Le Roi des Étudiants. Vinceslas-Eugène Dick

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Le Roi des Étudiants - Vinceslas-Eugène Dick

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ne crois pas. Il est possible, après tout, que Mlle Privat soit une exception à la règle générale. C'est ce que nous verrons. Quoi qu'il en soit, pour me former une opinion solide sur ton cas, fais-moi l'historique de tes relations avec ta cousine.

      —A quoi bon?

      —Il le faut.

      —Allons, je me résigne et ne vous cacherai rien.

      Les chaises se rapprochèrent, et Champfort commença:

      —J'ai connu ma cousine, il y a environ six ans. J'avais alors seize ans et elle entrait dans sa quatorzième année. Mon père était mort depuis longtemps, et ma mère venait à son tour de payer son tribut à la nature. Resté orphelin et sans ressources, j'envisageais l'avenir avec frayeur, lorsqu'un jour, un étranger entra dans mon petit logement et m'annonça qu'il venait de la part de ma tante Privat, la soeur de ma mère, et qu'il avait instruction de m'emmener à la Nouvelle-Orléans. Il me donna une lettre de ma bonne tante et l'argent nécessaire pour régler toutes mes petites affaires.

      «Rien ne me retenait plus à Québec. Aussi, mes préparatifs ne furent-ils pas longs, et quinze jours plus tard, j'étais à la Nouvelle-Orléans, ou plutôt, à quelques milles de là, dans une charmante habitation que possédait mon oncle sur sa plantation, près du lac Pontchartrain.

      «Je passai là les deux belles années de ma jeunesse, vivant comme un frère avec les deux charmants enfants de mon oncle: Edmond et Laure.

      Edmond avait à peu près mon âge, et Laure, deux années de moins.

      «Que de gaies promenades nous avons faites ensemble dans les champs de canne à sucre ou sur les bords du lac! que de douces causeries nous avons échangées sous la large véranda de l'habitation!

      «La guerre civile, qui se déchaînait alors avec fureur dans plusieurs États de l'Union, ne se traduisait encore en Louisiane que par des mouvements de troupes et une agitation formidable. Mais, tout en enflammant nos jeunes coeurs d'un noble amour pour la cause du Sud, elle ne troublait pas autrement notre paisible existence.

      «Sur ces entrefaites, mon oncle, qui était colonel, partit avec son régiment pour rejoindre l'armée. Ce fut notre premier chagrin. Mais, comme il nous déclara qu'il pourrait venir de temps en temps à l'habitation, nous nous consolâmes assez vite de ce contretemps.

      «Ainsi qu'il l'avait dit, mon oncle revint un mois après son départ. Il était accompagné d'un jeune homme du nom de Lapierre...

      —Hein! Lapierre? interrompit le Caboulot.

      —Oui, Lapierre. Ce nom est-il connu?

      —Peut-être... Mais il y a tant de personnes qui s'appellent ainsi. Continue.

      —Je disais donc que le colonel était accompagné d'un jeune homme du nom de Lapierre, qui se disait de Québec et dont ma tante avait, en effet, connu la famille, lorsqu'elle-même y demeurait. Mon oncle s'était pris d'une véritable amitié pour ce Lapierre, et il en avait fait son compagnon inséparable.

      Comment cet étranger était-il parvenu à s'insinuer ainsi dans les bonnes grâces du colonel? quels services lui avait-il rendus?... je l'ignore encore.

      —Moi, je le sais! interrompit Després. Lapierre courait alors d'une armée à l'autre pour spéculer sur les navires. Un jour, il guida le régiment du colonel Privat dans une marche nocturne qui amena la capture d'un convoi ennemi.

      Telle est l'origine de sa faveur auprès de la famille Privat.

      —D'où tiens-tu ce renseignement? demanda Champfort, surpris.

      —De moi-même, mon cher. J'étais à cette époque dans le Kentucky, où, je servais comme volontaire dans l'armée qui faisait face au général Beauregard, dont faisait partie le régiment du colonel Privat.

      —Ah! fit Champfort, voilà qui explique bien des choses!

      —Continue, mon cher Paul, tu en apprendras encore.

      L'étudiant reprit:

      «Mon oncle et Lapierre passèrent une dizaine de jours à l'habitation, pendant lesquels ma tante et ma cousine se multiplièrent pour héberger dignement leur hôte. Laure, selon le désir de son père, s'était constituée le cicérone du jeune étranger et ne le quittait guère. Ils faisaient ensemble, en compagnie du colonel et de ma tante, de longues promenades à travers la plantation ou sur les bords du lac; et, de retour à l'habitation, c'était au piano ou sous la véranda que se continuait le tête-à-tête.

      «Pendant tout le temps que dura le séjour de mon oncle, je pus à peine trouver l'occasion de parler à ma cousine. Elle semblait n'avoir d'yeux et d'oreilles que pour Lapierre, et paraissait même se croire obligée de ne plus causer qu'avec lui.

      Ce changement de conduite ne fit d'abord que m'étonner; mais bientôt, à cet étonnement bien naturel se joignit une sensation étrange, une sorte de souffrance, quelque chose comme une douleur sourde, mal définie, qu'il m'était impossible de surmonter.

      «La vue de ma cousine, constamment au bras de ce beau jeune homme qui lui souriait et lui parlait avec chaleur, me causait une impression tellement pénible, que je fuyais sa société et me tenais presque toujours à l'écart. J'errais seul de longues heures dans la campagne, et ce n'était, qu'avec un inexprimable serrement de coeur que je rentrais à l'habitation.

      «Hélas! je venais enfin de connaître le mal mystérieux qui me torturait: j'aimais ma cousine!

      «Cette découverte m'effraya et ne fit qu'augmenter ma sauvagerie. Je me considérai comme indigne des bontés de mon oncle et de ma tante, du moment que mon coeur me révéla son audace, et, je pris la résolution d'étouffer dans mon sein le coupable sentiment qui y germait.

      «Aussi, lorsque le colonel repartit pour l'armée, emmenant avec lui le jeune Lapierre, j'avais fait mon sacrifice et ce fut sans récriminations, sinon sans amertume, que je repris avec ma cousine le genre de vie accoutumé.

      «Mais, depuis cette visite malencontreuse, il se mêla toujours à nos relations une certaine gêne et, une teinte de froideur, que ni elle ni moi nous ne pouvions contrôler et qui ne fit qu'augmenter dans la suite.

      «Telle était la situation, lorsqu'un événement aussi douloureux qu'inattendu vint nous plonger tous dans la désolation. Lapierre arriva un soir à l'habitation porteur de la triste nouvelle que le colonel était mort, quelques jours auparavant, d'une blessure reçue dans un combat d'avant-postes. Le jeune homme, qui paraissait accablé de chagrin, remit à ma tante une lettre de son mari mourant, dans laquelle le blessé faisait les plus grands éloges de la conduite de son ami Lapierre, qui l'avait recueilli sur le champ de bataille et soigné comme un fils.

      —L'infâme! le traître! s'écria Després. Veux-tu savoir, Champfort, ce qu'avait fait Lapierre avant de ramasser sur le champ de bataille le colonel Privat mourant?

      —Qu'avait-il fait?

      —Il avait, pour une forte somme d'argent, livré au général ennemi le secret des mouvements de Beauregard et fait tomber le colonel Privat dans une embuscade où son régiment fut écharpé et lui-même blessé mortellement.

      —Le misérable! mais cette lettre de mon

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