Deux. Impair. Federico Montuschi

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Deux. Impair - Federico Montuschi

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col de son imperméable pour se protéger des premières rafales de vent qui commençaient à balayer les rues.

      Le Slave prit les clés au vol et sans dire un mot alluma le moteur.

      Les rues étaient presque désertes et, pendant le court trajet les conduisant vers le quartier populaire de la Calle del Tesoro , ils restèrent absorbés par leurs pensées.

      Ils arrivèrent en moins d'un quart d’heure, garèrent l’Alfa près du trottoir devant le logement du prêtre et descendirent de la voiture.

      Castillo lança un rapide coup d'œil panoramique aux environs.

      L’appartement du Père Juan faisait partie d’un immeuble de logements sociaux assez classiques des quartiers populaires : cinq étages de murs rougeâtres presque entièrement barbouillés par des graffeurs improvisés ; de nombreuses vitres brisées ; des paraboles accrochées aux balcons, parfois avec du scotch ; et le volume des télévisions bien au-dessus des règles implicites de bon voisinage.

      Depuis de nombreuses fenêtres, s'agitaient tels des étendards fatigués des vêtements de toute sorte, étendus négligemment à l’air libre.

      Castillo ne put éviter de penser que le Père Juan aimait de toute évidence vivre au contact de ces gens.

      Les cris joyeux des enfants qui jouaient dans la cour intérieure alternaient avec les hurlements presque hargneux des mères qui les cherchaient, en vain, pour qu’ils rentrent et se protègent de la pluie.

      Au sol, sur le trottoir, une tâche de sang séché était restée que les services environnementaux de Burgos n’avaient pas encore nettoyée.

      Ils comptaient probablement sur l’averse de l’après-midi.

      « Un j...joli saut, il n’y a pas à dire », dit Castillo, se tournant vers le Slave, qui était resté sur le trottoir, le regard tourné vers le parapet inférieur du balcon du troisième étage avec le journal local posé en guise de visière sur le front, pour éviter les gouttes dans les yeux.

      Le Slave ne prononça pas un mot.

      Il savait qu’il devait répondre à l’inspecteur uniquement dans le cas d’une demande précise, qui ne tarda pas à arriver.

      « Qu’en p...penses-tu ?

      — Le suicide d’une personne que tout le monde aimait. Pauvre Père Juan. Qui sait ce qui lui est passé par la tête », répondit le jeune homme, en secouant la tête et en se rendant compte immédiatement de la banalité de cette affirmation.

      L’inspecteur leva le sourcil gauche, il croisa les bras sur sa poitrine et se tourna lentement vers lui.

      « Apparemment, oui. Mais r...réfléchissons un instant. Quelle raison pourrait avoir une personne comme le Père Juan pour se jeter du t...troisième étage ? C’était un homme respecté de la communauté, serein, pour ce que je connaissais de lui. D’ailleurs, j...j’ai envie de dire que même l’hypothèse selon laquelle il aurait été tué est difficilement soutenable : quels ennemis pouvait avoir une personne comme lui ? Je v...vais appeler la police pour savoir s’ils ont ouvert une enquête. »

      Le Slave s’étonna presque de la tranquillité avec laquelle Castillo s’était adressé à lui.

      Habituellement, lors de ses rares interventions, l’inspecteur réagissait par l’effet « allumette », s’enflammant rapidement, et s’éteignant tout aussi rapidement.

      Mais les journées passées à la maison avaient dû lui faire du bien, ou peut-être, plus simplement, ne voulait-il pas commencer la semaine avec une discussion stérile.

      Castillo sortit le téléphone de la poche latérale de son imperméable et composa le numéro du central de police de San José.

      À la troisième sonnerie, Herreros répondit. C’était un ancien policier de la brigade mobile qui était resté paralysé à vie, quelques années auparavant, suite à des échanges de coups de feu avec un clan de narcotrafiquants, et qui déambulait à présent dans un fauteuil roulant.

      Il était lui aussi de Burgos et ami proche de Castillo bien avant d’entrer dans la police ; c’était un homme de corpulence robuste et il portait une grosse barbe noire, qui servait disait-on à masquer une profonde cicatrice au couteau, souvenir de l’un des nombreux affrontements avec la pègre de l’Amérique centrale.

      Il n’avait pas de famille et passait la majorité de ses soirées libres dans les brasseries de la capitale à discuter avec les gens qu’il rencontrait.

      Il était depuis toujours connu de tous comme un homme bon, avec des yeux doux, renfrognés mais tendres, toujours pointés vers l’horizon, et la nouvelle de l’accident ayant provoqué sa paralysie avait bouleversé tout le monde.

      Le poste de standardiste au siège de la police de San José lui avait été confié en vertu de son affabilité envers les gens, qui malgré son accident était restée intacte.

      Et ce jour-là ne fit pas exception.

      « Police de San José, bonjour. Comment puis-je vous aider ?

      — Herreros b...bonjour, c’est Castillo. Comment vas-tu ?

      — Salut Castillo ! Quel plaisir de t’entendre, mon vieil ami ! Dis-moi tout.

      — J’aimerais savoir s...si quelqu’un de la brigade mobile est passé Calle del Tesoro ce ma...matin pour le suicide du Pè...Père Juan.

      — Il pleut, à ce que j’entends, hein ? ».

      Herreros savait qu'il pouvait se permettre ce genre de blague avec son ami, étant donné la confiance qui existait entre les deux.

      « J’ai entendu cette histoire du Père Juan, pauvre homme...je ne sais pas si quelqu’un de chez nous est intervenu, laisse-moi vérifier, je te rappelle rapidement.

      — Je te remercie. À plus tard, alors. — À plus tard ».

      Castillo fit deux pas en avant, en sautant par-dessus la flaque de sang sur le trottoir, et poussa avec la pointe des doigts la porte d’entrée de l’immeuble qui s’ouvrit dans un grincement désagréable. D'un signe de tête, il invita le Slave à le suivre.

      Dans le hall de l’immeuble, un néon bancal illuminait sans conviction les escaliers, qui montaient à droite de l’ascenseur.

      Une feuille de papier accrochée au mur avec du scotch indiquait au stylo rouge que l’ascenseur était en panne.

      La loge du concierge, séparée du reste du hall par une fine paroi de verre qui s’élevait à côté d'une minuscule porte de bois, était dans le noir le plus total.

      Le dossier manquant de la seule chaise présente était le signe évident que personne n’accueillait plus les habitants depuis cette petite pièce et ce depuis un bon moment.

      Castillo en perçut l’atmosphère d’abandon, le désordre, la lourde épaisseur de la poussière accumulée à l’intérieur.

      Il dépassa la loge et s’engagea dans les escaliers, suivi par le Slave et accompagné

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