Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi

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Le sergent Simplet - Paul  d'Ivoi

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n’abusez pas, j’en ai d’autres.

      – Alors c’est pour vous faire plaisir.

      Et le brave homme engloutit une série de losanges. Il eut une légère grimace:

      – Ce n’est pas mauvais, mais cela vous a un goût bizarre.

      – En effet, seulement on s’y habitue.

      En conscience, le brave homme mastiqua la préparation du pharmacien de Grenoble et parut éprouver une vive satisfaction en l’avalant.

      – En voulez-vous davantage? demanda Marcel souriant malgré lui.

      Le gendarme fit un geste de dénégation.

      – Je vous remercie. Entre nous, c’est curieux parce que cela vient du Sénégal, mais j’aime mieux autre chose.

      La conversation reprit de plus belle. Bientôt cependant l’interlocuteur de Simplet se frotta les yeux. Sa prononciation devint pâteuse. Il bredouilla:

      – Il fait chaud ici.

      D’un coup d’épaules il fit glisser son manteau sur la banquette. Il s’appuya au mur, et peu à peu sa tête se pencha sur sa poitrine.

      – Trop chaud, répéta-t-il.

      Puis il demeura immobile. Sa respiration régulière indiquait qu’il était endormi. Alors Marcel vint à Claude et d’un ton railleur:

      – Les pastilles à base de belladone ont produit leurs effets. Aidez-moi à endosser ceux du gendarme.

      Une minute plus tard Simplet, couvert de l’ample manteau et coiffé du bicorne, était assis à la place de l’infortuné serviteur de la loi. Ce dernier ne s’était pas aperçu de la substitution.

      Mollement couché sur le plancher, derrière la banquette, il dormait profondément.

      – Pour enlever Yvonne, plaisanta Dalvan, il était nécessaire d’endormir son gardien. C’est fait. Maintenant allez me chercher une voiture, qui attendra derrière le Palais de justice.

      – Mais, vous?

      – Ne vous inquiétez pas. Je vous rejoindrai tout à l’heure.

      Bérard, conquis par la placidité de son ami, quitta la pièce et le bruit de ses pas s’éteignit bientôt.

      – Pourvu qu’il ne survienne aucune anicroche! murmura Simplet. Jusqu’à présent tout marche à souhait.

      Il achevait à peine que la porte donnant sur l’escalier s’ouvrait et Canetègne paraissait sur le seuil.

      Le faux gendarme sentit une sueur froide mouiller son front, mais le négociant n’avait aucun soupçon.

      – M. Rennard est dans son cabinet? interrogea-t-il sans regarder le soldat.

      – Oui.

      – Bon! Et sans façon il se précipita chez le juge.

      Quelques minutes s’écoulèrent, puis de nouveau la sonnerie électrique retentit.

      Dalvan devina que l’interrogatoire de la prisonnière était terminé. Il se leva. Yvonne était devant lui, accompagnée d’un greffier.

      – Ramenez Mademoiselle, ordonna cet employé.

      Simplet s’inclina sans répondre, et se dirigea vers la sortie. La captive promenait autour d’elle des regards désolés. Elle n’avait point reconnu son frère de lait, et elle s’épouvantait de sa disparition. Sur le palier, il lui dit d’un ton bref:

      – Pas un cri, c’est moi, viens.

      – Toi?

      – Silence, suis-moi.

      Et saisissant la main de la jeune fille prête à défaillir, il la conduisit à travers un dédale de couloirs et d’escaliers. Ils parvinrent aux caves. Là, Marcel se dépouilla du manteau et du bicorne, atteignit la porte de service qu’il avait remarquée. La barre céda sans difficulté; les fugitifs se trouvèrent dans la rue.

      À dix pas stationnait une voiture. À la portière se montrait la tête inquiète de Bérard. Yvonne y monta, et Dalvan prit place à côté d’elle, après avoir crié au cocher:

      – Gare Perrache!

      IV. DE LYON À ÉTAPLES

      Durant quelques instants Yvonne garda le silence, puis un sanglot la secoua. Elle tendit les mains à ses sauveurs:

      – Libre, libre, bégaya-t-elle, et par vous! merci!

      Marcel arrêta net ces démonstrations.

      – Ne pleure pas, petite sœur; cela te rougirait les yeux et nous ferait remarquer.

      Elle refoula ses larmes, dominée par le ton du jeune homme, et timidement.

      – Où allons-nous?

      – Dans une retraite que Claude a dénichée. À propos, vous n’avez jamais été présentés officiellement. Je comble cette lacune. Claude Bérard, mon ami et mon complice; Yvonne Ribor, ma sœur. Voilà qui est fait, je reprends. Nous quittons la voiture à Perrache.

      – Pourquoi?

      – Parce que l’on va s’apercevoir de notre fuite. On supposera que notre première pensée a été de nous éloigner. Dans quelle direction? Vers l’Italie; la frontière est proche. On retrouvera notre cocher. Il dira où il nous a conduit et l’on enverra immédiatement des télégrammes à Modane.

      Claude et Yvonne considéraient le sous-officier avec stupeur.

      – Mais, hasarda la jeune fille, tu nous barres la route.

      – Jamais de la vie. Pour échapper à ceux qui nous poursuivent, il faut faire précisément ce qui ne leur viendra pas à l’idée.

      Et tranquillement:

      – J’ai étudié l’indicateur. On cherchera trois personnes, deux hommes et une femme. Nous allons nous séparer. On nous cherche sur la route de Modane. Adoptons-en une autre. Voici ce que j’ai décidé. Une fois déguisés, Yvonne et moi, nous nous rendons à Saint-Rambert; nous prenons le train, et à Dijon, nous quittons la ligne de Paris; nous filons sur Amiens, par Is-sur-Tille; d’Amiens nous gagnons Étaples et de là, l’Angleterre.

      – L’Angleterre quand à deux pas, la Suisse, l’Italie!…

      – Je vous répète que la surveillance s’accroît en raison des facilités qu’ont à leur disposition les fugitifs.

      Bérard intervint:

      – Je crois que vous avez raison; mais moi, qu’est-ce que je deviens?

      – Vous, vous quittez Lyon à pied. Vous marchez jusqu’à Venissieux. Là vous montez dans un train pour Chambéry. De cette ville, vous remontez vers Mâcon, par Culoz, et vous nous rejoignez à Étaples. Seulement vous séjournerez à

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