Les conteurs à la ronde. Dickens Charles

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Les conteurs à la ronde - Dickens Charles

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réside, – j'éprouve quelque pudeur à prononcer le mot, tant ce mot semble prétentieux… je réside dans un château. Je ne veux pas dire que ce soit un château baronnial, mais ce n'en est pas moins un édifice, connu de tous sous le nom de CHÂTEAU. Là, je conserve le texte de la véritable histoire de ma vie et la voici:

      J'avais vingt-cinq ans. Je venais de prendre pour associé John Spatter, qui avait été mon commis, et j'habitais encore dans la maison de mon oncle Chill, dont j'attendais une grande fortune, lorsque je demandai Christiana en mariage. J'aimais Christiana depuis longtemps; elle était d'une rare beauté attrayante sous tous les rapports. Je me défiais bien un peu de la veuve, sa mère, qui était d'un caractère intrigant et très intéressé; mais je tachais d'avoir d'elle la meilleure opinion possible à cause de Christiana. Je n'avais jamais aimé que Christiana et, dès l'enfance, elle avait été pour moi l'univers tout entier, que dis- je? plus encore.

      Christiana m'accepta pour son prétendu avec le consentement de sa mère, et je me crus le plus heureux des mortels. Je vivais assez durement chez mon oncle Chill, fort à l'étroit et fort triste dans une chambre nue, espèce de grenier sous les combles; aussi froide qu'aucune chambre de donjon dans les vieilles forteresses du Nord. Mais, possédant l'amour de Christiana, je n'avais plus besoin de rien sur la terre. Je n'aurais pas changé mon sort contre celui d'aucun être humain.

      L'avarice était malheureusement le vice dominant de mon oncle Chill. Tout riche qu'il était, il vivait misérablement et semblait avoir toujours peur de mourir de faim. Comme Christiana n'avait pas de dot; j'hésitai longtemps à lui avouer notre engagement mutuel; à la fin, je me décidai à lui écrire pour lui: apprendre toute la vérité. Je lui remis moi-même, ma lettre un soir, en allant me coucher.

      Le lendemain, je descendis, par une matinée de décembre: le froid se faisait sentir plus sévèrement encore dans la maison jamais chauffée de mon oncle que dans la rue où brillait quelquefois du moins le soleil d'hiver; et qui, à tout événement s'abîmait des visages souriants et de la voix des passants. Ce fut avec un poids de glace sur le coeur que je me dirigeai vers la salle basse où mon oncle prenait ses repas, large pièce avec une étroite cheminée une fenêtre cintrée, sur les vitres de laquelle les gouttes de la pluie, tombée pendant la nuit, ressemblaient aux larmes des pauvres sans asile. Cette fenêtre s'éclairait du jour d'une cour solitaire aux dalles crevassées; et qu'une grille, aux barreaux rouillés, séparait d'un vieux corps de logis ayant servi de salle de dissection au grand chirurgien qui avait vendu la maison à mon oncle.

      Nous nous levions toujours de si bonne heure, qu'à cette saison de l'année nous déjeunions à la lumière. Au moment où j'entrai, mon oncle était si crispé par le froid, si ramassé sur lui-même dans son fauteuil derrière la chandelle, que je ne l'aperçus qu'en touchant la table.

      Je lui tendis la main… mais, lui, il saisit sa canne (étant infirme il allait toujours avec une canne dans la maison), fit comme s'il allait m'en frapper et me dit: Imbécile!

      – Mon oncle, répondis-je, je ne m'attendais pas à vous trouver si irrité… En effet, je ne m'y attendais pas, quoi que je connusse son humeur irascible et sa dureté naturelle.

      – Vous ne vous y attendiez pas! répliqua-t-il. Quand vous êtes- vous donc attendu à quelque chose? Quand avez-vous jamais su calculer ou songer au lendemain, méprisable idiot!

      – Ce sont là de dures paroles, mon oncle.

      – De dures paroles! Ce sont des douceurs quand elles s'adressent à un niais de votre espèce, dit-il. Venez, venez ici, Betsy Snap, regardez-le donc?»

      Betsy Snap était une vieille femme au teint jaunâtre, aux traits ridés, notre unique servante, dont l'invariable occupation, à cette heure du jour, consistait à frictionner les jambes de mon oncle. En lui criant de me regarder, mon oncle lui appuya sa maigre main sur le crâne, et elle, toujours agenouillée, tourna les yeux de mon côté. Au milieu de mon anxiété, l'aspect de ce groupe me rappela la salle de dissection telle qu'elle devait être du temps du chirurgien anatomiste, notre prédécesseur dans la maison.

      – Regardez ce niais, cet innocent, continua mon oncle. Voilà celui dont les gens vous disent qu'il n'est l'ennemi de personne que de lui-même. Voilà le sot qui ne sait pas dire non. Voilà l'imbécile qui fait de si gros bénéfices dans son commerce, qu'il a été forcé de prendre un associé l'autre jour. Voilà le beau neveu qui va épouser une femme sans le sou, et qui tombe entre les mains de deux Jézabel spéculant sur ma mort.»

      Je vis alors jusqu'où allait la rage de mon oncle; car il fallait qu'il fût réellement hors de lui pour se servir de ce dernier mot, qui lui causait une telle répugnance, que nulle personne au monde n'aurait osé s'en servir ou y faire allusion devant lui.

      – Sur ma mort! répéta-t-il comme s'il me bravait moi ou bravant son horreur du mot… Sur ma mort… mort… mort! mais je ferai avorter la spéculation. Faites votre dernier repas sous ce toit, nigaud que vous êtes, et puisse-t-il vous étouffer!»

      Vous devez bien penser que je n'apportai pas un grand appétit pour le déjeuner auquel j'étais convié en ces termes; mais je pris à table ma place accoutumée. C'en était fait, je vis bien que désormais mon oncle me reniait pour son neveu… Je pouvais supporter tout cela et pire encore … je possédais le coeur de Christiana.

      Il vida, comme d'habitude, sa jatte de lait, évitant toujours de la poser sur la table et la tenant sur ses genoux, comme pour me montrer son aversion pour moi. Quand il eut fini, il éteignit la chandelle, et nous fûmes éclairés par la terne lueur de cette froide matinée de décembre.

      – Maintenant, monsieur Michel, dit-il, avant de nous séparer, je voudrais dire un mot, devant vous, à ces dames.

      – Comme vous voudrez, monsieur, repris je; mais vous vous trompez vous-même et nous faites une cruelle injure, si vous supposez qu'il y ait dans cet engagement réciproque d'autre sentiment que l'amour le plus désintéressé et le plus fidèle.

      – Mensonge!» répliqua-t-il, et ce mot fut sa seule réponse.

      Il tombait une neige à moitié fondue et une pluie à moitié gelée.

      Nous nous rendîmes à la maison où demeurait Christiana et sa mère.

      Mon oncle les connaissait. Elles étaient assises à la table du déjeuner et elles furent surprises de nous voir à cette heure.

      – Votre serviteur, madame, dit mon oncle à la mère. Vous devinez le motif de ma visite, je présume, madame. J'apprends qu'il y a dans cette maison tout un monde d'amour pur, désintéressé et fidèle. Je suis heureux de vous amener ce qu'il y manque pour compléter le reste. Je vous amène votre gendre, madame… et à vous votre mari, miss. Le fiancé est un étranger pour moi; mais je lui fais mon compliment de son excellente affaire.»

      Il me lança, en partant, un ricanement cynique, et je ne le revis plus.

      C'est une complète erreur (poursuivit le parent pauvre) de supposer de ma chère Christiana, cédant à l'influence persuasive de sa mère, épousa un homme riche qui passe souvent devant moi en voiture et m'éclabousse… non, non… c'est moi qu'elle a épousé.

      Voici comment il se fit que nous nous mariâmes beaucoup plus tôt que nous n'en avions le projet. J'avais pris un logement modeste, je faisais des économies et je spéculais dans l'avenir pour lui offrir une honnête et heureuse aisance, lorsqu'un jour elle me dit avec un grand sérieux:

      – Michel, je vous ai donné mon coeur. J'ai déclaré que je vous aimais et je me suis engagée à être votre femme. J'ai toujours été à vous à travers les bonnes et les mauvaises

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