Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi
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Читать онлайн книгу Le sergent Simplet - Paul d'Ivoi страница 16
– Je vous demandais la permission d’entrer dans deux magasins tout en vous conduisant au Fortune.
– Accordée.
– Je vous remercie.
– Une question, je vous prie. À qui ai-je l’honneur de parler?
– À William Sagger, licencié ès sciences géographiques, intendant de miss Diana Pretty, propriétaire du Fortune.
Les Français échangèrent un regard ahuri. Le factotum de l’hôtelière, de cette miss Diana Pretty, était licencié. Et pour la troisième fois revenant à son idée, Bérard mâchonna entre ses dents cette phrase désespérée.
– Quelle addition, mon empereur!
La voiture avait stoppé devant un superbe magasin de maroquinerie. William Sagger y entra. Cinq minutes après il revenait, et la calèche continuait sa route, longeant un vaste parc bordé de grilles.
– Le Sefton park, dit l’intendant, un des plus spacieux du monde, car il ne contient pas moins de cent soixante hectares.
– À la bonne heure, souligna Marcel, vous connaissez la ville.
– J’y suis arrivé avant-hier pour la première fois.
– Bah!
– Oui, mais j’ai parcouru le monde dans les livres. Et tenez, savez-vous où nous sommes en ce moment?
Le véhicule traversait une place formée par deux bâtiments dont l’un occupait trois côtés à lui seul. William le désigna.
– La Bourse de Liverpool.
Puis étendant la main vers l’autre monument agrémenté d’un portique corinthien et surmonté d’un dôme couronné par une statue assise de Minerve:
– L’hôtel de ville, inauguré en 1754, mais restauré et considérablement augmenté depuis.
Un peu plus loin, il fit remarquer aux jeunes gens une construction basse, d’aspect triste:
– L’hôpital des Enfants-Bleus, où l’on recueille les orphelins.
Il se constituait décidément le cicerone des voyageurs.
– Ville curieuse, disait-il, et féconde en institutions étranges: ainsi le Saint-Georges-Hall, monument énorme au portique formé de seize colonnes de dix-huit mètres de haut, est affecté à la fois aux assises, aux concerts et aux meetings. Le Sailor’s Home est une hôtellerie monstre où les matelots trouvent à bon marché le vivre et le couvert. Le cimetière Saint-James, ancienne carrière de pierre rouge, a vu ses galeries transformées en catacombes.
Marcel et ses compagnons écoutaient charmés. William Sagger, avec une mémoire imperturbable, leur citait les noms des soixante-seize églises anglicanes, dépeignait la procathédrale de Saint-Pierre, les théâtres, les collèges, Royal Institution school et University-college.
Un second arrêt de la voiture coupa court à sa conférence, puis on repartit. Enfin on atteignit une station de chemin de fer, et l’intendant invita les voyageurs à descendre.
– Nous sommes arrivés? demanda Yvonne.
– Pas encore, lady. Nous nous rendons à Birkenhead, le faubourg de la rive gauche de la Mersey. La traversée en bateau est ennuyeuse à cause du brouillard perpétuel qui couvre la rivière. Le chemin de fer supprime cet inconvénient, car il suit le tunnel creusé sous le lit du cours d’eau.
Pendant le trajet, il ne manqua pas d’apprendre à ses compagnons que le tunnel, éclairé à l’électricité, date seulement de 1880.
– À propos, interrompit Marcel, et la voiture qui nous a amenés?
– Ne vous en inquiétez pas; elle a sa remise à Liverpool.
Le sous-officier ne dissimula pas une grimace. L’hôtel de miss Diana Pretty lui paraissait vraiment trop luxueux.
– Bah! pensa-t-il. Nous n’y séjournerons pas.
Le train déposa William et ceux qu’il guidait à Birkenhead presque au bord de la Mercey. L’intendant avait dit vrai. Un épais brouillard couvrait la surface du fleuve et débordait sur la rive. Gris, lourd, opaque, il limitait la vue à quelques mètres et les Français avaient peine à ne pas perdre leur conducteur. Bientôt celui-ci leur montra un escalier étroit s’enfonçant entre deux murailles de pierre.
– Dans deux minutes nous serons à bord.
– À bord, répétèrent les jeunes gens, c’est donc un navire?
– Le Fortune est en effet un bateau de plaisance; mais il se distingue de tous ceux que vous avez pu voir comme le soleil d’une chandelle.
– Allons donc voir le soleil, gouailla Bérard en s’engageant derrière William dans l’escalier.
Sur la dernière marche un homme se tenait debout, un pied appuyé sur l’avant d’un canot dont la silhouette se dessinait vaguement dans la brume.
– Le Fortune est à l’ancre à deux encablures; ce bassin est le Great float le plus étendu de Birkenhead.
C’était, bien entendu, Sagger qui formulait ce renseignement. Tous prirent place dans l’esquif, qui aussitôt s’éloigna du quai.
– Tiens, murmura Marcel, il file bien et avec un seul homme d’équipage.
En effet, le matelot qui les avait reçus paraissait seul à l’arrière:
– Bateau électrique, déclara William.
– Ah!
Doucement Claude tira son ami par la manche et d’une voix navrée:
– Un canot électrique maintenant. Informez-vous des prix. On va nous demander tout ce que nous possédons.
– Peuh! j’ai cent mille francs sur moi.
– Pour faire le tour du monde, pas pour visiter Liverpool. Sous prétexte de nous mener à la Fortune, cet English m’a l’air de nous conduire à la ruine.
L’inquiétude du « Marsouin » commençait à gagner Simplet. Il se pencha vers William.
– Que désirez-vous, gentleman? questionna celui-ci.
– Apprendre de vous quels sont les tarifs du Fortune?
– Les tarifs?
La bouche de l’Anglais s’ouvrit en accent circonflexe. Ses traits exprimèrent la surprise.
– Les tarifs? redit-il.
– Oui, sur le Fortune, on prend une chambre?
– Pardon, une cabine.
– Soit! une cabine. On déjeune, on dîne?
– Aussi