Le Roi des Étudiants. Vinceslas-Eugène Dick

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le Roi des Étudiants - Vinceslas-Eugène Dick страница 5

Серия:
Издательство:
Le Roi des Étudiants - Vinceslas-Eugène Dick

Скачать книгу

demi-heure, je ne puis offrir que tant!

      —Nos petits-fils verront cela, Champfort: je t'en donne ma parole d'honneur.

      A cette boutade de Després, Cardon, Lafleur et le Caboulot partirent d'un indécent éclat de rire. Champfort lui-même, malgré toute la gravité la situation, n'y put retenir et fit bravement chorus avec ses amis....

      Mais le roi des étudiants ne fut pas désemparé.

      —C'est bien, messieurs, dit-il; riez, puisque mes pronostics vous semblent drôles. Vous êtes jeunes, et, conséquemment, vous avez le droit d'envisager l'avenir sous ses plus riants horizons. Pour moi, je suis vieux déjà, avec les vingt-cinq lourdes années qui sont accumulées sur ma tête et les épreuves par lesquelles j'ai dû passer. C'est pourquoi, cet avenir que vous entrevoyez si beau ne pouvant plus m'offrir rien qui m'attache, rien qui m'illusionne, je le regarde froidement, je le suppute, je le pèse, ni plus ni moins que s'il s'agissait d'un bout de saucisse ou d'un morceau jambon!

      Et, en prononçant ces mots—qui pourtant auraient dû redoubler la bruyante hilarité de ses confères—Després avait dans la voix des accents si sombrement dédaigneux; sa physionomie reflétait tant d'amertumes longtemps comprimées, mais encore chaudes et palpitantes, que personne n'ouvrit la bouche et que chacun se crut en présence d'une de ces victimes stoïques et calmes, dont l'âme est morte à toutes les joies de la vie.

       Table des matières

       Table des matières

      Il fallait, en effet, qu'une bien terrible tempête eût passé sur le coeur de ce fier jeune homme pour en refroidir ainsi les puissantes aspirations et en arrêter l'indomptable essor.

      Y avait-il réellement un drame dans la vie de Després, ou devait-on mettre sur le compte de l'organisation fortement nerveuse du roi des étudiants cette misanthropie dédaigneuse et ces boutades douloureusement excentriques dont il ne pouvait se défendre, à de certaines heures?

      On se perdait là-dessus en conjectures.

      Il y avait bien, dans l'histoire de Després, une lacune que personne ne pouvait combler. Mais, comme la moindre allusion adressée jusqu'alors au jeune homme sur ce sujet avait paru l'affecter péniblement, on s'était fait un devoir de ne jamais plua le questionner sur ce passé mystérieux.

      Pourtant, ce soir-là, Champfort ne put s'empêcher de lui dire:

      —En vérité, mon cher Després, on dirait, à t'entendre, que des malheurs inouïs ont plané sur ta jeunesse.

      —Peut-être! murmura Després... Mais, reprit-il avec vivacité, il ne s'agit pas de moi pour le quart d'heure.

      —Cependant...

      —Il s'agit d'empêcher que tu sois la victime d'une coquette, ou qu'une délicatesse outrée fasse laisser le champ libre à un indigne rival.

      —Qui te parle de rival?... En ai-je un, seulement?

      —Tu en as plusieurs, mais tu n'en redoutes qu'un.

      —Comment sais-tu cela?

      —Je sais tout ce qui concerne cet homme, répondit Després d'une voix sombre.

      —Ah! fit Champfort intrigué, et tu le hais?

      —Je le hais?

      Ces trois mots furent dits d'un ton si glacial et si profond, que les étudiants se regardèrent tout étonnés.

      Champfort réfléchissait. Un coin du rideau qui couvrait la jeunesse de Després venait d'être soulevé par le Roi des Étudiants lui-même, et une étrange idée se développait dans la tête de Champfort: c'est que son rival avait dû être pour beaucoup dans les malheurs de Després.

      —Et, reprit-il, tu connais assez l'individu pour affirmer qu'il est indigne de ma cousine?

      —Cet homme est un misérable, et Mlle Privat ne devrait pas même se laisser souiller par son regard de serpent.

      —Très bien. Mais qui sera assez généreux pour désillusionner la pauvre enfant? qui sera assez persuasif pour ouvrir les yeux de sa mère et lui faire repousser un prétendant qu'elle regarde déjà comme son gendre?

      —Ce sera moi, Champfort, moi qui, depuis des années, suis pas à pas les mouvements tortueux de ce traître; moi qui connais tous ses agissements honteux; moi, enfin, qui me venge du lâche séducteur de la seule femme que j'aie aimée!

      —Enfin! s'écria Champfort, le voilà le secret de ta vie, n'est-il pas vrai?

      —Oui, Paul, c'est vrai. Celui qui a détruit à jamais mes illusions de jeune homme et mes espérances de bonheur, est le même misérable qui cherche aujourd'hui à te ravir la jeune fille que tu aimes.

      —Quelle coïncidence! Une sorte de fatalité place donc cet homme sur notre chemin?

      —Oui, c'est une fatalité... mais une fatalité que j'appelle providence, moi. Cette providence qui m'a rendu témoin de toutes les trahisons de ce larron d'honneur, qui m'a constamment entraîné sur ses pas, le jette encore aujourd'hui en travers de ma route... Malheur à lui! La mesure est pleine; le dossier est complet; je vais frapper un grand coup et arrêter dans son vol ce vautour pillard.

      —Que comptes-tu faire?

      —Oh! fort peu de chose d'ici à la signature du contrat.

      —Hélas! pauvre ami, c'est dans huit jours.

      —Je le sais. Mais quand ce devrait être demain, j'aurais encore le temps nécessaire à mes petits préparatifs.

      —Dieu veuille, mon cher Després, que tu réussisses à empêcher un mariage aussi malheureux! Mais...

      —Mais quoi?

      —En serais-je plus avancé, et Laure m'en aimera-t-elle davantage?

      —Qui te prouve qu'elle ne t'aime pas déjà assez?

      —Tout le prouve: sa manière d'agir avec moi, sa froideur hautaine, ses airs protecteurs, et jusqu'à cette réserve cérémonieuse qui a remplacé la douce intimité et les naïfs épanchements d'autrefois.

      —Hum! il faut quelquefois prendre les femmes à rebours, et leurs grands airs dédaigneux masquent souvent un dépit qu'elles dissimulent avec peine.

      —Je ne crois pas que ce soit le cas pour Laure; son coeur est trop haut placé pour recourir à ces petits moyens.

      —Qu'en sais-tu? Personne ne comprend les femmes, et les amoureux moins que tous les autres. Ecoute-moi, Champfort: la femme est un être pétri de contradictions, qu'il ne faut croire qu'à la dernière extrémité.

Скачать книгу