Œuvres complètes de lord Byron, Tome 3. George Gordon Byron

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 3 - George Gordon Byron

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brillait le prix de la gloire, ils l'ont conquis, et ont disparu… Est-ce là tout? N'y a-t-il là que le thème d'un écolier, l'admiration d'une heure! On cherche en vain l'épée du guerrier et le manteau du sophiste; sur chaque tour qui tombe en ruine, et qu'obscurcit le brouillard des âges, plane encore l'ombre pâle d'une grandeur passée.

      3. Fils de l'Orient, lève-toi! approche! viens! – mais n'outrage pas cette urne sans défense. Contemple ces lieux, – c'est le sépulcre d'une nation! le séjour des dieux dont les autels sont abandonnés!.. – Les dieux même sont forcés de céder! – Les religions disparaissent à leur tour: ici régnait celle de Jupiter; – aujourd'hui c'est celle de Mahomet. D'autres croyances naîtront avec d'autres siècles, jusqu'à ce que l'homme apprenne que c'est en vain que son encens s'élève sur les autels, qu'il offre de sanglans sacrifices; pauvre enfant du doute et de la mort, dont les espérances sont fondées sur des roseaux.

      4. Enchaîné à la terre, il lève ses yeux vers le ciel. – N'est-ce pas assez, créature malheureuse! de savoir que tu existes? Cette existence est-elle un don si précieux, pour que tu désires le prolonger au-delà de la tombe, et aller, tu ne sais où, dans des régions inconnues? heureux de fuir la terre, et de te mêler avec les cieux! Veux-tu toujours rêver de félicités et de malheurs à venir? Regarde et pèse cette poussière avant qu'elle soit jetée aux vents: cette urne en dit plus que mille homélies.

      5. Ou brise l'orgueilleux monument d'un héros qui n'est plus, et qui dort au loin sur le rivage solitaire33: il tomba, et des nations ébranlées par sa chute portèrent le deuil de son trépas. Mais aujourd'hui personne ne pleure sur sa tombe; nul soldat, observant un silence religieux, ne lui consacre ses veilles, dans ces lieux où, dit-on, des demi-dieux parurent. Prends cette tête desséchée parmi ces ossemens épars; est-ce là un temple digne d'être habité par un dieu? Le ver même dédaigne à la fin sa demeure réduite en poussière.

      6. Contemple sa voûte brisée, ses parois en ruines, son enceinte désolée, et ses portiques souillés: oui, ce fut pourtant la demeure orgueilleuse de l'ambition, le séjour de la pensée et le palais de l'ame. Regarde ces orbites sans yeux, cet asyle joyeux de la sagesse et de l'esprit, de la passion qui ne souffrait point de contrôle. Tout ce qu'ont jamais écrit les saints, les sages ou les sophistes, pourrait-il repeupler cette demeure solitaire ou lui rendre sa première forme?

      7. O le plus sage des enfans d'Athènes! C'était avec raison que tu disais: «Tout ce que nous savons, c'est que nous ne savons rien.» Pourquoi redouterions-nous ce que nous ne pouvons pas éviter? Chacun a ses douleurs; mais les hommes faibles gémissent sur des malheurs imaginaires nés de leurs cerveaux malades, comme si c'étaient des maux réels. Suivez ce que le hasard ou la destinée proclament le meilleur; la paix nous attend tous sur les bords de l'Achéron. Là, nul banquet forcé n'appelle le convive rassasié, mais le silence y prépare la couche d'un repos à jamais heureux.

      8. Cependant, si, comme l'ont pensé des hommes sages, il existe, au-delà du noir rivage, un séjour des ames, pour confondre la doctrine des saducéens34 et des sophistes, follement orgueilleux de leur science du doute, qu'il serait doux de se prosterner en adoration avec ceux qui ont rendu nos épreuves mortelles plus légères! d'entendre chacune de ces voix que nous craignions de ne plus entendre! de contempler les ombres magnanimes dévoilées à nos regards: celles du Bactrien, du sage de Samos, et de tous ceux qui enseignèrent la vertu!

      9. Je te verrais, ô toi! dont l'amour et la vie s'échappèrent ensemble, et m'ont laissé sur la terre aimer et vivre en vain! – O l'intime ami de mon cœur! puis-je croire que tu n'es plus quand ta mémoire brille sans cesse dans ma pensée? Oui, je rêverai que nous pourrons nous réunir un jour, et je caresse cette douce illusion de mon cœur solitaire. Si quelque chose de nos jeunes souvenirs nous reste, qu'il soit comme un gage certain de l'avenir, car ce serait assez de bonheur pour moi de savoir que ton ame est heureuse!

      10. Je vais m'asseoir un instant sur cette pierre massive d'une colonne de marbre, dont la base n'est pas encore ébranlée. Fils de Saturne! ici fut ton trône favori35; le plus puissant de tous les dieux nombreux de l'antiquité! permets-moi de chercher les vestiges enfouis de ton temple sacré. Tous mes efforts sont vains; l'œil de l'imagination même ne pourrait retrouver ce que le tems a pris à tâche d'effacer; cependant ces colonnes orgueilleuses n'attirent pas un soupir du passant; – l'impassible Ottoman s'assied froidement sur leurs fûts renversés; et le Grec léger fredonne à lentour.

      11. Mais de tous les ravageurs de ce temple élevé sur l'Acropolis, d'où Pallas s'éloigna en regrettant de quitter le dernier monument de son ancienne domination, quel fut le dernier, le plus barbare et le plus stupide? Rougis, Calédonie! c'est un de tes enfans! Angleterre, je me réjouis de ce que ce n'est pas un de tes fils, tes citoyens, nés libres, épargneraient ce qui autrefois fut libre. Cependant ils ont violé les enceintes des temples tristes et déserts, et ont emporté leurs autels sur les flots, longtemps soulevés contre cette profanation36.

      12. Mais l'orgueil ignoble d'un moderne Picte se fait gloire de briser ce que les Goths, les Turks et le tems avaient épargné37. Il porte une ame froide comme les rochers de sa côte natale, et aussi stérile que son cœur est dur, celui dont la pensée a pu concevoir et dont la main a pu exécuter le projet de déplacer les pauvres restes d'Athènes; ses enfans, trop faibles pour défendre ses monumens sacrés, ressentirent cependant une partie des douleurs qui déchiraient leur mère38, et ils éprouvèrent, ce qu'ils avaient ignoré jusque-là, tout le poids des chaînes de la tyrannie.

      13. Eh quoi! une bouche bretonne osera-t-elle jamais dire qu'Albion fut heureuse des pleurs d'Athènes? Quoique ce soit en ton nom que des esclaves déchirent son sein, crains d'avouer ces faits honteux, qui feraient rougir l'Europe. La reine de l'Océan, la Bretagne libre, enlève la dernière et chétive dépouille d'une terre sanglante… Oui, celle dont la protection généreuse fait bénir son nom, a arraché avec des mains de harpie ces restes glorieux que l'antiquité jalouse avait épargnés, et qu'avaient respectés les tyrans!

      14. Pallas! où était ton égide, qui frappa de terreur le barbare Alaric, dans sa course dévastatrice39? Où était le fils de Pelée? Son ombre fit en vain trembler les enfers, pour apparaître à la lumière dans ce jour redoutable, revêtu de ses armes terribles! Quoi! Pluton ne pouvait-il pas permettre une fois encore à ce guerrier invincible de s'échapper des enfers, pour donner l'épouvante, et faire lâcher sa proie à ce second barbare? Errant inoccupé sur les bords du Styx, Achille n'est point venu protéger les murs qu'il aimait jadis à défendre.

      15. O belle Grèce! froid est le cœur de l'homme qui te voit sans sentir ce qu'éprouvent les amans en contemplant la poussière qu'ils ont aimée. Stupide est l'œil qui ne verse point de larmes en voyant tes palais dégradés, tes temples en ruines et tes autels enlevés par des mains bretonnes, auxquelles il était plutôt réservé de protéger ces restes vénérables. Maudite soit l'heure où ces barbares sortirent de leur île pour venir de nouveau déchirer ton sein délaissé, et transporter tes dieux désolés dans les contrées abhorrées du Nord !

      16. Mais où est Harold? Ne suivrai-je pas sur les flots ce sombre voyageur? Il s'inquiétait peu, en s'éloignant, de tout ce que les hommes regrettent; nulle amante n'essaya de l'attendrir par de feintes lamentations; nul ami, pour adieu, ne lui tendit la main, avant que ce froid étranger ne partît pour d'autres climats. Dur est le cœur que les charmes de la beauté trouvent insensible; mais Harold n'éprouvait plus les mêmes impressions qu'autrefois; et il quitta, sans pousser un soupir, le sol de l'Espagne livré à la guerre et au crime.

      17. Celui

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<p>33</p>

Ce ne fut pas toujours la coutume des Grecs de brûler leurs morts. Le grand Ajax en particulier fut enterré tout entier. La plupart des héros devenaient dieux après leur mort; mais on négligeait celui qui n'avait pas des jeux annuels sur sa tombe ou des fêtes instituées en son honneur par ses concitoyens, comme Achille, Brasidas, etc., et enfin même Antinoüs, dont la mort fut aussi héroïque que sa vie avait été infâme.

<p>34</p>

De צדוק (Sadock) , nom d'un juif ancien, fondateur d'une secte, qui niait l'immortalité de l'ame, l'existence des anges et des esprits, la résurrection du corps, et n'admettait que les cinq livres de Moïse.

(N. du Tr.)

<p>35</p>

Le temple de Jupiter Olympien, dont soixante colonnes entièrement de marbre subsistent encore; il y en avait, dans l'origine, cent cinquante. Cependant plusieurs écrivains ont supposé qu'elles avaient appartenu au Parthénon.

<p>36</p>

Le vaisseau avait été naufragé dans l'Archipel.

<p>37</p>

«Aujourd'hui (3 janvier 1809), outre ce qui a déjà été envoyé à Londres, un vaisseau hydriote est mouillé dans le Pirée pour attendre un chargement de toutes les antiquités emportables. Ainsi, comme je l'ai entendu dire à un jeune Grec, en s'adressant à un grand nombre de ses compatriotes (car, dans leur état d'abaissement, ils sentirent cependant cet outrage), ainsi lord Elgin pourra se vanter d'avoir ruiné Athènes. Un peintre du premier ordre, nommé Lusieri, est l'agent de la dévastation, et, comme le Grec trouveur de Verres en Sicile, qui suivait la même profession, il est devenu un parfait instrument de rapine. Entre cet artiste et le consul français Fauvel, qui désire sauver ces antiquités pour son propre gouvernement, il existe maintenant une violente contestation à propos d'une voiture pour servir à leurs transports. Une des roues de cette voiture (je voudrais qu'elles fussent brisées toutes les deux) a été cachée par le consul français, et Lusieri a porté sa plainte au waiwode. Lord Elgin a été très-heureux dans le choix qu'il a fait du signor Lusieri. Pendant un séjour de dix ans à Athènes, il n'avait jamais eu la curiosité d'aller jusqu'à Sunium avant qu'il nous eût accompagnés dans notre seconde excursion. Tant que lui et ses patrons se bornent à consulter des médailles, à apprécier des camées, à dessiner des colonnes, et à marchander des pierres précieuses, leurs petites absurdités sont aussi innocentes que la chasse aux insectes et aux renards, le babil des jeunes-filles, ou le noble plaisir de conduire soi-même son coche, ou d'autres passe-tems semblables; mais quand ils emportent la charge de trois ou quatre vaisseaux, des restes les plus précieux et les plus considérables que le tems et la barbarie ont laissés à la plus outragée comme à la plus célèbre des cités; quand ils détruisent, dans leurs vaines tentatives de les enlever, des ouvrages qui ont été l'admiration des âges, je ne connais aucun motif qui puisse les excuser, ni aucune expression qui puisse qualifier les auteurs et les exécuteurs de cette lâche dévastation. Ce ne fut pas un des moindres crimes, dans l'accusation de Verrès, que d'avoir pillé la Sicile, comme depuis, en imitation, on a pillé Athènes. L'impudence la plus éhontée pourrait difficilement aller plus loin que d'inscrire le nom du ravageur sur les murs de l'Acropolis; tandis que la honteuse et inutile destruction de tout un rang de bas-reliefs, sur l'un des compartimens du temple, ne permettra jamais que ce nom soit prononcé sans exécration par un observateur impartial.

Je le suis dans cette occasion: je ne suis ni un collecteur, ni un admirateur de collections, et conséquemment je ne suis pas un rival; mais j'ai quelque ancienne prédisposition en faveur de la Grèce, et je ne pense pas que l'honneur de l'Angleterre s'accroisse par le pillage, soit de l'Inde, soit de l'Attique.

Un autre noble lord a fait mieux, parce qu'il a fait moins: mais quelques autres, plus ou moins nobles, cependant tous hommes honorables, ont encore fait mieux, parce que, après beaucoup d'excavations, d'excursions, de corruptions envers le waiwode, minant et contreminant, ils n'ont rien fait en définitif. Nous avons ainsi beaucoup d'encre et de vin de répandu, et nous avons presque eu du sang. Le prig de lord Elgin (voyez Jonatham Wilde pour sa définition du priggisme), se prit de querelle avec un autre prig, Gropius de nom (nom tout-à-fait convenable, very good name, à son genre d'occupation), et demanda satisfaction dans une réponse verbale qu'il fit à une note du pauvre Prussien. Ceci se passait à table; Gropius se mit à rire; mais il ne put rien manger de tout le diner. J'ai des raisons pour me souvenir de cette querelle, car ils voulurent me prendre pour leur arbitre.

<p>38</p>

Je ne puis résister au désir de profiter de la permission de mon ami le Dr Clarke, dont le nom n'a pas besoin de commentaire avec le public, mais dont l'autorité ajoutera beaucoup de valeur à mon témoignage, en citant l'extrait suivant d'une de ses lettres, très-obligeante pour moi, comme une excellente note aux vers qui précèdent.

«Quand la dernière des Métopes fut enlevée du Parthénon et pendant son déplacement, une grande partie de l'entablement supérieur avec un des triglyphes fut arraché par les ouvriers de lord Elgin. Le Disdar, qui vit le dommage fait au monument, ôta sa pipe de sa bouche, versa une larme, et, d'un ton de voix suppliant, il dit à Lusieri: Τελος! – j'étais présent.»

Le Disdar auquel il est fait ici allusion était le père du Disdar actuel.

<p>39</p>

Selon Zozime, Minerve et Achille repoussèrent Alaric de l'Acropolis: mais d'autres rapportent que le roi goth fut presque aussi barbare que le pair écossais. Voyez Chandler.