Les mystères du peuple, Tome V. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome V - Эжен Сю

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cheval a besoin de souffler, après la rude montée de cette côte… Je peux te répondre, saint patron, d'autant mieux qu'il est, dit-on, d'un bon présage d'avoir rencontré un prêtre au commencement de sa route.

      – Réponds-moi, je te prie; qu'a-t-on fait de Brunehaut et de ses quatre petits-fils?

      – D'abord, il n'y a eu que trois enfants de pris sur les bords de la Saône; le quatrième, Childebert, n'a pu être retrouvé… A-t-il été tué dans la mêlée? s'est-il échappé? on l'ignore…

      – Et les trois autres?

      – L'aîné et le second ont été tués…

      – Dans la bataille?

      – Non, non… ils ont été tués dans le village… là-bas… Le roi les a fait périr sous ses yeux, afin d'être certain de leur mort, ne voulant pas que ces enfants reviennent un jour revendiquer leur royaume… Pourtant on dit que le roi a fait grâce au plus petit des trois… M'est avis qu'il a tort; car… Mais qu'as-tu, saint patron? tu frissonnes… C'est le froid du matin, sans doute?

      – C'est le froid du matin… et la reine Brunehaut?

      – Elle est arrivée ici avec une fière escorte! un véritable triomphe! du fumier pour encens et des injures pour hosannah.

      – On m'a dit cela sur la route; mais la reine, à son arrivée dans le village, a été mise à mort, sans doute?

      – Non; elle est encore en vie.

      – S'il l'a gardée prisonnière pendant trois jours, Clotaire a donc eu pitié d'elle?

      – Clotaire… pitié de Brunehaut? Il faut, en effet, bon patron, que tu viennes de loin pour parler de la sorte… Écoute bien ceci… Il y a trois jours Brunehaut a été conduite dans ce village que tu vois là-bas; on l'a amenée dans la maison où ont été tués ses petits-fils: deux bourreaux fort experts et quatre aides, munis de toutes sortes d'ustensiles, se sont enfermés avec la vieille reine, il y a de cela trois jours, et elle n'est pas encore morte[D]. Je dois ajouter qu'on lui laissait la nuit pour se reposer. De plus, comme elle avait entrepris de se laisser mourir de faim, on lui entonnait de force, tantôt du vin épicé, tantôt de la farine détrempée de lait, ce qui la soutenait suffisamment… Mais, saint patron, voilà que tu frissonnes encore.

      – C'est toujours le froid du matin… Et à cette torture de trois jours, Clotaire assistait?

      – Je vais te dire… La porte de la maison de torture était fermée à tous et gardée; mais il y avait une petite fenêtre donnant dans l'intérieur de la maison: c'est par là que le roi, les duks, l'évêque et quelques leudes favoris allaient regarder chacun à son tour. Clotaire, lui, en connaisseur, n'allait jamais regarder au dedans lorsque Brunehaut criait, car elle criait parfois à être entendue d'un bout du village à l'autre; mais dès qu'elle ne faisait plus que gémir, il allait jeter un coup d'œil par la fenêtre, car il paraît que les moments où l'on gémit sont plus terribles que ceux-là où l'on crie. C'est d'ailleurs une vraie fête dans le village; Clotaire, en roi généreux, a permis à bon nombre de gens qui ont suivi Brunehaut jusqu'ici d'y rester jusqu'à la fin; il leur a fait distribuer des vivres… Ah! patron! il faut les entendre, chaque fois que les cris de la reine arrivent jusqu'à eux, ils y répondent par des huées… Mais mon cheval a soufflé… Adieu, bon patron; je te conseille de te hâter, si tu es curieux d'assister à un spectacle que tu n'as jamais vu et que tu ne verras jamais… On parle de choses extraordinaires pour la fin des tortures; le roi a fait revenir de dix lieues d'ici un des chameaux qui portaient ses bagages. Que va-t-on faire de ce chameau? c'est encore un secret; mais tu le sauras si tu te hâtes. Adieu, donne-moi ta bénédiction.

      – Je souhaite que ton voyage soit heureux.

      – Merci, bon patron; mais hâte-toi, car lorsque j'ai quitté le village, on venait de sortir le chameau de la grange où il avait passé la nuit. Que va-t-on faire de ce chameau? Enfin, adieu…

      Et le cavalier, pressant son cheval de l'éperon, s'éloigna rapidement. Peu de temps après Loysik arriva à l'entrée du village de Ryonne. Le vieillard descendit de sa mule et pria le jeune frère de l'attendre. Un leude, auquel Loysik demanda la demeure du duk Roccon, le conduisit à la tente de ce seigneur frank, voisine de celle du roi. Presque aussitôt le moine fut introduit auprès du duk, qui lui dit avec un accent de déférence respectueuse: – Vous ici, mon bon père en Christ?

      – Je viens te demander une chose juste.

      – Parlez… si elle est en mon pouvoir, je vous l'accorde d'avance.

      – Tu es ami du roi Clotaire? tu as quelque influence sur lui?

      – Certes, si vous avez à lui demander une grâce, vous ne pouvez arriver plus à propos; il est très-joyeux… car, vous savez?.. Brunehaut…

      – Je sais, je ne sais que trop, – se hâta de répondre le vieillard. – Je ne veux pas de grâce de ton roi… je veux justice… Voici une charte octroyée par son aïeul Clotaire Ier; en droit, elle n'a pas besoin d'être confirmée, puisque la concession est absolue; mais l'évêque de Châlons nous inquiète; il élève des prétentions sur les biens du monastère, sur ceux des habitants de la vallée, et par suite, sur leur liberté, biens et liberté garantis par la charte que voici… Nous nous soucierions peu des prétentions de l'évêque, et nous saurions lui résister au besoin par les armes, si la charte était de nouveau confirmée par ton roi, puisqu'en ces temps-ci les droits les plus sacrés ont besoin de confirmation… Veux-tu donc demander à Clotaire, maintenant roi de Bourgogne, d'apposer son sceau sur cette charte octroyée par son aïeul?

      – Quoi! mon père en Christ, c'est là toute la faveur que vous sollicitez du roi? Rien de plus facile… Le roi honore trop la mémoire de son glorieux aïeul pour ne pas confirmer une charte octroyée par ce grand prince. Clotaire doit être à cette heure dans sa tente… Attendez-moi ici, mon père en Christ, je reviens.

      Pendant la courte absence du seigneur frank, Loysik entendit au dehors le tumulte, les cris de la foule impatiente des guerriers appelant à grands cris Brunehaut. Le duk Roccon reparut bientôt rapportant la charte sur laquelle Clotaire le jeune avait apposé son sceau au-dessous de ces mots fraîchement écrits:

      «Nous voulons et ordonnons à tous leudes, duks, comtes et évêques, que ladite charte, signée de notre glorieux aïeul Clotaire, soit maintenue et respectée en tout ce qu'elle contient pour le présent et pour l'avenir, croyant en ceci honorer la mémoire de notre glorieux aïeul. Que ceux qui me succéderont maintiennent donc cette donation inviolablement, en tant qu'ils voudront participer à la vie éternelle, en tant qu'ils voudront être sauvés du feu éternel. Quiconque retranchera quelque chose de cette donation, que le portier du ciel retranche sa part dans le ciel; quiconque y ajoutera quelque chose, que le portier du ciel y ajoute quelque chose.»

      Le vieillard haussa imperceptiblement les épaules et dit au duk:

      – Qui a écrit ces mots sur cette charte?

      – Le saint évêque de Troyes.

      – Vous n'aviez pas parlé à votre roi des prétentions de l'évêque de Châlons?

      – Je n'ai pas cru cela nécessaire… J'ai dit à Clotaire: Je te prie, moi, ton fidèle, de confirmer cette charte octroyée par ton aïeul en faveur d'un saint homme de Dieu. – «Je n'ai rien à te refuser, a-t-il répondu,» – et il a prié l'évêque d'écrire ce qu'il fallait. Après quoi le roi a apposé son sceau royal au-dessous

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