Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi

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Le sergent Simplet - Paul  d'Ivoi

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solides.

      Le personnage avait la face blême percée de deux yeux clignotants, un front bas surmonté de cheveux rudes taillés en brosse. Il s’inclina devant l’Avignonnais.

      – Monsieur Canetègne, enchanté de vous voir. Je me suis présenté chez vous. En apprenant votre sortie matinale, j’ai pensé vous rencontrer ici.

      – Comment cela? balbutia l’Avignonnais interloqué.

      – Comment? Mlle Ribor a pris sa volée hier. Il m’a paru naturel que vous vinssiez faire part de cet événement à la meilleure de vos amies.

      Il coulait vers son interlocuteur un regard pénétrant. Ce dernier baissa les yeux.

      La tournure que prenait l’entretien le gênait visiblement. Doctrovée vint à son secours:

      – Dites toute votre idée, monsieur Martin. Il est possible qu’elle nous convienne.

      Le visiteur répondit par un signe de tête approbateur.

      – Un aveu d’abord. J’aime la bonne chère, les appartements élégants, les fêtes, et j’en suis sevré depuis des années. Aussi dès que j’ai su l’arrestation de Mlle Ribor, je me suis intéressé à elle; car je tenais la bonne affaire longuement attendue.

      Doctrovée eut un rire engageant:

      – Allez toujours.

      – Je savais son innocence. J’ai déploré sa pauvreté, car sans cela je lui aurais fait rendre la liberté. Mais il faut vivre, et l’on n’y peut arriver qu’au service de ceux qui ont de l’argent. Je me suis logé dans le même hôtel que les sous-officiers, ses amis. Une chambre voisine de la leur m’a permis de suivre toute l’intrigue. La cloison n’interceptait pas leur voix. Bref, j’ai connu le plan d’évasion simple et ingénieux, imaginé par ces jeunes gens.

      – Et vous ne m’avez pas averti? clama Canetègne.

      – Vous avertir? vous n’y songez pas.

      – Mais si, je vous aurais récompensé.

      – Oui, vingt-cinq louis. Cela ne constitue pas une affaire. J’aime mieux la situation actuelle.

      Sans prêter la moindre attention aux gestes furibonds du commissionnaire, Martin continua:

      – Voici ce que je vous propose: Je me suis enquis de votre situation financière. Vous possédiez à la date d’hier cinq cent vingt-cinq mille trois cent quarante-deux francs, soixante-douze centimes, déposés chez MM. Fulcraud, Barrot et Cie, banquiers, cours Bellecour.

      – Ah! souligna la manutentionnaire.

      Canetègne voulut esquisser un geste de dénégation, mais le policier l’arrêta:

      – J’ai vu votre compte.

      Et après un silence:

      – Votre maison brûle; – c’est une figure – un homme se présente pour aller à travers les flammes sauver votre coffre-fort. Sans lui vous perdez tout. Il me semble qu’en vous demandant 20 pour 100 de votre fortune, il est modéré.

      – 20 pour 100! gémit l’Avignonnais.

      – Pas même. Cent mille francs payables le jour où je retrouve les fugitifs.

      – Vous m’assassinez.

      – Pas le moins du monde. Mon prix ne vous convient pas, je me retire.

      Déjà M. Martin reprenait son chapeau.

      Le négociant, partagé entre l’avarice et la peur, céda à la seconde.

      – Laissez-moi le temps de réfléchir, vous avez une impétuosité.

      – Toute naturelle. Vos adversaires ne réfléchissent pas, ils filent.

      L’argument décida Canetègne.

      – Soit!… Cent mille si vous les trouvez. Rien si c’est la police.

      – Naturellement, fit l’agent d’un ton goguenard. Maintenant ne perdons pas une minute; passons à votre magasin. De là, nous irons chez votre banquier – vous y prendrez quelque argent et préparerez un chèque à mon nom. – Enfin je vous montrerai quelque chose que la police n’a pas encore découvert.

      Il salua Mlle Doctrovée d’un air amical et, suivi du négociant, il quitta la maison. Jusqu’à la rue Suchet, les deux hommes n’échangèrent pas une parole.

      – Pourquoi sommes-nous venus ici? demanda l’Avignonnais.

      – Pour voir votre courrier.

      – Mon courrier?

      – Voyez toujours, vous comprendrez.

      Obéir était le plus simple. Pénétrant dans le compartiment réservé à la caisse, le commissionnaire se mit à dépouiller le paquet volumineux de correspondances entassées sur son bureau. Soudain il eut un cri.

      – L’écriture d’Yvonne!

      – La lettre vient de Chambéry, n’est-ce pas? questionna l’agent sans paraître étonné.

      – Comment le savez-vous?

      – Peu importe. Je le sais.

      D’un geste impatient, Canetègne déchira l’enveloppe et d’une voix tremblante lut ce qui suit:

      Monsieur,

      Vous n’appréciez que les choses qui se vendent. L’honneur vous semble sans valeur. Aussi avez-vous essayé d’en priver une pauvre fille dont c’est toute la fortune. Pour cette chose vague, cette fumée comme vous l’appelez, d’autres sont capables de tous les sacrifices. J’espère revenir victorieuse de la lutte à laquelle vous m’obligez. Alors vous ne douterez plus.

      YVONNE RIBOR.

      Sa lecture terminée, il regarda l’agent:

      – Eh bien?

      – La lettre est conçue dans un noble esprit.

      – Ce n’est point votre appréciation sentimentale que je sollicite. Le timbre de la poste de Chambéry ne vous paraît-il pas un renseignement?

      Le policier le considéra narquoisement:

      – Vous inclinez donc à penser?

      – Que mon ex-caissière se dirige sur Modane.

      – Et comme la frontière est gardée, vous vous réjouissez. Vous n’aurez plus à me verser cent mille francs.

      – Précisément, je l’avoue. M. Martin fit entendre un petit rire sec.

      – Cela ne fait rien. Passons chez votre banquier.

      – Vous voulez, après cette lettre…

      – Plus que jamais. Il est neuf heures moins le quart, nous avons

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