Les esclaves de Paris. Emile Gaboriau

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Les esclaves de Paris - Emile Gaboriau

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s'écria-t-il, non, jamais. Mon parti est pris. Si tu prétends résister, déclare-le-moi franchement, je rentre chez moi et je me fais sauter la cervelle.

      Il était homme à faire comme il le disait. Outre qu'en dehors de ses ridicules, sa bravoure était incontestable, il était d'un tempérament à recourir aux dernières extrémités plutôt que de rester exposé à des tracasseries qui troubleraient ses digestions.

      – Je céderai donc! fit M. de Mussidan avec la rageuse résignation de l'impuissance.

      Alors seulement M. de Clinchan osa respirer à pleins poumons. Ignorant quels assauts son ami avait subis, il ne croyait pas qu'il serait si facile de l'amener à composition.

      – Une fois en ta vie, s'écria-t-il, tu es donc raisonnable.

      – C'est-à-dire que je te parais l'être, parce que j'écoute les conseils de ta frayeur! Ah!.. maudits feuillets!.. Et maudite aussi soit ton inconcevable fureur de confier au papier les secrets de ta vie et de la vie des autres.

      Mais, sur l'article de son journal, M. de Clinchan est intraitable.

      – Trédame!.. s'écria-t-il, ne vas-tu pas t'en prendre à moi! Si tu n'avais pas commis un crime, je n'aurais pas eu à en commettre un pour t'obliger, et à l'enregistrer ensuite.

      Un silence assez long suivit cette cruelle réponse.

      Glacée d'horreur, plus tremblante que la feuille, Sabine avait tout entendu. Ses plus affreux pressentiments étaient dépassés par l'horrible réalité… Un crime!.. Il y avait un crime dans la vie de son père!..

      Cependant le comte de Mussidan avait repris la parole…

      – A quoi bon des reproches!.. dit-il. Pouvons-nous faire que ce qui est ne soit pas? Non! Soumettons-nous. Aujourd'hui même tu as ma parole, j'écrirai à de Breulh pour lui signifier la rupture de nos projets.

      Pour M. de Clinchan, c'était le salut, la paix. Mais après ses angoisses, cette joie eut un effet terrible.

      De rouge qu'il était, il devint blême, il chancela, fit un tour sur lui-même, et s'affaissa sur le canapé en murmurant:

      – Repas trop copieux!.. émotions violentes!.. c'était indiqué!..

      Il se trouvait mal.

      M. de Mussidan, presque effrayé, se pendit aux sonnettes.

      A ce tocsin, les domestiques accoururent de toutes les parties de l'hôtel et, derrière eux, la comtesse elle-même.

      Il fallut plus de dix minutes et un flacon d'eau de Cologne au moins, pour faire revenir à lui M. de Clinchan.

      Enfin il fit un mouvement, il ouvrit un œil d'abord, puis l'autre, puis il se souleva sur le coude.

      – Je m'en tirerai, balbutiait-il avec un sourire pâle. Faiblesse, éblouissements, je sais ce que c'est, et j'ai mon remède: Elixir des Carmes, deux cuillerées dans un verre d'eau sucrée, repos…

      Tout en parlant, il avait réussi à se dresser.

      – Je rentre, dit-il à son ami, j'ai ma voiture, heureusement; toi, Octave, sois prudent.

      Et prenant le bras d'un des valets de pied, il sortit, laissant seuls en présence le comte et la comtesse de Mussidan.

      A côté, dans le petit salon de jeu, Sabine écoutait toujours.

      XIII

      Depuis la veille, c'est-à-dire depuis le moment où il avait saisi sa canne avec l'intention d'administrer une correction à l'honorable B. Mascarot, le comte de Mussidan était dans un état à faire pitié.

      Oubliant la douleur de son pied malade, il avait passé la nuit à arpenter sa bibliothèque, demandant vainement à son esprit un expédient pour se soustraire à la plus humiliante des tyrannies.

      Il sentait la nécessité d'aviser promptement, car il avait assez d'expérience pour comprendre que, en dépit des belles protestations du doux placeur, cette première tentative n'était que la préface d'exigences qui deviendraient de plus en plus exorbitantes.

      Mille projets se présentaient à son esprit, repoussés et repris tour à tour, puis définitivement abandonnés.

      Tantôt il avait envie d'aller confesser toute l'histoire au préfet de police.

      Tantôt il songeait à faire appeler quelqu'un de ces policiers in partibus qui opèrent pour le compte des particuliers en dehors de la préfecture, et souvent malgré elle. Il en est d'habiles, dit-on.

      Mais plus le comte réfléchissait et se débattait, plus il sentait solides et perfidement noués les liens qui le garrottaient.

      De quelque façon qu'il s'y prît, il arrivait toujours à un scandale, et B. Mascarot n'offrait aucune prise.

      Cependant, vingt heures de colère avaient affaissé les ressorts de son caractère violent, lorsqu'on était venu lui annoncer la visite de M. de Clinchan.

      Grâce à cette disposition, il avait pu accueillir son vieil ami avec un calme relatif.

      La lettre anonyme ne l'avait pas surpris. On pourrait presque dire qu'il s'attendait à quelque chose de pareil. Lui dépêcher M. de Clinchan était habile et dénotait une connaissance parfaite de l'homme.

      Tourmenté par toutes ces idées, qui bouillonnaient en son cerveau, M. de Mussidan allait de long en long, se préoccupant si peu de la présence de sa femme, qu'il laissait, par moments, échapper des lambeaux de phrases et de sourdes exclamations.

      Ce manège, à la longue, irrita la comtesse, dont les derniers mots de l'homme au journal avaient éveillé la curiosité.

      Ne devait-elle pas être toujours sur le qui-vive, ainsi que ceux qui se trouvent dans une position menacée?

      – Qu'avez-vous donc à vous agiter ainsi, Octave? demanda-t-elle. Serait-ce l'indigestion de M. de Clinchan qui vous inquiète?

      Le comte connaissait sa femme pour en souffrir depuis des années.

      Il devait être accoutumé à cette voix de tête si affreusement agaçante adoptée par elle. Il devait être habitué à ce sardonique sourire qui était comme figé sur ses lèvres.

      Cependant, cette apparence de raillerie en un tel moment le transporta d'indignation.

      – Ne parlez pas ainsi, fit-il d'une voix frémissante.

      – Bon Dieu! comme vous me dites cela! Qu'avez-vous, mon ami? Est ce que vous êtes malade, vous aussi?

      – Madame!..

      – Enfin, daignerez-vous me dire ce qu'il se passe d'extraordinaire?

      La face du comte s'était empourprée; sa colère revenait avec une violence d'autant plus grande qu'elle avait été longtemps réprimée.

      Il s'arrêta brusquement devant le fauteuil où la comtesse était assise, et, les yeux flambloyants de haine et de menace, il dit:

      – Il y a que notre fille ne peut épouser M. de Breulh-Faverlay, qu'elle ne l'épousera pas.

      Cette

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