Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi

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Le sergent Simplet - Paul  d'Ivoi

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ris, quand nous sommes plus prisonniers dans cette barque que dans l’hôtel d’où nous venons.

      – Oui, parce qu’il y a un moyen bien simple de n’être pas capturés au retour.

      – Lequel?

      – Ne pas revenir.

      La jeune fille poussa une exclamation joyeuse:

      – C’est vrai!

      Mais son visage se rembrunit aussitôt:

      – Et impossible, acheva-t-elle. Comment décider le patron de ce bateau?

      – Avec du sentiment, car c’est un brave homme, et un peu d’argent, car il est pauvre. Seulement il est indispensable que tu dises comme moi.

      – Je te le promets.

      La couleur remontait au visage d’Yvonne; l’espoir brillait dans ses yeux fixés sur ceux de son interlocuteur. Le sous-officier sourit:

      – Tout ira bien. Écoute. Nos parents s’opposent à notre mariage.

      – À notre mariage, redit-elle d’un ton moqueur, tandis que le rose de ses joues devenait plus vif.

      – Oui; nous fuyons ces parents sans entrailles. Nous comptons nous marier en Angleterre, faire légaliser cette union au consulat, et revenir en France. En priant bien le patron je suis sûr qu’il nous conduira à la côte anglaise!

      – Eh bien, dit Claude, tentez la démarche.

      De nouveau, Yvonne parut surprise. Le « Marsouin » s’effaçait devant Marcel. Avec son entêtement de femme elle se cramponnait à l’idée préconçue. Elle avait décidé que Bérard, brun, aux traits énergiques, devait avoir l’initiative; et il s’en remettait à son ami.

      Le jeune homme répondit:

      – Non, pas maintenant.

      – Tu hésites?

      – J’attends seulement que nous ayons atteint la haute mer.

      La côte française apparaissait encore nettement, mais elle rapetissait à vue d’œil, s’enfonçant sous l’horizon de mer sans cesse élargi. Bientôt les couleurs perdirent leur netteté. La terre prit l’apparence d’une ligne violacée, puis grise. Maintenant ce n’était plus qu’un brouillard léger, flottant sur l’eau verte. Quelques encablures encore et les fugitifs eurent l’illusion d’être seuls, sous l’immense cloche nuageuse du ciel posée sur le plateau mouvant de l’Océan. Alors, Dalvan se leva et rejoignit le patron Maltôt.

      Autour d’Étaples une véritable chasse à l’homme était organisée. Gendarmes, agents de police battaient les environs avec ardeur, excités par l’appât d’une prime de mille francs, promise par Canetègne à qui arrêterait les « voleurs évadés ».

      Les vagabonds, les « roulants » ont conservé le souvenir de cette journée. Tous ceux dont les papiers n’étaient pas suffisamment en règle, furent arrêtés; la prison se trouva trop petite pour les recevoir tous. On occupa militairement la maison de ville et l’école transformées en lieux de détention.

      Cent onze malheureux furent logés aux frais de l’État; mais ceux qui causaient tout ce remue-ménage demeuraient introuvables. L’Avignonnais écumait. Vers le soir, n’y pouvant plus tenir, il sortit d’Étaples et courut sur les routes comme un renard en chasse. Il allait, dans la nuit, flairant le vent, proférant de sourdes menaces.

      Tout à coup le terrain manqua sous ses pas. Une tranchée coupait la route jusqu’au milieu de la chaussée. Le négociant ne l’avait pas remarquée, et il avait roulé au fond du trou. Pour comble de malheur, de l’eau provenant d’infiltrations remplissait la cavité.

      Trempé, bouleversé, le commissionnaire avala quelques gorgées du liquide boueux, réussit à se redresser et, les vêtements collés au corps, couvert de glaise jaunâtre, il parvint à remonter sur la route.

      Rentrer à Étaples pour changer d’habits était sa pensée. Afin d’éviter la fluxion de poitrine, il prit le pas gymnastique. Des pas lourds donnèrent derrière lui sur le revêtement du chemin. Des voix impérieuses lui crièrent:

      – Arrêtez!

      Peu brave par nature, démoralisé d’ailleurs par son accident, Canetègne s’affola. Il crut être poursuivi par des brigands. Ses jarrets se détendirent ainsi que des ressorts, et une course folle, vertigineuse, commença.

      Les cris continuaient en arrière, le cinglant comme des coups de cravache. Il bondissait; son cœur faisait dans sa poitrine de brutales embardées; l’air s’engouffrait dans ses poumons avec des sifflements. Son sang affluait à la tête, ses tempes palpitaient, et dans le grossissement de l’épouvante, les poursuivants lui paraissaient approcher dans un roulement de tonnerre. Les premières maisons de la ville se montraient. Le négociant se crut sauvé, mais une ombre se dressa brusquement au milieu de la voie.

      – Halte-là!

      À cette vue, Canetègne s’arrêta net, la respiration lui manqua, ses jambes plièrent et il s’abattit à terre sans connaissance.

      Quand il revint à lui, il s’aperçut qu’il était couché sur le dos, dans une pièce basse qu’un rayon de lune éclairait vaguement. En suivant la traînée lumineuse, il se rendit compte qu’elle pénétrait par une fenêtre garnie de barreaux. Il se passa la main sur le front, et comme il est d’usage au sortir d’un évanouissement.

      – Où suis-je? bégaya-t-il.

      Des ricanements lui répondirent. Dans tous les coins de la chambre des ombres s’agitèrent.

      – Qu’est-ce que c’est que ça?

      – Ça, mon vieux, fit une voix rauque, c’est le clou. Quand on n’a pas de papiers, l’État vous offre l’hospitalité.

      – Comment! je suis en prison?

      – Comme nous. Après ça, si ça ne convient pas à monsieur, il n’a qu’à parler, on lui retiendra un appartement à l’hôtel.

      Un éclat de rire ponctua la plaisanterie. L’Avignonnais se demanda s’il ne rêvait pas.

      L’aventure était simple. Deux gendarmes, revenant sur la route, avaient remarqué son allure désordonnée. En le voyant disparaître dans la tranchée, ils avaient pensé qu’il cherchait à se cacher, s’étaient précipités, l’avaient poursuivi et arrêté, grâce à un collègue embusqué aux abords de la ville. Aucun n’avait reconnu dans cet homme souillé de glèbe, aux cheveux trempés de sueur, le « notable » à la prime de cinquante louis, et, fidèles à leur consigne, ils avaient transporté leur prise dans une des salles de l’école, occupée déjà par plusieurs autres habitants.

      – En prison, reprit le négociant, mais c’est de la folie.

      Chancelant, il se leva, gagna la porte qu’il frappa à coups redoublés. Un agent se montra aussitôt.

      – Monsieur, s’écria l’Avignonnais, mon arrestation est le résultat d’une erreur.

      – C’est pour me conter cela que

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