Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi

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Le sergent Simplet - Paul  d'Ivoi

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Bérard avait rejoint ses amis et tous trois s’éloignaient.

      – À notre tour, reprit Martin, qui saisit le bras du commerçant et le contraignit à régler son pas sur le sien.

      Tout en marchant, il parlait:

      – Mon cher monsieur, j’ai tenu ma promesse; j’ai retrouvé les fugitifs. À vous de tenir la vôtre en faisant passer de votre poche dans la mienne, le petit papier que vous savez.

      Canetègne poussa un soupir désolé.

      – Cent mille francs, c’est cher!

      – Vous refusez, bon. Je cours prévenir ces jeunes gens.

      – Non, ne faites pas cela, je me résigne. Mais quand on a amassé un petit pécule dans les affaires…

      – Les affaires, c’est l’argent des autres. Supposez que vous restituez.

      Sans relever l’impertinence, le négociant tira de son portefeuille le chèque préparé à Lyon et le remit au policier.

      – À la bonne heure, dit celui-ci dont les yeux brillèrent, vous devenez raisonnable. Tenez, notre gibier niche à l’hôtel de la gare. On va se raconter les péripéties du voyage. Profitons-en pour courir au télégraphe. Nous prierons M. Rennard d’expédier le mandat d’amener au commissaire central de la localité. Il est 8 h. 10; à midi sa réponse arrivera et le tour sera joué.

      V. PREMIÈRES HEURES HORS DE FRANCE

      Cependant Marcel et Yvonne avaient conduit Claude dans une chambre de l’hôtel de la gare.

      – Reposez-vous, conseilla Dalvan, car la soirée sera fatigante.

      – Comment cela?

      – Nous ferons une promenade en mer. Un patron de barque nous emmène à la pêche. On part à trois heures.

      Le « Marsouin » voulut obtenir une explication, mais Simplet quitta la chambre. Puis laissant Yvonne s’enfermer chez elle, il s’en alla flâner par la ville.

      Bientôt il gagna la rive de la Canche, dont l’embouchure forme le port d’Étaples, et il descendit vers la mer.

      Une cabane dressait son toit de chaume à quatre ou cinq cents mètres de lui. Des « chaluts », soutenus par des perches, séchaient à l’entour. Sur la porte un homme de cinquante ans, dont la barbe grisonnante paraissait presque blanche à cause du hâle du visage, fumait une courte pipe. En voyant le jeune homme, il souleva son bonnet de laine.

      – Bonjour, patron, fit le sous-officier. Ça tient toujours notre partie de pêche?

      – Bien sûr, monsieur. Si vous êtes à bord de la Bastienne à l’heure du jusant, je vous emmènerai certainement. C’est une bonne barque allez. Tenez, regardez-la, là-bas, comme elle roule. On dirait qu’elle a hâte de partir.

      – Nous ne la ferons pas attendre, soyez tranquille.

      Marcel serra la main du patron et revint vers son logis. Comme il passait devant la maison du commissaire central, il entendit un bruit de voix; le nom de « Ribor » lui parvint distinctement.

      Il s’arrêta net. Ribor! Yvonne s’appelait ainsi. Qui donc prononçait ces deux syllabes. Puis il sourit. Évidemment il ne s’agissait pas d’elle, mais d’autres Ribor. Quelle apparence que l’on s’occupât de la jeune fille chez le magistrat?

      Pourtant, il ne pouvait se décider à s’éloigner. Immobile sur le trottoir, il prêtait l’oreille, concentrant toute son attention pour saisir les paroles qui s’échappaient par la porte entre-bâillée. Il se rapprocha de l’ouverture. Les sons lui arrivèrent plus nets, et avec stupeur il surprit les répliques suivantes:

      – Vous me dites que le mandat d’arrêt m’arrivera de Lyon vers midi?

      – Oui.

      – Alors, je serai tout à votre disposition, et nous procéderons à l’arrestation de cette fille.

      – Devançons un peu le moment.

      – Je ne le puis. Plainte a été portée devant les autorités lyonnaises, et je ne veux agir que sur avis d’elles. Question d’égards. Après tout, votre voleuse ne s’envolera pas. Tenez, je vais vous montrer ma bonne volonté. Je vous donnerai un de mes agents pour surveiller l’hôtel de la gare et pour s’opposer au départ de cette personne.

      – Parfait!

      Un bruit de chaises remuées indiqua à Simplet que les interlocuteurs se levaient. D’un bond il quitta son observatoire et s’élança de toute la vitesse de ses jambes dans la direction de l’hôtel.

      Claude et Yvonne causaient.

      Le « Marsouin », qui avait bien dormi en wagon, s’était contenté de réparer le désordre de sa toilette, puis il avait rejoint la jeune fille. Ils furent terrifiés quand Dalvan leur apprit ce qu’il venait de surprendre. Mais le sous-officier étouffa leurs exclamations:

      – Il faut décamper. Prenons dans nos valises ce qui a une valeur; abandonnons le reste et partons.

      – Mais où? gémit Yvonne éperdue.

      Marcel, qui déjà se livrait à un tri des objets enfermés dans son sac de voyage, releva la tête.

      – C’est bien simple.

      – Toujours simple, clama la jeune fille avec une nuance de colère.

      – Évidemment. On va d’abord nous chercher loin d’ici, cachons-nous donc à deux pas.

      – C’est facile à dire…

      – Et à faire. La cabane du père Maltôt est proche. Sous couleur de déjeuner, nous y attendons l’heure de la marée. En route Claude, que personne ne connaît en ville, achètera un jambonneau, du saucisson, du pain et quelques bouteilles. À trois heures, toutes voiles dehors, nous sortirons du port.

      – Mais il faudra revenir, la pêche terminée.

      Dalvan eut à l’adresse de sa sœur de lait un regard plein de reproche.

      – Essaye donc d’avoir confiance en moi, commença-t-il. Puis changeant de ton: Y êtes-vous, Bérard?

      – Je vous attends.

      – Bien, venez donc.

      Sans affectation les fugitifs descendirent, traversèrent la cour de l’hôtel et s’échappèrent par une porte s’ouvrant sur une ruelle qui longeait les derrières de l’établissement.

      Il était temps. Canetègne, flanqué de M. Martin et de l’agent mis à sa disposition par le commissaire central, paraissait sur la place du Chemin-de-Fer. Fort de la présence de son nouvel allié, le négociant se présenta à la grande entrée de l’hôtel de la Gare. Les précautions devenaient inutiles, il s’enquit de ceux qu’il poursuivait.

      – Ces messieurs et cette dame sont dans leurs chambres, répondit l’hôtesse qui n’avait pas vu sortir Marcel et ses amis. Si vous le désirez, je vais les faire prévenir.

      – Inutile,

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