La Sacrifiée Récalcitrante. Ines Johnson

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La Sacrifiée Récalcitrante - Ines Johnson

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suffisamment remarquable pour que le dragon s’y intéresse, mais pas assez pour que la bête leur rende leur frère.

      Ilia décroisa les bras et se pencha vers l’avant. Sa manette était oubliée sur le sol tandis que Béryl atteignait un niveau qu’aucun d’eux n’avait atteint auparavant.

      — Attention à la plante carnivore.

      — Je la vois.

      Béryl appuya sur la manette, survolant la plante carnivore. Il atterrit sur un tuyau vert, la seule chose réaliste ayant un lien avec la plomberie dans ce monde fantaisiste, et descendit dans un nouveau monde. Tous les frères laissèrent échapper un hoquet de surprise.

      — On n’est jamais allé aussi loin sans elle, avant, dit Ilia.

      — Regardez, dit Elek. Il est là ; Bowser.

      — Bowser, articulèrent-ils tous silencieusement.

      Sur l’écran se trouvait une caricature de dragon. Il était grand, avec des bras et des jambes épais et une tête surdimensionnée. Bowser, le dragon de jeu vidéo, avait le ventre nervuré d’un dragon. Mais sur son dos, il avait une carapace de tortue avec des piques. Encore une ânerie du Royaume Champignon.

      Corin aurait ri si la tentative d’arriver au boss du jeu n’était pas une occasion à ce point historique. Et il y avait aussi l’opportunité de voir le trésor du dragon pour la première fois.

      — La voilà, dit Ilia. Princesse Peach.

      Derrière cette caricature de dragon se trouvait une minuscule jeune femme aux cheveux blonds, habillée en rose. Elle se tenait là, impuissante, attendant soit d’être enlevée, soit d’être secourue, Corin n’était pas très sûr. Elle était la récompense, la sacrifiée pour laquelle plombiers et dragons déterraient de l’or et se battraient jusqu’à la mort.

      — J’y vais, déclara Béryl.

      — Tu ne crois pas que tu devrais établir un plan, d’abord ? dit Corin.

      — Mon plan, c’est de botter le cul de ce faux dragon.

      Béryl enfonça furieusement quelques boutons.

      À peine le personnage de Béryl avait-il levé son poing pixélisé pour se battre que le dragon à l’écran l’arrosa de feu. La musique criarde entama les notes de la marche funèbre. Il n’y aurait pas de réanimation de Mario, le plombier. Béryl n’avait plus de vies. Le jeu était terminé.

      Le silence remplit la pièce. Il avait fallu toute la journée à Béryl pour en arriver à ce stade du jeu. Et c’était fini en seulement quelques petites secondes.

      Le tableau des scores apparut. Il n’y avait aucun changement dans le classement. Ilia détenait toujours la troisième place sous le pseudo d’Illest MC. Béryl était deuxième en tant que l’Incroyable Bulk. Et en haut du classement, à la place d’honneur, il y avait le pseudo Péché Cardinal.

      Béryl jeta le joystick à terre et s’élança vers la fenêtre, furieux. Rhyol s’inclina vers l’arrière pour laisser passer son frère. Béryl s’élança en courant et sauta, ses ailes se déployant au moment où ses pieds passaient par-dessus le rebord de la fenêtre. Un dragon aux écailles vertes masqua la lune argentée en s’élançant vers le ciel.

      — Mauvais perdant, cria Ilia après lui tout en ramassant la manette en son absence.

      Rhyol s’envola pour rejoindre Béryl pendant qu’il prenait une petite pause. Elek était déjà reparti dans l’ombre.

      Corin reprit son cube. Mais son esprit ne parvenait pas à se concentrer. Les frères se réunissaient souvent dans la salle de jeux pour se détendre. L’issue du jeu de ce soir était un peu trop proche de leur situation réelle.

      Les obstacles qui se dressaient devant eux étaient énormes. Ils n’auraient pas de seconde chance dans cette vie. Les princesses dont ils avaient besoin pour gagner le jeu étaient hors de leur portée. Les dragons qui vivaient en eux les consumeraient s’ils ne trouvaient pas un moyen de gagner.

      Même si Corin avait envie d’une sacrifiée, il n’avait aucun moyen d’en obtenir une. Les Valkyries avaient défendu aux humains mâles d’offrir leurs vierges longtemps auparavant. Cardi avait été la dernière à être sacrifiée. Ce n’était pas les hommes qui l’avaient offerte en sacrifice en échange de pierres précieuses. C’était les Valkyries qui l’avaient apportée elles-mêmes. La raison pour laquelle elles avaient enfreint leur propre règle n’était toujours pas très claire pour Corin. Mais il y avait peu de chance pour qu’elles recommencent.

      On frappa un coup à la porte tout en bas. Aucune des créatures vivant derrière le Voile ne s’aventurerait au château des dragons au milieu de la nuit. Sauf si elle avait envie de finir comme en-cas nocturne. Seul un groupe de créatures était plus haut dans la chaîne alimentaire que les dragons.

      — J’y vais, dit Corin en se levant.

      Ilia ne daigna même pas lever les yeux de son jeu. Corin attrapa le sac laissé par son frère jumeau aîné et descendit les escaliers. Les pierres précieuses cliquetèrent à l’intérieur du sac à chacun de ses pas. Corin soupçonnait que la livraison de ce soir serait importante.

      Le coup frappé à la porte venait de l’arrière du château. De l’autre côté de la montagne, à sa base, il existait un passage entre les mondes. L’endroit était invisible à l’œil nu. Mais si quelqu’un, d’un côté ou de l’autre, s’en approchait, un flot d’énergie le submergeait.

      Les dragons ne s’aviseraient pas d’emprunter ce passage. Non seulement parce que c’était interdit, mais aussi parce que, bien qu’ils soient l’une des espèces les plus fortes de ce côté-ci du Voile, ils n’étaient pas taillés pour survivre dans le monde des humains. La plupart des fées étaient revenues de ce côté-ci du Voile, se plaignant de la pollution, de quelque chose appelé pesticides, et d’un trou dans le ciel qui laissait passer les rayons du soleil les plus dangereux.

      Et malgré cela, les humains étaient la création préférée de la Déesse ?

      Corin ouvrit la porte arrière du château pour découvrir un dragon sur le seuil. Les écailles de ce dragon étaient du même brun que la terre, pas de l’une des nuances des joyaux qui se trouvaient dans les mines sous le château. Ce dragon n’était pas l’un des frères de Corin, mais l’un de ses ancêtres.

      Les dragons descendaient de l’une des créations favorites de la Déesse appelée dinosaure. Lorsque la Déesse s’était amusée avec la composition génétique des dinosaures, les premiers dragons étaient nés. Comme c’était le cas pour beaucoup de Ses créations, Elle avait entrepris de façonner les dragons à Son image et avait placé un homme dans le ventre de la bête. Et puis, comme avec la plupart de Ses créations, Elle avait perdu tout intérêt pour le projet et était partie s’amuser avec une autre espèce.

      Les dragons étaient tout ce qui restait de ces lézards géants. Personne ne savait pourquoi ils avaient disparu de la surface de la Terre. Bien que Corin ait lu des théories humaines farfelues à propos de rochers tombés du ciel.

      Il y avait de l’intelligence dans le regard du dragon sur le seuil de la porte, mais aucune volonté propre. C’était un dragon de pure race,

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