Les vacances / Каникулы. Книга для чтения на французском языке. София де Сегюр

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Les vacances / Каникулы. Книга для чтения на французском языке - София де Сегюр Littérature classique (Каро)

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vous lui faites donc à votre toile? – Je la secoue; elle était si pleine de farine que nous en étions aveuglées, Lucette et moi. – Tiens, tiens! de la toile enfarinée? Mais où donc l’avez-vous eue? – C’est la petite Léonard qui me l’a vendue comme ça. – La petite Léonard? Où a-t-elle pu avoir de la toile aussi fine?… Mais!… laissez-moi donc voir le bout; cela ressemble terriblement à la mienne.» La mère Martin prend la toile, l’examine, arrive au bout et reconnaît une marque qu’elle avait faite à sa pièce. Les voilà toutes trois bien étonnées: la mère Martin bien contente d’être sur la piste de sa toile; la mère Chartier bien attrapée d’avoir donné sa pièce de cinq francs pour un bout de toile qui était volée; elles arrivent toutes trois chez moi et me racontent ce qui vient d’arriver. «Toute votre toile y est-elle? je dis à la femme Martin. – Pour ça non! répond-elle. Il y en avait près de cinquante mètres. – Alors il faut tâcher de ravoir les quarante-quatre mètres qui vous manquent, mère Martin. Laissez-moi faire; je crois bien que je vous les retrouverai. Nous allons bien surveiller le marché; si la femme ou le père Léonard y apporte votre toile, je les arrête; s’ils n’y viennent pas ou qu’ils y viennent avec rien que leurs sacs de farine, j’irai demain avec mes camarades faire une reconnaissance au moulin. Puisque c’est la petite Léonard qui vous en a vendu un bout, c’est que l’autre bout est au moulin. – Mais si elle la vend à quelque voisin? dit la mère Martin. – N’ayez pas peur, ma bonne femme, elle n’osera pas; tout le monde chez vous sait que votre toile est volée. – Je crois bien qu’on le sait, dit la mère Martin, je l’ai dit à tout le village, et j’ai envoyé mon garçon et ma petite le dire partout dans les environs, de crainte qu’elle ne soit vendue par là. – Vous voyez bien qu’il n’y a pas de danger», que je lui réponds. Et je me mets en quête[58] avec les camarades. Rien au marché, rien dans la ville. Alors nous sommes venus ce matin faire notre visite au moulin, avec un ordre d’arrêter, s’il y a lieu. Nous avons cherché partout; nous ne trouvions rien. Les Léonard nous agonissaient d’injures. Enfin, je me rappelle la farine que secouaient les femmes Chartier, et l’idée me vient d’ouvrir la huche; elle était pleine de farine; je fouille dedans avec le fourreau de mon sabre. Les Léonard crient que je leur gâte leur farine; je fouille tout de même, et voilà-t-il pas que j’accroche un bout de la toile; je tire, il en venait toujours. C’était toute la pièce de la mère Martin. Les Léonard veulent s’échapper; mais les camarades gardaient les portes et les fenêtres. On les prend; ils se débattent. J’arrête aussi la petite, qui crie qu’elle est innocente. Je raconte l’histoire de la toile enfarinée. La petite Léonard se trouble, pleure; la mère s’élance sur elle et la frappe à la joue; le père en fait autant sur le dos. Si les camarades et moi nous ne l’avions retirée d’entre leurs mains, ils l’auraient mise en pièces[59]. Tout cela a duré un bout de temps, monsieur; le monde s’est rassemblé; il y en a plus que je ne voudrais, car c’est toujours pénible de voir une jeune fille comme ça déshonorée, et des parents qui ont mené leur fille à mal.

      – Vous êtes un brave et digne soldat, dit M. de Rugès en lui tendant la main; le sentiment d’humanité que vous manifestez à l’égard de ces gens qui vous ont accablé d’injures est noble et généreux.»

      Le gendarme prit la main de M. de Rugès et la serra avec émotion.

      «Notre devoir est souvent pénible à accomplir, et peu de gens le comprennent; c’est un bonheur pour nous de rencontrer des hommes justes comme vous, monsieur.»

      Léon et Jean avaient écouté avec attention le récit du gendarme. Les dames et les enfants s’étaient aussi rapprochés et avaient pu l’entendre également, de sorte que Léon et Jean n’eurent rien à leur apprendre. Les Léonard avaient recommencé leurs injures et leurs cris; ces dames pensèrent que, n’ayant rien à faire pour les Léonard, il était plus sage de s’éloigner, de crainte que les enfants ne fussent trop impressionnés de ce qu’ils entendaient. On avait été obligé d’éloigner Jeannette de ses parents, qui, tout garrottés qu’ils étaient, voulaient encore la maltraiter. Mmes de Fleurville et de Rosbourg, et le reste de la compagnie, se dirigèrent vers une partie de la forêt assez élognée du moulin pour qu’on ne pût rien voir ni entendre de ce qui s’y passait. Les enfants étaient restés tristes et silencieux, sous l’impression pénible de la scène du moulin. M. de Rugès demanda à faire une halte[60] et à étaler sur l’herbe[61] les provisions que portait l’âne qui les suivait; ce moyen de distraction réussit très bien. Les enfants ne se firent pas prier[62]; ils firent honneur au repas rustique; crème, lait caillé, beurre, galette, fraises des bois, tout fut mangé. Ils causèrent beaucoup de Jeannette et de ses parents.

LÉON

      Comment Jeannette a-t-elle pu devenir assez mauvaise pour voler et vendre cette toile avec tant d’effronterie?

MADAME DE FLEURVILLE

      Parce que son père et sa mère lui donnaient l’exemple du vol et du mensonge. Bien des fois ils m’ont volé du bois, du foin[63], du blé, et ils se faisaient toujours aider par Jeannette[64]. Tout naturellement, elle a voulu profiter de ces vols pour elle-même.

CAMILLE

      Mais comment osait-elle aller à l’église et au catéchisme? Comment ne craignait-elle pas que le bon Dieu la punît de sa méchanceté!

MADAME DE FLEURVILLE

      Elle se tenait très mal à l’église; elle bâillait, elle détirait ses bras[65], elle se roulait sur son banc: ce qui prouve bien qu’elle n’y allait pas pour prier, mais pour faire comme tout le monde.

MADELEINE

      Mais au catéchisme elle devait apprendre que c’est très mal de voler.

MADAME DE FLEURVILLE

      Elle l’apprenait, mais elle n’y faisait pas attention.

JEAN

      Eh, mon Dieu! c’est comme nous: si nous faisions tout ce que dit notre catéchisme, nous ne ferions jamais rien de mal.

LÉON

      Dis-donc, Jean, parle pour toi; ne dis pas nous: moi, d’abord, je fais tout ce que me dit le catéchisme.

JACQUES

      Ah! par exemple, non.

LÉON

      Est-ce que tu y comprends quelque chose, toi, gamin! Tu parles toujours sans savoir ce que tu dis.

JACQUES

      Est-ce ton catéchisme qui t’ordonne de répondre comme tu le fais? Est-ce bien lui qui te conseille de me battre quand tu es en colère, de dire des gros mots[66] et bien d’autres choses encore?

LÉON

      Imbécile, va! si je ne méprisais ta petitesse, je te ferais changer de ton.

JACQUES

      Tu méprises ma petitesse et tu crains papa et mon oncle, sans quoi....

M. DE TRAYPI , sévèrement

      Jacques, tais-toi; tu provoques toujours Léon, qui n’est pas endurant, tu le sais.

JACQUES

      Oh oui! je le sais, papa, et j’ai tort; mais,… mais,… c’était si tentant....

M. DE TRAYPI

      Comment? tentant de dire des choses désagréables à ton grand cousin?

JACQUES

      Papa, c’est précisément parce qu’il est grand; et comme vous étiez là pour me protéger....

M. DE TRAYPI

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<p>58</p>

je me mets en quête – я бросаюсь на поиски

<p>59</p>

ils l’auraient mise en pièces – они бы ее разорвали на кусочки

<p>60</p>

faire une halte – сделать привал

<p>61</p>

étaler sur l’herbe – разложить на траве

<p>62</p>

les enfants ne se firent pas prier – детей не надо было уговаривать

<p>63</p>

du foin – сено

<p>64</p>

ils se faisaient toujours aider par Jeannette – им всегда помогала Жаннет

<p>65</p>

détirait ses bras – потягивалась

<p>66</p>

dire des gros mots – говорить грубости, непристойности