La dégringolade. Emile Gaboriau

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La dégringolade - Emile Gaboriau

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le croyais presque dans le besoin.

      – En effet. Aussi, les gens mieux informés assurent-ils que bien loin d'avoir été ruiné, M. de Combelaine a été secouru par Flora Misri.

      Mme Delorge bondit sur son fauteuil.

      – Flora Misri! s'écria-t-elle.

      – Oui.

      – Et cette femme est la maîtresse de M. de Combelaine?

      – Depuis bien des années, à ce que l'on dit, répondit l'avocat.

      Et stupéfait de l'émotion de Mme Delorge, ne sachant plus que croire, ne sachant plus ce qu'il disait surtout:

      – Vous connaissez cette femme, madame? interrogea-t-il.

      Mais elle était bien trop troublée, pour remarquer l'étrangeté de la question.

      – Je la connais, oui, monsieur, répondit-elle.

      Et appuyant sur chaque mot, comme pour lui bien donner toute sa valeur:

      – Le vrai nom de cette femme, continua-t-elle, est Adèle Cochard. Elle est la sœur de la femme de Laurent Cornevin.

      Me Roberjot n'en pouvait croire ses oreilles.

      – Êtes-vous bien sûre de ce que vous dites, madame? demanda-t-il.

      – Aussi sûre qu'on peut l'être d'un renseignement fourni à la justice par la préfecture de police. C'est dans le cabinet du juge d'instruction que, pour la première fois, j'ai entendu prononcer ce nom de Flora Misri. M. Barban d'Avranchel faisait presque un crime à Mme Cornevin d'être la sœur d'une telle femme.

      L'avocat ne répondit pas. Il venait de s'accouder à son bureau, le front entre les mains, et tout ce qu'il avait d'intelligence et de pénétration, il l'employait à chercher quel parti tirer de cette découverte.

      – Évidemment, murmurait-il, cette femme doit savoir bien des choses sur le sire de Combelaine… Autant que la baronne d'Eljonsen, sinon plus… Mais comment la décider à parler?.. Quel charbon passer sur ses lèvres pour les desserrer?..

      Il parlait à demi-voix et en phrases hachées, et cependant Mme Delorge ne perdait pas un mot de son monologue.

      – Ne pourrait-on pas, hasarda-t-elle, employer près de cette femme sa sœur, Mme Cornevin?..

      – Se voient-elles encore?

      – Je ne le crois pas…

      – Diable!.. une visite, en ce cas, donnerait peut-être l'éveil… Il faudrait tant de précautions, tant d'adresse…

      – Oh! la femme de Cornevin est très intelligente…

      – Et la disparition du mari serait un prétexte tout trouvé de rapprochement. Mais M. de Combelaine sait que la femme Cornevin, c'est vous… Il ne doit pas ignorer que la femme Cornevin et Flora sont sœurs, et je serais bien surpris s'il ne s'était pas mis en garde de ce côté…

      Il demeura quelques moments absorbé par l'effort de ses réflexions, puis soudainement:

      – Mais je ne saurais prendre un parti ainsi, sur-le-champ. J'ai besoin de me consulter, de dresser un plan d'attaque. Une démarche imprudente ne se rachète pas. Rien ne presse. Avant de m'avancer, je veux sonder le terrain, je veux être édifié sur le compte de M. de Combelaine. Un de mes amis est fort lié avec un intime de la baronne d'Eljonsen, il me renseignera…

      – La baronne d'Eljonsen? répéta Mme Delorge, à qui ce nom n'apprenait rien.

      – Oui… C'est la femme qui a élevé M. de Combelaine… Elle a été, dit-on, une des plus fidèles amies du prince-président lorsqu'il était en exil… Voici dix-huit mois qu'elle est fixée à Paris…

      Puis, d'un accent résolu, et qui était bien, il n'y avait pas à s'y méprendre, l'expression sincère de sa pensée:

      – Quoi qu'il advienne, madame, ajouta-t-il, comptez sur moi et remettez-vous à mon dévouement. Tout ce que j'ai d'intelligence et d'énergie, je l'appliquerai à une cause que je considère comme mienne. Tout ce qu'il est humainement possible de faire, je le ferai. Seulement…

      Il hésita, et non sans embarras:

      – Seulement, dit-il encore, je dois vous demander la permission de me présenter chez vous. On peut prévoir telle circonstance urgente…

      Mais Mme Delorge ne le laissa pas achever.

      – Est-il donc besoin de vous dire, monsieur, interrompit-elle, que vous serez toujours le bienvenu? J'ai la mémoire des services rendus, monsieur…

      Elle se leva sur ces mots.

      Déjà, depuis un moment, elle entendait marcher et tousser dans la salle d'attente qui précédait le cabinet de l'avocat…

      – Excusez-moi de vous avoir importuné si longtemps, monsieur, dit-elle.

      Et ayant appelé Raymond, à qui Me Roberjot donna une large poignée de main, elle rabattit sur son visage son voile de veuve et sortit…

      – Ah! celle-là savait aimer! murmura l'avocat en étouffant un soupir.

      Et comme s'il eût eu besoin d'air, il courut ouvrir la fenêtre et explora la rue d'un rapide regard.

      C'était Mme Delorge qu'il cherchait, qu'il voulait revoir encore.

      Elle ne tarda pas à paraître. Elle traversa rapidement la chaussée et remonta dans le fiacre qui l'avait amenée et qui s'éloigna au grand trot.

      Des clients l'attendaient dans la pièce voisine, il le savait, il les avait entendus, mais il s'en souciait bien, vraiment!

      Appuyé au balcon de sa fenêtre, insensible au froid qui devenait plus âpre avec la nuit, il s'oubliait en une de ces rêveries qui absorbent toutes les facultés et suppriment en quelque sorte les circonstances extérieures.

      Ce n'était pas un naïf que Me Sosthènes Roberjot.

      De même qu'à tous les avocats, il lui était arrivé de s'éprendre d'une cliente venue pour le consulter.

      Une femme jeune et jolie est si séduisante, lorsque, les yeux noyés de pleurs et le sein haletant, elle vous dit d'une voix émue:

      – Vous êtes mon seul appui et ma suprême espérance… Mon honneur, mon bonheur et ma vie sont entre vos mains… Je m'abandonne à vous, sauvez-moi…

      Me Roberjot avait sauvé plus d'une cliente éplorée.

      Mais jamais encore il n'avait ressenti ces sensations profondes qui le remuaient en présence de Mme Delorge. Sa vie était bouleversée depuis qu'il la connaissait. Il découvrait à l'existence des horizons nouveaux qu'il ne soupçonnait pas. Toutes ses idées se modifiaient. S'il eût traduit ce qu'il ressentait, on ne l'eût pas reconnu… Il ne se reconnaissait plus lui-même.

      – Serais-je donc amoureux? se demandait-il.

      Sans songer que toujours cette question est résolue lorsqu'on se la pose.

      Amoureux,

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