Les mystères du peuple, Tome V. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome V - Эжен Сю

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illustre et bien aimée reine! On dirait que tu as du salpêtre dans les veines! Que votre excellence l'excuse, illustrissime princesse; c'est si jeune, si gai, si fou… ça ne demande qu'à s'envoler de sa cage pour faire admirer son plumage et son ramage. Baisseras-tu les yeux, Blandine! oser regarder ainsi en face notre auguste reine!!

      Blandine, en effet, au lieu de fuir le noir regard de Brunehaut, le cherchait, le provoquait d'un air malin, souriant et assuré; aussi la reine lui dit-elle après un long et minutieux examen:

      – L'esclavage ne t'attriste pas, toi?

      – Au contraire, glorieuse reine, car pour moi l'esclavage a été la liberté.

      – Comment cela, effrontée?

      – J'avais une marâtre, quinteuse, revêche, grondeuse; elle me faisait passer sur le froid parvis des basiliques tout le temps que je n'employais pas à manier l'aiguille; cette vieille furie me battait, lorsque par malheur, levant le nez de dessus ma couture, je souriais aux garçons par ma fenêtre; aussi, grande reine, quel sort que le mien! mal nourrie, moi si friande! mal vêtue, moi si coquette! sur pied au chant du coq, moi si amoureuse de me dorloter dans mon lit! de sorte que grande a été ma joie quand votre invincible petit-fils, ô reine illustre! est approché l'an passé de Tolbiac, où j'habitais.

      – Pourquoi ta joie?

      – Pourquoi, glorieuse reine? Oh! je savais, moi, que les guerriers franks ne tuent jamais les jolies filles; aussi, me disais-je: «Peut-être je serai prise par un baron de Bourgogne, un comte ou même un duk, et une fois esclave, si je m'en crois, je deviendrai maîtresse… car l'on a vu des esclaves…»

      – Devenir reine, comme Frédégonde, n'est-ce pas, ma mie?

      – Pourquoi donc pas, quand elles sont gentilles? – répondit audacieusement cette fillette sans baisser les yeux devant Brunehaut qui l'écoutait et la contemplait d'un air pensif. – Mais, hélas! – reprit Blandine avec un demi-soupir, – je n'ai pas eu cette fois le bonheur de tomber aux mains d'un seigneur. Un vieux leude, à moustaches blanches et des moins amoureux, m'a eue pour sa part du butin, et il m'a vendue tout de suite au seigneur Samuel; mais enfin peut-être une chance heureuse me viendra-t-elle? Que dis-je! – ajouta Blandine en adressant à Brunehaut son plus gracieux sourire, – n'est-ce pas déjà un grand, un inespéré bonheur que d'avoir été conduite en votre présence, ô reine illustre!

      Brunehaut, après avoir réfléchi pendant quelques instants, dit au marchand: – Juif, je t'achèterai une de ces deux esclaves.

      – Illustre reine! laquelle des deux prenez-vous, Aurélie ou Blandine?

      – Je ne sais encore… elles resteront au palais jusqu'à ce soir… on va les conduire dans l'appartement de mes femmes.

      Chrotechilde, à un signe de la reine, frappa le timbre; la vieille femme reparut; la confidente de Brunehaut lui dit: – Emmenez ces deux esclaves…

      – Illustre reine! choisissez-moi… – dit Blandine en se retournant une dernière fois vers Brunehaut, tandis que le juif enveloppait soigneusement de son voile cette petite diablesse. – Oh! choisissez-moi, glorieuse reine! vous ferez une bonne œuvre… je voudrais tant rester à la cour…

      – Tais-toi donc, effrontée, – disait tout bas Samuel en poussant doucement Blandine vers la porte de la chambre à coucher de la reine que Chrotechilde désignait du geste. – Trop est trop, ces familiarités peuvent déplaire à notre redoutable souveraine!

      Les deux jeunes filles, l'une toute joyeuse, l'autre chancelante et accablée, entrèrent dans l'appartement de la reine, tandis que, après avoir une dernière fois humblement salué Brunehaut, le juif quitta la salle en refermant sur lui le rideau de cuir qui masquait la baie de l'escalier tournant.

      Brunehaut et sa confidente restèrent seules.

      (Et maintenant, ô vous! descendants de Joël, qui en ce moment allez continuer de lire ce récit, le dégoût, l'horreur, l'épouvante que vous éprouverez n'égalera jamais le dégoût, l'horreur, l'épouvante dont je suis saisi en écrivant la scène sans nom qui va se passer entre ces deux exécrables vieilles.)

      – Madame, – dit Chrotechilde à Brunehaut, – à qui donc destinez-vous celle des deux esclaves que vous voulez acheter?

      – Tu me le demandes?

      – Oui, madame…

      – Chrotechilde… l'âge affaiblit ta pénétration habituelle… c'est fâcheux…

      – Madame, expliquez-vous!..

      – Il faut que j'éprouve jusqu'où peut aller ce manque d'intelligence si nouveau chez toi…

      – En vérité, madame, je m'y perds…

      – Dis-moi, Chrotechilde, lorsque mon fils Childebert est mort assassiné par Frédégonde, il m'a laissé, n'est-ce pas, la tutelle de mes deux petits-fils Thierry et Theudebert?

      – Oui… madame… mais moi je vous parlais de ces esclaves…

      – Justement… mais écoute… À quel âge mon petit-fils Theudebert était-il père?..

      – À TREIZE ANS, madame[A]; car à cet âge il eut un fils de Bilichilde, cette esclave brune aux yeux verts, que vous avez payée si cher… Je vois encore son regard fauve, étrange comme sa beauté… Du reste, une taille de nymphe, des cheveux crépus d'un noir de jais traînant jusqu'à terre… Je n'ai de ma vie vu pareille chevelure…

      – Cette esclave… qui la mit un soir dans le lit de mon petit-fils, alors à peine âgé de douze ans?..

      – Vous, Madame[B]; je vous accompagnais… Ah! ah! ah! j'en ris de souvenir… Il avait d'abord une peur, cet innocent; mais comme vous voilà devenue sombre…

      – Cette vile esclave! cette Bilichilde, malgré les autres concubines que nous avons données à mon petit-fils Theudebert, n'avait-elle pas pris sur lui un funeste ascendant?

      – Si funeste, madame, qu'elle nous a fait toutes deux chasser de Metz et conduire prisonnières jusqu'à Arcis-sur-Aube, confins de la Bourgogne, royaume de votre autre petit-fils Thierry. Mais c'est là, madame, une vieille histoire: cette Bilichilde n'a-t-elle pas été, l'an dernier, étranglée par votre petit-fils[C], ce farouche idiot ayant passé de l'amour à la haine, et lui-même, après la bataille de Tolbiac, vaincu par son frère, que vous aviez déchaîné contre lui, n'a-t-il pas été, selon vos ordres, tonsuré, puis poignardé? Enfin son fils, âgé de cinq ans, n'a-t-il pas eu la tête brisée contre une pierre[D]? que voulez-vous de plus?..

      – Chez moi la haine survit à la vengeance, comme le poignard survit au meurtre.

      – Et vous n'êtes point, madame, en ceci, raisonnable… Haïr au delà de la tombe, c'est naïf pour notre âge.

      – Mais passons… Ainsi, ce que nous venons de dire ne t'ouvre point l'esprit…

      – À l'endroit de ces deux jolies esclaves?

      – Oui…

      – Non, madame…

      – Poursuivons… Puisque ton intelligence est à ce point devenue obtuse… dis-moi, avant que nous n'ayons mis cette Bilichilde

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