Les esclaves de Paris. Emile Gaboriau

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Les esclaves de Paris - Emile Gaboriau

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table.

      – Un billet de 500 francs! exclama Rose stupéfaite.

      – Juste!.. ma belle demoiselle, répondit le vieux d'une voix triomphante.

      Paul se taisait. Il eût vu un des barreaux de la chaise sur laquelle il s'appuyait bourgeonner tout à coup et donner des feuilles, qu'il n'eût pas été plus surpris.

      Comment imaginer une telle somme cachée sous les haillons de ce vieux. D'où tenait-il ce billet?

      L'idée d'une action punissable, d'un vol, pour le moins était si naturelle et ressortait si nettement de la situation, qu'elle vint en même temps aux deux jeunes gens.

      Ils échangèrent le regard le plus cruellement significatif, et Paul, décontenancé, rougit jusqu'aux oreilles.

      Le bonhomme avait compris le soupçon.

      – Oh! fit-il, sans avoir aucunement l'air choqué, de vilaines pensées!.. Il est vrai que les billets de cinq cents ne poussent pas spontanément dans des poches comme les miennes, mais celui-ci m'appartient légitimement.

      Rose n'écoutait pas. Que lui importait l'explication! Le billet était là, et cela lui suffisait. Elle l'avait pris, et elle le maniait, comme si le contact du papier soyeux lui eût communiqué les plus délicates sensations.

      – Il faut vous dire, continuait le père Tantaine, que je suis clerc d'huissier.

      – Ah!..

      – Oui, et cela doit vous flatter. Être obligé par un clerc d'huissier, voilà un triomphe! Mais ce n'est pas tout. Je suis chargé, par diverses personnes, du recouvrement de créances litigieuses. De la sorte, j'ai parfois en compte des sommes assez importantes. Vous prêter cinq cents francs, pour un certain temps, ne peut donc pas me gêner.

      Entre les suggestions de la nécessité et les résistances de sa conscience, Paul restait interdit, ému comme on l'est à l'instant d'un acte décisif, tout tremblant.

      – Non, commença-t-il enfin, je ne saurais accepter; mon devoir…

      – Ah! mon ami, interrompit Rose, ce n'est pas honnête ce que tu fais là. Ne vois-tu pas qu'en refusant tu chagrines monsieur?

      – Elle a parbleu raison! s'écria le père Tantaine. Donc, c'est entendu. Allons, la belle enfant, descendez vite chercher les provisions, vite… il est plus de quatre heures.

      Ce fut au tour de Rose de tressaillir et de rougir, comme si elle se fût sentie devinée par le vieux voisin.

      – Quatre heures! murmura-t-elle, pensant à la lettre.

      Cependant, elle obéit vivement. Se posant devant la vieille glace, elle disposa presque gracieusement ses haillons, elle descendit, emportant le billet de banque.

      – Belle personne… remarqua le père Tantaine, avec l'accent d'un connaisseur, très belle… Et quelle intelligence! Ah! si elle est bien conseillée, elle ira loin!..

      Paul ne releva pas l'observation. Il recueillait ses idées en déroute. Maintenant qu'il n'était plus sous l'obsession du regard de Rose, la frayeur le prenait.

      Il trouvait à la physionomie de ce soi-disant clerc d'huissier quelque chose de singulier et d'inquiétant.

      Où a-t-on vu jamais des vieux de cette espèce jetant des 500 francs à la tête des gens? Pour sûr, cette générosité devait cacher quelque mystère et lui, Paul, il allait peut-être se trouver compromis.

      – Toutes réflexions faites, monsieur, reprit-il résolument, accepter de vous une telle somme ne serait pas délicat de ma part. Qui sait si je pourrai jamais m'acquitter.

      – Bon! voici que vous doutez de vous, maintenant. Ce n'est pas le moyen de réussir. Si vous avez échoué, jusqu'ici, c'est que l'expérience vous manquait. Désormais, vous saurez comment vous y prendre. La misère, mon enfant, forme les hommes, de même que la paille mûrit les nèfles. D'abord, moi, j'ai confiance en vous. Ces 500 francs, vous me les rendrez quand vous voudrez, je ne suis pas pressé, seulement vous me donnerez six pour cent, et vous allez me souscrire un billet.

      – Comme cela, balbutia Paul…

      – Conclu!.. c'est un placement.

      Paul n'était qu'un pauvre niais. Cette perspective de billet suffisait à le rassurer, comme si sa signature au bas d'un papier timbré eût pu servir à autre chose qu'à enlever à ce papier la valeur qu'il avait étant blanc.

      De son côté, le père Tantaine, explorant de nouveau sa poche, en tirait une feuille de papier timbré qui s'y trouvait tout à point.

      – Écrivez, dit-il: «Au huit juin prochain, je paierai, à l'ordre de M. Tantaine, etc…»

      Le jeune homme terminait le parafe de sa signature lorsque Rose reparut, les bras chargés de provisions.

      Elle était radieuse comme si un événement extraordinairement heureux fût survenu dans sa vie; ses yeux avait une expression étrange.

      Mais Paul ne remarqua rien de cela. Il observait le vieux clerc d'huissier qui, après avoir relu le billet, le serrait aussi précieusement qu'une valeur de premier ordre.

      – Il est bien entendu, monsieur, reprit-il enfin, que la date n'est qu'une formalité. Il n'est pas probable que d'ici quatre mois je puisse économiser ce que je vous dois.

      Le père Tantaine eut un bon sourire.

      – Que diriez-vous, prononça-t-il, si après vous avoir prêté ces 500 francs, je vous mettais à même de me les rendre avant un mois?

      – Quoi! monsieur, vous pourriez!..

      – Par moi-même, mon enfant, je ne puis rien, cela se voit. Mais j'ai un ami qui a le bras long. Ah! si je l'avais écouté, autrefois, je ne serais pas à l'hôtel du Pérou. Enfin!.. Voulez-vous aller le trouver de ma part?

      – Si je le veux! Mais je serais un fou de repousser cette occasion qui se présente.

      – Eh bien! je vais voir mon ami ce soir même, je lui parlerai de vous. Soyez chez lui demain à midi précis. Si vous lui plaisez, s'il s'occupe de vous votre fortune est faite.

      Il tira de sa poche une carte et la présentant à Paul, il ajouta:

      – Mon ami se nomme Mascarot et voici son adresse.

      Cependant Rose, avec cette merveilleuse dextérité qui semble être un privilège de la Parisienne, accoutumée à se mouvoir dans un petit espace, avait tiré l'ordre du chaos et terminé ses préparatifs.

      La table était dressée, table digne du taudis avec ses tessons ébréchés et ses papiers en guise de plats; un bon feu flambait dans la cheminée, et deux bougies éclairaient la scène, fichées, l'une dans le chandelier bossué de l'hôtel, l'autre dans une bouteille fêlée.

      Ce spectacle superbe pour des yeux de vingt ans, remplissait Paul de satisfaction. Les affaires sérieuses étaient finies, les pressentiments sombres s'étaient envolés.

      – A table!.. s'écria-t-il, à table!.. Voici enfin le dîner qui sera le déjeûner. Allons, Rose, à ton poste. Et vous, mon cher voisin, vous allez, je l'espère, nous faire le plaisir de partager

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