Deux. Impair. Federico Montuschi

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Deux. Impair - Federico Montuschi

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tandis qu’en face des escaliers, après un salon ovale, une autre grande baie vitrée, en tout point identique à celle du rez-de-chaussée, permettait de profiter d'une vue imprenable sur le jardin.

      La douce moquette bleue amortissait ses pas et cela lui donna envie de retirer ses bottes, ce qu’il fit, poursuivant déchaussé son petit tour d’exploration.

      Il traversa la pièce et profita pendant dix bonnes minutes du panorama, enveloppé par l’obscurité, savourant calmement une cigarette tout juste allumée et s’amusant de temps en temps à observer la fumée monter vers le plafond incurvé.

      Le nuage décoloré aperçu quelques minutes auparavant, avait entre-temps terminé son opération de couverture de la lune.

      Ce fut pendant l'un de ces moments d'observation qu’eut lieu, de façon inattendue, la panne d’électricité ; les amplis du DJ étaient dignes d’un concert de U2 et l’installation électrique de l’édifice n’était pas conçue pour assumer une telle charge.

      Le silence inopiné le prit par surprise, mais cela ne l’empêcha pas de percevoir une sorte de râle provenant de l’une des pièces qui donnaient sur le salon.

      Il devait s’agir d’une jeune femme faisant un rêve ; le son semblait guttural mais il ne comprenait pas s’il s’agissait d'un gémissement de plaisir ou de douleur.

      Il décida de rester immobile, tendant l’oreille et ne pouvant s’empêcher de se sentir comme un setter qui cherche fiévreusement à localiser la source des sons perçus.

      Le silence l’enveloppa et, accompagné par la nuit noire, il provoqua en lui une sensation d’inconfort.

      Il récupéra ses bottes, s’approcha de la porte en bois massif d’où provenait le bruit qu’il avait entendu et il baissa délicatement la poignée en laiton, qui n’opposa aucune résistance.

      Il ouvrit la porte et se trouva dans une grande pièce, dans laquelle, sur un grand lit, deux types en caleçons semblaient s’acharner sur une femme bâillonnée, nue, attachée par les mains et les chevilles à la tête et aux pieds du lit, où les vêtements des hommes avaient été entassés.

      L’un des deux était penché sur le nombril de la malheureuse, tandis que l’autre semblait la caresser avec vigueur sur le visage.

      Il eut l’impression qu’il s’agissait, plutôt que des caresses, de tentatives pour lui faire tourner la tête et l’embrasser.

      Elle résistait, bien que semblant totalement à bout de forces, émettant des gémissements confus dans un état de choc évident.

      La pièce était faiblement illuminée par des bougies éparpillées ça-et-là desquelles s’échappait un intense parfum de vanille, qui se mélangeait à l’odeur de marijuana que deux autres hommes étaient en train de fumer, affalés sur de vieux fauteuils recouverts de velours vert.

      Le courant fut rétabli quelques minutes plus tard, inondant la pièce de musique, dans laquelle personne ne semblait s’être rendu compte de son entrée.

      Les deux jeunes à moitié nus continuèrent de harceler la jeune femme, entre gloussements et regards entendus, tandis que les deux autres, les yeux mi-clos, se passèrent le joint en faisant un « check » de leur main libre.

      Il croisa le regard de la jeune femme et il eut l’impression qu’elle était sur le point de pleurer, bien que son expression soit totalement vide au point d’être difficilement intelligible.

      Il ne put s’empêcher d’admirer le corps nu de la femme.

      Sa peau était très blanche, ses jambes musclées.

      Ses longs cheveux lisses caressaient ses épaules et couvraient partiellement son visage, décoiffés par les mains des deux jeunes au-dessus d’elle. Il tira une dernière bouffée de cigarette, jeta le mégot par la fenêtre ouverte et s’assit sur le lit, en lui caressant les jambes.

      Ce fut seulement à cet instant que les deux hommes fumant de la marijuana se rendirent compte de son entrée et, presque étonnés de cette approche inattendue, commencèrent à battre le rythme avec les mains, en criant « du sexe, du sexe ! ».

      Les deux autres, sans se presser, retirèrent leur caleçon, se frottant sur la fille au rythme des battements de mains de leurs amis.

      Retirant ses vêtements, il se joignit à eux, commençant à caresser le corps de la malheureuse, dont les yeux humides commencèrent à libérer de fines larmes salées.

      Dehors, la lune de la nuit costaricienne se perdit définitivement, occultée totalement par les nuages.

      L’orgie dura moins de dix minutes mais, pour lui, c’était suffisant ; l’excitation effrénée, amplifiée par l’effet de la marijuana, le conduisit en très peu de temps à un orgasme sauvage et haletant, qu’il atteignit en mordant les draps froissés du lit à baldaquins et en serrant en extase le bord d’un oreiller.

      Puis, il se releva, arrangea ses cheveux, ramassa ses vêtements au pied du lit, et tira une dernière fois sur le joint avant de sortir de la pièce.

      Assommé, le regard embrumé, le salon du premier étage de la villa sembla tourner sur lui-même ; cependant, il entrevit dans la pénombre, non loin du grand escalier, un garçon qui soutenait la tête d’une amie, dont le corps semblait dénué de toute force sur la moquette.

      Il se tourna immédiatement de l’autre côté, pour éviter les ennuis, espérant ne pas se faire remarquer.

      Mais le jeune homme, qui semblait nerveux, lui demanda de l’aide, et leurs regards se croisèrent pendant un bref instant, imperceptible mais concret, juste avant qu’il descende l’escalier, sans daigner répondre, se dirigeant d’un pas assuré vers la sortie de la propriété et passant de temps en temps les doigts dans ses cheveux encore trempés de sueur.

      Il se rendit compte qu'il avait oublié sa casquette de baseball dans la chambre ; elle aurait été bien pratique pour couvrir son visage, mais il décida de ne pas la récupérer pour éviter de rencontrer à nouveau ce type et sa belle endormie, qui s’était probablement évanouie.

      Il traversa le parc en vitesse, le regard baissé, faisant tout son possible pour éviter de croiser les regards des gens, arrivant au parking avec le cœur battant plus vite que d’habitude, encore chargé de la montée d'adrénaline provoquée par sa toute dernière expérience.

      De nombreux taxis attendaient les rescapés de la fête ; il monta dans le premier disponible et, une fois à l’intérieur, il renifla ses mains encore imprégnées de l’odeur du sexe de la jeune femme mélangée à celle de la marijuana, et finalement il se détendit, s’efforçant d’inscrire dans sa mémoire cette orgie mémorable. « Calle del Tesoro , merci », dit-il d’une voix rauque au chauffeur, restant ainsi les yeux fermés et les doigts près des narines, pendant quelques minutes, assis sur le siège arrière et bercé par les échos de la musique de la fête, désormais lointain fond sonore d’une soirée unique, se laissant porter vers son destin.

      Il avait un rendez-vous qui, sous peu, allait changer le cours de sa vie, mais il ne le savait pas encore.

      ***

      Depuis la coupure d’électricité, la confusion avait gagné le rez-de-chaussée.

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