Œuvres complètes de lord Byron, Tome 3. George Gordon Byron

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 3 - George Gordon Byron

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traîner la voiture, provoquant l'envieuse raillerie de chaque rustre qui passe à pied près d'elle.

      70. Quelques-uns promènent sur ta Tamise tes beautés ornées de rubans; d'autres préfèrent la route royale, plus sûre; quelques-uns gravissent la colline de Richemont; d'autres se rendent à Ware: un grand nombre se hâtent d'aller au coteau de Highgate. Me demanderez-vous pourquoi, ombres de la Béotie22? C'est pour rendre un culte à la corne solennelle tenue par la main sacrée du mystère23. Les jeunes gens et les jeunes filles jurent par son nom redouté, et consacrent leur serment en buvant et en dansant jusqu'au matin.

      71. Toutes les nations ont leurs folies; les tiennes ne ressemblent à aucune autre, belle Cadix, toi qui t'élèves majestueusement sur la mer sombre et bleue! Aussitôt que la cloche du matin à sonné neuf heures, tes dévots commencent à réciter leur rosaire; ils prient instamment la Vierge (la seule, je crois, qui soit vierge en ces lieux) de les purifier de crimes, aussi nombreux qu'elle a d'adorateurs; ensuite ils se portent à l'assemblée populeuse du Cirque. Le jeune homme, le vieillard, le riche et le pauvre aiment à se donner le même divertissement.

      72. La lice est ouverte; l'arène spacieuse est devenue libre: des milliers de spectateurs sont entassés à l'entour. Bien long-tems avant que le premier son de la trompette sonore se soit fait entendre, il n'y a déjà plus de place pour ceux qui sont en retard. Là abondent les dons, les grandesses24, et surtout les dames habiles dans les manœuvres d'un œil fripon25, quoique toujours portées à guérir les blessures qu'elles ont faites; aucun amant n'est condamné à mourir de leur froid dédain, victime des traits de l'amour, comme s'en plaignent des bardes lunatiques.

      73. Les bruyans murmures sont apaisés; – montés sur de beaux coursiers, portant sur la tête un blanc panache, aux pieds des éperons d'or, quatre cavaliers se préparent à d'aventureux exploits, et s'inclinent galamment en entrant dans la lice. Riches sont leurs écharpes brodées, et leurs montures se cabrent avec grâce. S'ils se distinguent aujourd'hui dans ce jeu périlleux, les bruyans applaudissemens de la foule et l'aimable sourire des dames seront leur récompense, comme pour de nobles actions; et tout ce que les rois et les chefs de guerre peuvent obtenir de plus glorieux, leurs jeux sanglans le leur procurent.

      74. Revêtu d'habits brillans et d'un riche manteau, mais à pied, au milieu de l'arène, l'agile matador est impatient d'attaquer le roi des troupeaux mugissans. Mais avant de s'engager dans la lutte, il a traversé le cirque d'un pas prudent, de crainte que quelque chose d'inaperçu ne vienne arrêter sa course rapide. Son arme est un dard, et il combat de loin. L'homme ne peut davantage sans le fidèle coursier, hélas! souvent condamné à recevoir pour lui des blessures mortelles.

      75. Trois fois a retenti le clairon; voyez! le signal est donné. L'antre sauvage s'ouvre, et l'attente muette veille attentivement dans les rangs pressés du cirque silencieux. L'animal puissant bondit au premier coup d'aiguillon, et, regardant d'une manière sauvage autour de lui, il frappe l'arène d'un pied retentissant, et il ne s'élance pas aveuglément sur son ennemi. Il porte de côté et d'autre son front menaçant, pour essayer sa première attaque; il bat ses flancs de sa queue irritée, et ses yeux enflammés roulent dans leur orbite agrandie.

      76. Il s'arrête tout à coup; son regard est fixe. Loin, loin, jeune homme imprudent! Prépare ta lance: voici le moment de périr, ou de déployer cette adresse habile qui peut encore l'arrêter dans sa carrière sanglante. Les coursiers légers savent, par des bonds agiles, se détourner adroitement. Le taureau écume de rage; mais il n'échappe pas aux blessures. Un sang noir s'échappe par torrens de ses flancs; il fuit, se roule, s'agite furieux des traits qu'il porte enfoncés; les dards suivent les dards, les coups de lance se succèdent avec rapidité: il annonce ses souffrances par de profonds mugissemens.

      77. Il revient; ni les dards, ni les lances ne peuvent l'arrêter, ni même les bonds impétueux des coursiers aux abois. Quoique l'homme l'attaque avec ses armes puissantes, les lances et la valeur sont vaines. Un cheval superbe, cadavre déchiré, est étendu sur l'arène; un autre, spectacle hideux! paraît ouvert, et son poitrail sanglant découvre les sources palpitantes de la vie; quoique blessé à mort, il traîne encore ses membres affaiblis, et chancelant, mais surmontant tous les obstacles, il sauve son maître du danger.

      78. Vaincu, sanglant, haletant, furieux jusqu'à la fin, le taureau reste debout au centre de l'arène, exposé aux blessures des dards et des lances brisées qui pleuvent sur lui. Ses ennemis sont hors de combat. C'est l'instant où les matadors se pressent autour de lui, en agitant leur manteau rouge, et en balançant leur javelot léger. Une fois encore il s'ouvre un terrible passage. Vaine fureur! Le manteau quitte la main perfide, enveloppe ses yeux terribles. – C'en est fait! – il roule étendu sur l'arène.

      79. À l'endroit où sa vaste encolure se joint à l'épine vertébrale le fer terrible du javelot reste enfoncé comme dans son fourreau. Il s'arrête; il frémit, – dédaignant de reculer; il tombe lentement, au milieu des cris de triomphe, et il meurt sans pousser un gémissement et sans convulsions. Le char décoré s'avance; – on y entasse son corps, – doux spectacle pour les regards du vulgaire. – Quatre chevaux, que peuvent à peine retenir les rênes, entraînent la lourde et noire masse, qui passe au milieu de la foule, presque inaperçue.

      80. Tel est le divertissement cruel qui rassemble souvent les jeunes Espagnoles, et réjouit le berger, nourri dès sa jeunesse dans l'habitude des jeux sanguinaires. Son cœur se délecte dans la vengeance, et il regarde avec plaisir les peines des autres. Que de querelles domestiques ensanglantent les villages effrayés! Quoique des phalanges nombreuses se soient réunies contre l'ennemi, hélas! il reste encore assez d'Espagnols dans les chaumières pour méditer contre des amis de secrètes blessures, excités par des ressentimens légers qui doivent faire couler des flots de sang.

      81. Mais la jalousie a fui de ces rivages: les barreaux, les verroux, la sentinelle au teint jaune, sage et vénérable duègne! et tout ce qui fait révolter une ame généreuse comme les moyens qu'employait un farouche et vieil époux en se croyant permis de renfermer l'objet de ses terreurs, ont disparu dans l'ombre du passé avec le dernier siècle. Quelles femmes sont plus libres qu'étaient les jeunes Espagnoles avant que la guerre, comme un volcan furieux, eût déployé sa rage, lorsqu'on les voyait, les cheveux tombant en tresses légères, jouer sur le vert gazon, tandis que la reine des nuits éclairait de ses rayons protecteurs la danse folâtre et animée de l'amour?

      82. Oh! que de fois Harold avait aimé, ou rêvé qu'il aimait, puisque les plus vifs ravissemens de l'amour ne sont qu'un rêve! mais maintenant son cœur chagrin n'était plus ému. Il n'avait cependant pas encore bu de l'onde du Léthé, et il avait appris depuis peu à croire véritablement que l'amour n'avait rien de plus précieux pour lui que ses ailes; quelque beau, quelque jeune, quelque aimable qu'il paraisse, il s'échappe toujours des sources délicieuses du plaisir quelque chose d'amer qui répand son venin sur les fleurs les plus ravissantes26.

      83. Cependant il n'était point aveugle aux attraits séduisans de la beauté, mais ces attraits n'avaient pas sur lui plus d'empire que sur le sage. Non que la philosophie eût jamais daigné faire descendre sur une ame comme la sienne, ses chastes et sévères inspirations; mais dans son délire, la passion finit par se calmer ou s'éteindre. Et le vice, qui creuse lui-même sa tombe de voluptés, avait depuis longtems enseveli pour jamais toutes ses espérances. Pâle victime du plaisir! les noirs souvenirs d'une vie abhorrée avaient empreint sur son front livide la malédiction qui poursuivait incessamment Caïn.

      84. Spectateur étrange du monde, il ne se mêlait point avec la foule; mais il n'avait point pour elle une haine misanthropique. Peut-être qu'il eût encore aimé parfois à prendre part à la danse et aux chants de la joie;

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<p>22</p>

Ceci fut écrit à Thèbes, et par conséquent dans la meilleure situation possible pour demander une réponse à cette question, non pas comme la patrie de Pindare, mais comme la capitale de la Béotie, où la première énigme fut proposée et résolue.

<p>23</p>

Fête de la corne emblématique, redoutée des maris.

<p>24</p>

Titres que prennent les nobles en Espagne.

<p>25</p>

Roguish eye.

<p>26</p> Medio de fonte leporumSurgit amari aliquid quod in ipsis floribus angat.(Lucr.)