L'homme qui rit. Victor Hugo

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L'homme qui rit - Victor  Hugo

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soudaines cessations sont propres aux bourrasques de neige. L’effluve électrique épuisé, tout se tranquillise, même la vague, qui, dans les tourmentes ordinaires, conserve souvent une longue agitation. Ici point. Aucun prolongement de colère dans le flot. Comme un travailleur après une fatigue, le flot s’assoupit immédiatement, ce qui dément presque les lois de la statique, mais n’étonne point les vieux pilotes, car ils savent que tout l’inattendu est dans la mer.

      Ce phénomène a lieu même, mais très rarement, dans les tempêtes ordinaires. Ainsi, de nos jours, lors du mémorable ouragan du 27 juillet 1867, à Jersey, le vent, après quatorze heures de furie, tomba tout de suite au calme plat.

      Au bout de quelques minutes, l’ourque n’avait plus autour d’elle qu’une eau endormie.

      En même temps, car la dernière phase ressemble à la première, on ne distingua plus rien. Tout ce qui était devenu visible dans les convulsions des nuages météoriques redevînt trouble, les silhouettes blêmes se fondirent en délaiement diffus, et le sombre de l’infini se rapprocha de toutes parts du navire. Ce mur de nuit, cette occlusion circulaire, ce dedans de cylindre dont le diamètre décroissait de minute en minute, enveloppait la Matutina, et, avec la lenteur sinistre d’une banquise qui se ferme, se rapetissait formidablement. Au zénith, rien, un couvercle de brume, une clôture. L’ourque était comme au fond du puits de l’abîme.

      Dans ce puits, une flaque de plomb liquide, c’était la mer. L’eau ne bougeait plus. Immobilité morne. L’océan n’est jamais plus farouche qu’étang.

      Tout était silence, apaisement, aveuglement.

      Le silence des choses est peut-être de la taciturnité.

      Les derniers clapotements glissaient le long du bordage. Le pont était horizontal avec des déclivités insensibles. Quelques dislocations remuaient faiblement. La coque de grenade, qui tenait lieu de fanal, et où brillaient des étoupes dans du goudron, ne se balançait plus au beaupré et ne jetait plus de gouttes enflammées dans la mer. Ce qui restait de souffle dans les nuées n’avait plus de bruit. La neige tombait épaisse, molle, à peine oblique. On n’entendait l’écume d’aucun brisant. Paix de ténèbres.

      Ce repos, après ces exaspérations et ces paroxysmes, fut pour les malheureux si longtemps ballottés un indicible bien-être. Il leur sembla qu’ils cessaient d’être mis à la question. Ils entrevoyaient autour d’eux et au-dessus d’eux un consentement les sauver. Ils reprirent confiance. Tout ce qui avait ét furie était maintenant tranquillité. Cela leur parut une paix signée. Leurs poitrines misérables se dilatèrent. Ils pouvaient lâcher le bout de corde ou de planche qu’ils tenaient, se lever, se redresser, se tenir debout, marcher, se mouvoir. Ils se sentaient inexprimablement calmés. Il y a, dans la profondeur obscure, de ces effets de paradis, préparation à autre chose. Il était clair qu’ils étaient bien décidément hors de la rafale, hors de l’écume, hors des souffles, hors des rages, délivrés.

      On avait désormais toutes les chances pour soi. Dans trois ou quatre heures le jour se lèverait, on serait aperçu par quelque navire passant, on serait recueilli. Le plus fort était fait. On rentrait dans la vie. L’important, c’était d’avoir pu se soutenir sur l’eau jusqu’à la cessation de la tempête. Ils se disaient: Cette fois, c’est fini.

      Tout à coup ils s’aperçurent que c’était fini en effet.

      Un des matelots, le basque du nord, nommé Galdeazun, descendit, pour chercher du câble, dans la cale, puis remonta, et dit:

      – La cale est pleine.

      – De quoi? demanda le chef.

      – D’eau, répondit le matelot.

      Le chef cria:

      – Qu’est-ce que cela veut dire?

      – Cela veut dire, reprit Galdeazun, que dans une demi-heure nous allons sombrer.

      XVII. LA RESSOURCE DERNIÈRE

      Il y avait une crevasse dans la quille. Une voie d’eau s’était faite. A quel moment? Personne n’eût pu le dire. Était-ce en accostant les Casquets? Était-ce devant Ortach? Était-ce dans le clapotement des bas-fonds de l’ouest d’Aurigny? Le plus probable, c’est qu’ils avaient touché le Singe. Ils avaient reçu un obscur coup de boutoir. Ils ne s’en étaient point aperçus au milieu de la survente convulsive qui les secouait. Dans le tétanos on ne sent pas une piqûre.

      L’autre matelot, le basque du sud, qui s’appelait Ave-Maria, fit à son tour la descente de la cale, revint, et dit;

      – L’eau dans la quille est haute de deux vares.

      Environ six pieds.

      Ave-Maria ajouta:

      – Avant quarante minutes, nous coulons,

      Où était cette voie d’eau? on ne la voyait pas. Elle était noyée. Le volume d’eau qui emplissait la cale cachait cette fissure. Le navire avait un trou au ventre, quelque part, sous la flottaison, fort avant sous la carène. Impossible de l’apercevoir. Impossible de le boucher. On avait une plaie et l’on ne pouvait la panser. L’eau, du reste, n’entrait pas très vite.

      Le chef cria:

      – Il faut pomper.

      Galdeazun répondit:

      – Nous n’avons plus de pompe.

      – Alors, repartit le chef, gagnons la terre.

      – Où, la terre?

      – Je ne sais.

      – Ni moi.

      – Mais elle est quelque part.

      – Oui.

      – Que quelqu’un nous y mène, reprit le chef.

      – Nous n’avons pas de pilote, dit Galdeazun.

      – Prends la barre, toi.

      – Nous n’avons plus de barre.

      – Bâclons-en une avec la première poutre venue. Des clous. Un marteau. Vite des outils!

      – La baille de charpenterie est à l’eau. Nous n’avons plus d’outils.

      – Gouvernons tout de même, n’importe où!

      – Nous n’avons plus de gouvernail.

      – Où est le canot? Jetons nous-y. Ramons!

      – Nous n’avons plus de canot,

      – Ramons sur l’épave.

      – Nous n’avons plus d’avirons.

      – A la voile alors!

      – Nous n’avons plus de voile, et plus de mât.

      – Faisons un mât avec une hiloire, faisons une voile avec un prélart. Tirons-nous de là. Confions-nous au vent!

      – Il n’y a plus de vent.

      Le

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