Les mystères du peuple, Tome V. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome V - Эжен Сю

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à barbe blanche. Deux pauvres femmes esclaves avaient fait transporter Loysik dans leur misérable hutte. Le premier mot qu'il prononça, encore sous l'impression de l'horrible scène dont il avait été témoin, fut le nom de Brunehaut.

      – Bon père, – dit une des femmes, – cette horrible reine a été descendue de son chameau, elle n'était plus qu'un cadavre… On l'a liée par les bras au bout des cordes que l'on avait attachées aux jambes de derrière d'un cheval fougueux, et puis on a lâché l'animal; mais, par malheur, le supplice n'a pas duré longtemps: le cheval, dès sa première ruade, a cassé la tête de Brunehaut; son crâne a éclaté comme une coque de noix, et sa cervelle a jailli partout.

      Soudain le jeune moine laboureur dit à Loysik, en lui montrant sur le seuil de la porte une lueur causée sans doute par la réverbération d'une grande flamme lointaine:

      – Mon bon père, entendez-vous ces cris éloignés? voyez donc cette lueur!

      – Cette lueur, mon enfant, est celle du bûcher, – dit la vieille; – ces cris sont ceux des gens qui dansent joyeusement à l'entour du feu!

      – Quel bûcher? – demanda Loysik en tressaillant; – de quel bûcher parlez-vous?

      – Quand le cheval fougueux a eu d'une bonne ruade brisé la tête de ce vieux monstre de Brunehaut, ceux qui l'avaient suivie pour la voir mourir ont demandé au roi de porter sur un bûcher les restes maudits de cette vieille louve: le roi y a consenti avant son départ, car il est parti depuis tantôt… et… mais, tenez, tenez, bon père… voyez quelle belle flamme il fait, ce bûcher! Il est dressé là-bas sur la place, et la lueur vient jusqu'ici; nous y voyons comme en plein jour… et ces cris… entendez-vous? écoutez…

      Et le vent du soir apporta jusqu'à Loysik ces cris poussés par la foule dans l'ivresse de sa vengeance:

      – Brûlez, brûlez, vieux os de Brunehaut la maudite! brûlez, brûlez, vieux os maudits[E]!..

      Loysik alors s'écria:

      – Oh! rapprochement formidable comme la voix de l'histoire!.. Le bûcher de Brunehaut… le bûcher de Victoria la Grande!..

      Ronan, la vieille petite Odille, le Veneur et l'évêchesse, se promenaient sur le rivage de la rivière de Charolles, en face la logette destinée aux moines du monastère et aux habitants de la vallée, qui, tour à tour, venaient la nuit veiller sur le bac. En outre, depuis la révélation des prétentions de l'évêque de Châlons, dix frères et vingt colons, bien armés, gardaient tour à tour ce passage, et campaient là sous une cabane de planches.

      – Mon vieux Veneur, – disait tristement Ronan, – voici le septième jour depuis le départ de Loysik; il n'est pas encore de retour; je ne peux vaincre mon inquiétude…

      – Le voici là-bas! – s'écria joyeusement Odille; – voyez-vous sa mule blanche? il descend le coteau et se dirige vers la rivière.

      C'était Loysik. Ronan, le Veneur, Odille, l'évêchesse, quelques moines et colons se jettent dans le bac; on passe la rivière, on aborde, et tous de courir au-devant du bon moine. La vieille Odille et la vénérable évêchesse retrouvèrent ce jour-là leurs jambes de quinze ans. À peine donne-t-on à Loysik le temps de descendre de sa mule; c'est un pêle-mêle de bras, de mains, de têtes, autour du vieillard; c'est à qui l'embrassera le premier. Il ne sait à quelles caresses répondre. Enfin cette tempête de tendresse s'apaise; on se calme, la joie n'étouffe plus, l'on peut causer en revenant au monastère, Loysik alors raconte à ses amis ce qu'il sait des tortures et de la mort de la reine Brunehaut; il leur apprend la confirmation de la charte de Clotaire Ier par Clotaire II.

      – Enfin, – ajouta Loysik, – à mon retour de Ryonne, je suis allé trouver l'évêque de Châlons… La confirmation de notre charte par Clotaire II, c'était beaucoup, mais ce n'était pas tout.

      – Frère Loysik, – reprit Ronan, – nous avons eu des nouvelles de l'évêque de Châlons… Voici comment: ensuite du départ des hommes de guerre de Brunehaut, que nous avons relâchés, selon tes ordres, après que tu as eu échappé à la mort que ce monstre te réservait, l'archidiacre n'a-t-il pas eu l'audace de revenir ici à la tête d'une cinquantaine de tonsurés et d'autant de pauvres esclaves de l'évêché… Esclaves et tonsurés, armés tant bien que mal, portaient une croix en guise de drapeau à la tête de leur troupe cléricale, ils venaient bravement nous déclarer la guerre, si nous refusions d'obéir aux ordres de l'évêque, et de laisser mettre nos biens dans son sac épiscopal.

      – Ah! la bonne journée! – reprit en riant le Veneur; – cette troupe cléricale avait amené sur des chariots une barque pour traverser la rivière… J'étais ce jour de veille ici avec une trentaine de nos hommes; nous voyons d'abord mettre à l'eau la barque et y entrer l'archidiacre avec deux clercs pour rameurs. Trois hommes nous inquiétaient peu; nous les laissons aborder. L'archidiacre met pied à terre, casqué, cuirassé, par-dessus sa robe de prêtre, avec une longue épée au côté. «Si vous ne voulez pas vous soumettre aux ordres de l'évêque de Châlons, – nous dit d'un ton triomphant ce capitaine de basilique, – ma troupe va entrer dans cette vallée, afin de la réduire de vive force… Je vous accorde un quart d'heure pour réfléchir.»

      – Il ne m'en faut pas tant, à moi, pour me décider, saint homme armé en guerre, – lui ai-je répondu. – Écoute ceci: Nous t'avons déjà une fois relâché la peau sauve, malgré tes insolences; cette fois-ci tu vas recevoir d'abord une rude discipline, mon capitaine de Dieu…

      – Ah! vieux Vagre, vieux Vagre! – dit Loysik en secouant la tête, – voilà des violences que je n'aime pas… Si j'avais été là, vous n'eussiez point ainsi gâté votre cause…

      – Bon père, – reprit le Veneur en riant, ainsi que Ronan, les vieux damnés! – il n'y a eu rien de gâté que le cuir de l'archidiacre. Aussitôt dit que fait: on prend mon homme, on trousse sa robe de prêtre, et à grands coups de ceinturon on applique une rude discipline à mon capitaine de Dieu, tout casqué, cuirassé qu'il était… après quoi on le met dans le bac; moi et mes gens nous y entrons, et nous trouvons en ligne, sur l'autre bord, l'armée cléricale. Cinq ou six de ces tonsurés s'étaient munis d'arcs; ils nous envoient une volée de flèches assez mal visées; mais le hasard veut qu'elle tue l'un des nôtres et en blesse deux; nous étions trente au plus, nous abordons cette centaine de soldats d'église et de pauvres esclaves, amenés là de force; ils essayent de nous résister, mais nous invoquons notre très-sainte Trinité: épée, lance et hache; aussi les vaillants de l'évêque de Châlons nous montrent bientôt comment est cousu le derrière de leurs chausses… Le glorieux capitaine épiscopal saute sur sa mule et donne le signal de la retraite en fuyant au galop; les tonsurés l'imitent… nous enterrons une demi-douzaine de morts; nous ramassons quelques blessés, qui ont été soignés au monastère, plus tard, remis en liberté; or, depuis nous n'avons pas entendu parler de la vaillante armée épiscopale.

      – Je savais cela, mes amis, et je vous approuve, sauf la discipline de l'archidiacre, que je blâme fort, – dit Loysik; – car j'ai eu grand'peine à calmer la juste colère de l'évêque de Châlons à ce sujet… Vous avez donc agi comme il fallait; oui, défendre son bon droit, repousser la force par la force, c'est justice, et de plus, la résistance poussée jusqu'à l'héroïsme est souvent politique; car, Brunehaut, je vous l'ai dit, a reculé devant l'idée de vous pousser au désespoir… À mon retour du camp de Clotaire, j'ai vu l'évêque; je l'ai trouvé furieux de votre résistance et de l'outrage fait à l'archidiacre. Je lui ai dit ceci: – Je blâme fort l'outrage, mais j'approuve fort la résistance légitime de mes frères de la vallée… Voyez à quoi bon la violence? Vous, homme

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