Les vacances / Каникулы. Книга для чтения на французском языке. София де Сегюр

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Les vacances / Каникулы. Книга для чтения на французском языке - София де Сегюр Littérature classique (Каро)

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qui se passait en son cœur de reconnaissance et d’affection pour Jean, de regret d’avoir blessé Léon. Il se rapprocha petit à petit, et au dernier mot de Jean il fit un bond vers Léon et lui dit:

      «Pardonne-moi, Léon, de t’avoir fâché; j’ai eu tort, je le sens; et j’ai entraîné Marguerite à mal faire, comme moi; elle en est bien fâchée, comme moi aussi: n’est-ce pas, Marguerite?

MARGUERITE

      Certainement, Jacques, j’en suis bien fâchée; et Léon voudra bien nous excuser en pensant que, toi et moi étant les plus petits, nous nous sentons les plus faibles, et qu’à défaut de nos bras nous cherchons à nous venger par notre langue des taquineries des plus forts.»

      Léon ne dit rien, mais il donna la main à Marguerite, puis à Jacques.

      Les papas et les mamans, qui étaient assis et causaient plus loin, se levèrent pour continuer la promenade. Les enfants les suivirent; Jacques s’approcha de Jean et lui dit avec tendresse:

      «Jean, je t’aime, et je t’aimerai toujours.

MARGUERITE

      Et moi aussi, Jean, je t’aime, et je te remercie d’avoir défendu mon cher Jacques contre Léon.»

      Et elle ajouta tout bas à l’oreille de Jean: «Je n’aime pas Léon».

      Jean sourit, l’embrassa et lui répondit tout bas:

      «Tu as tort; il est bon, je t’assure.

MARGUERITE

      Il fait toujours comme s’il était méchant.

JEAN

      C’est qu’il est vif, il ne faut pas le fâcher.

MARGUERITE

      Il se fâche toujours.

JEAN

      Avoue que, Jacques et toi, vous vous amusez à le taquiner.»

      Jacques et Marguerute se regardèrent, sourirent, et avouèrent que Léon les agaçait avec son air moqueur, et qu’ils aimaient à le contrarier[49].

      «Eh bien, dit Jean, essayez de ne pas le contrarier, et vous verrez qu’il ne se fâchera pas et qu’il ne sera pas méchant.»

      Tout en causant, on approcha du moulin; les enfants virent avec surprise une foule de monde assemblée tout autour; une grande agitation régnait dans cette foule; on allait et venait, on se formait en groupes, on courait d’un côté, on revenait avec précipitation de l’autre. Il était clair que quelque chose d’extraordinaire se passait au moulin.

      « Serait-il arrivé un malheur, et d’où peut venir cette agitation? dit Mme de Rosbourg.

      – Approchons, nous saurons bientôt ce qui en est», répondit Mme de Fleurville.

      Les enfants regardaient d’un œil curieux et inquiet. En approchant on entendit des cris, mais ce n’étaient pas des cris de douleur, c’étaient des explosions de colère, des imprécations, des reproches. Bientôt on put distinguer des uniformes de gendarmes; une femme, un homme et une petite fille se débattaient contre deux de ces braves militaires qui cherchaient à les maintenir. La petite fille et sa mère poussaient des cris aigus et lamentables; le père jurait, injuriait tout le monde. Les gendarmes, tout en y mettant la plus grande patience, ne les laissaient pas échapper. Bientôt les enfants purent reconnaître le père Léonard, sa femme et Jeannette.

      «Voyons, ma bonne femme, laissez-vous faire, ne nous obligez pas à vous garrotter[50]! disait un gendarme. N’y a pas à dire, nous avons ordre de vous amener: il faudra bien que vous veniez. Le devoir avant tout.

MÈRE LÉONARD

      Plus souvent que je viendrai, gueux de gendarmes[51], tueurs du pauvre monde! Pas si bête que de marcher vers la prison, où vous me laisseriez pourrir jusqu’au jugement dernier.

LE GENDARME

      Allons, mère Léonard, soyez raisonnable; donnez le bon exemple à votre fille.

MÈRE LÉONARD

      Je m’en moque bien[52], de ma fille. C’est elle, la sotte, l’imbécile, qui nous a fait prendre. Faites-en ce que vous voudrez, je n’en ai aucun souci.

      – Vas-tu me laisser, grand fainéant[53]? criait le père Léonard à un autre gendarme qui le tenait au collet. Attends que je t’aplatisse d’un croc-en-jambe, filou, bête brute!»

      Les gendarmes ne répondaient pas à ces invectives[54] et à bien d’autres injures que nous passons sous silence. Voyant que leurs efforts pour faire marcher les prisonniers étaient vains, ils firent signe à un troisième gendarme. Celui-ci tira de sa poche un paquet de petites courroies[55]. Malgré les cris perçants de Jeannette et de sa mère et les imprécations du père, les gendarmes leur lièrent les mains, les pieds, et les assirent ainsi garrottés sur un banc, pendant que l’un d’eux allait chercher une charrette pour les transporter à la prison de la ville.

      Mme de Fleurville et ses compagnes étaient restées un peu à l’écart avec les enfants. MM. de Rugès et de Traypi s’étaient approchés des gendarmes pour savoir la cause de cette arrestation. Léon et Jean les avaient suivis.

      «Pourquoi arrêtez-vous la famille Léonard, gendarmes? demanda M. de Rugès. Qu’ont-ils fait?

      – C’est pour vol, monsieur, répondit poliment le gendarme en touchant son chapeau; il y a longtemps qu’on porte plainte contre eux, mais ils sont habiles; nous ne pouvions pas les prendre. Enfin, l’autre jour, au marché, la petite s’est trahie et nous a mis sur la voie.

M. DE RUGÈS

      Comment cela?

LE GENDARME

      Il paraîtrait qu’ils ont volé une pièce de toile[56] qui était à blanchir sur l’herbe. Ils l’ont cachée dans leur huche à pain, sous de la farine: mais, dans la nuit, la petite s’est dit: «Puisque mon père et ma mère ont volé la toile de la femme Martin, je puis bien aussi leur en voler un morceau; ça fait que j’aurai de quoi acheter des gâteaux et des sucres d’orge.» La voilà qui se lève et qui en coupe un bon bout. C’était la veille du marché. Le lendemain, la petite se dit: «Ce n’est pas tout d’avoir la toile, il faut encore que je la vende.» Et la voilà qui, sans rien dire à père et mère, part pour le marché et offre sa toile à la fille Chartier. «Combien en as-tu? lui dit la fille Chartier. «– J’en ai bien six mètres, de quoi faire deux chemises, répond la petite Léonard. – Combien que tu veux la vendre? – Ah! pas cher, je vous la donnerai bien pour une pièce de cinq francs. – Tope là[57], et je te la prends; tiens, voilà la pièce et donne-moi la toile.» Les voici bien contentes toutes les deux, la petite Léonard d’avoir cinq francs, la fille Chartier d’avoir de quoi faire deux chemises et pas cher. Mais, quand elle la rapporte chez elle, qu’elle la montre à sa mère et qu’elle la déploie pour mesurer si le compte y est, ne voilà-t-il pas que la farine s’envole de tous côtés; la chambre en était blanche; la mère et la fille Chartier étaient tout comme des meunières. «Qu’est-ce que c’est que ça? disent-elles. Cette toile a donc été blanchie à la farine? Faut la secouer. Viens, Lucette, secouons-la dans la rue; ce sera bien vite fait.» Les voilà qui secouent devant leur porte, quand passe la mère Martin. «Où allez-vous

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<p>49</p>

ils aimaient à le contrarier (= ils voulaient le contrarier) – им хотелось ему противоречить

<p>50</p>

garrotter – связывать

<p>51</p>

gueux de gendarmes – негодяи

<p>52</p>

je m’en moque bien – мне наплевать

<p>53</p>

grand fainéant – бездельник

<p>54</p>

ces invectives – эта брань

<p>55</p>

courroie f – ремень

<p>56</p>

une pièce de toile – отрез ткани

<p>57</p>

tope là – по рукам