitudes! d'un geste pousser mes armées d'un bout à l'autre du monde! agrandir mes royaumes à l'infini! et dire: Ces contrées des plus voisines aux plus lointaines, c'est à moi! c'est à moi! Courber cent peuples divers sous un même joug! toutes ces forces éparses les concentrer dans ma main, ainsi que faisaient les empereurs de Rome… Dire je veux, et voir tant de populations différentes soumises à une loi unique, la mienne! dire je veux, et voir s'élever sur toute la Gaule ces merveilles de l'art, dont j'ai déjà couvert la Bourgogne; châteaux forts, palais splendides, basiliques aux nefs d'or, chaussées immenses, prodigieux monuments, qui diront aux siècles futurs le grand nom de Brunehaut! et pour arriver à de si grandes choses quelques scrupules m'arrêteraient! Voyons? ces enfants que j'énerve! ces hommes que je tue parce qu'ils me gênent! pourraient-ils accomplir ou seulement concevoir mes desseins gigantesques? de quel prix est la vie de ces obscures victimes? Leurs os seront poussière, leur nom oublié depuis des siècles, tandis que d'âge en âge mon nom continuera d'étonner le monde! Mes victimes! eh! s'il en est quelques-unes dont la mémoire survive, c'est qu'elles auront été frappées par Brunehaut! on les plaint… je les immortalise…

      – Voilà, madame, une raison que sauraient faire pieusement, pour votre salut, ces prêtres cupides et rusés qui vous assiégent de demandes de terres et d'argent!

      – Ne médis pas des prêtres, ils traînent mon char triomphal…

      – L'attelage, madame, est ruineux.

      – Pour qui? les dons que je leur fais afin qu'ils enseignent aux peuples à vénérer Brunehaut; ces dons m'appauvrissent-ils? n'est-ce pas le superflu de mon superflu? ne vais-je pas rétablir les impôts autrefois décrétés par les empereurs, et remplir ainsi incessamment mes coffres? Les peuples crieront! ils m'appelleront la Romaine! Peu m'importe, si mon fisc atteint à la fois les plus pauvres et les plus riches! et puis que veux-tu, Chrotechilde? Il est du devoir d'une grande reine de payer royalement ceux qui l'amusent… quand ils l'amusent.

      – Que trouvez-vous donc, madame, de divertissant chez ces mendiants hypocrites?

      – Tiens… prends cette clef, ouvre ce coffret qui est sur la table, et cherches-y un parchemin noué d'un ruban pourpre.

      – Le voici.

      – Baise-le.

      – Allons, madame, vous voulez rire.

      – Baise ce parchemin, te dis-je, femme de peu de foi; il est écrit de la main d'un pape… d'un pape vivant, du pieux Grégoire, en un mot.

      – Je comprends, mais je ne baiserai point le parchemin, madame, s'il vous plaît… Ainsi le pieux Grégoire, détenteur des clefs du paradis, vous promet de vous ouvrir toutes grandes les portes du séjour éternel?

      – N'est-ce pas justice? ne

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