La vie infernale. Emile Gaboriau

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La vie infernale - Emile Gaboriau страница 24

La vie infernale - Emile Gaboriau

Скачать книгу

comme s’il eût espéré découvrir le lâche qui avait préparé le piége immonde où il était tombé.

      Car il était victime d’une atroce machination, il n’en pouvait douter, encore qu’il lui fût impossible d’en soupçonner seulement le but.

      Tout à coup ceux qui le tenaient sentirent qu’il tressaillait. Il se redressa. Il venait d’entrevoir une lueur d’espoir…

      – Me sera-t-il permis d’essayer de me justifier?.. demanda-t-il.

      – Parlez…

      Il eût voulu se dégager, avoir les bras libres; ceux qui le maintenaient ne lâchant point prise, il se résigna, et d’une voix rauque:

      – Je suis innocent!.. prononça-t-il. C’est un guet-apens inouï… Quel en est l’auteur?.. je l’ignore… Mais il est ici quelqu’un qui doit le connaître…

      Des huées l’interrompirent.

      – Voulez-vous donc m’égorger sans m’entendre!.. reprit-il, en haussant la voix. Écoutez-moi… Il y a une heure… au moment du souper… Mme d’Argelès s’est presque jetée à mes genoux en me conjurant de me retirer… Son trouble m’avait stupéfié… Maintenant, je me l’explique…

      Celui qu’on appelait «le baron» se tourna vers Mme d’Argelès.

      – Est-ce vrai, ce que dit cet homme? interrogea-t-il.

      Elle se leva toute chancelante et répondit:

      – C’est vrai.

      – Pourquoi insistiez-vous tant pour qu’il s’éloignât?

      – Je ne sais… un pressentiment… il me semblait qu’il allait arriver quelque chose…

      Les moins clairvoyants purent constater l’hésitation douloureuse de Mme d’Argelès, son impassible visage s’était contracté… Mais les plus perspicaces s’y trompèrent. Ils pensèrent que s’étant aperçue du vol elle avait voulu faire évader le voleur afin d’éviter une scène…

      Pascal lui parut près de se trouver mal.

      – M. de Coralth, commença-t-il, peut vous affirmer…

      – Oh! assez, interrompit un joueur, j’ai entendu M. de Coralth faire tout au monde pour vous empêcher de jouer.

      Ainsi, la dernière, l’unique espérance de cet infortuné s’évanouissait… Il tenta un suprême effort, et s’adressant à Mme d’Argelès:

      – Madame, dit-il d’une voix tremblante d’angoisse, je vous en conjure… dites ce que vous savez!.. Laisserez-vous périr un homme d’honneur!.. Abandonnerez-vous un innocent que vous pouvez sauver d’un mot!..

      – Hélas!.. que voulez-vous que je dise!

      Et comme néanmoins elle balbutiait quelques explications confuses:

      – Mêlez-vous de la «cagnotte,» lui dit brutalement un joueur, on y met un franc par main, n’est-ce pas?..

      Elle se tut, et Pascal vacilla sur ses jarrets comme après un coup de massue.

      – C’est fini!.. murmura-t-il.

      Personne ne l’entendit; on écoutait le baron, lequel semblait bien mécontent.

      – Avec tout cela, disait-il, nous gaspillons un temps précieux… Nous aurions fait au moins cinq tours pendant cette scène absurde… Il faut en finir! Qu’allons-nous faire de ce joli garçon?.. Moi, je suis d’avis d’envoyer chercher le commissaire de police.

      C’était loin d’être l’avis de la majorité. Sur ce seul nom, quatre ou cinq femmes s’envolèrent, et plusieurs hommes, – les plus haut placés de la réunion, – se fâchèrent presque.

      – Devenez-vous fou! s’écria l’un d’eux. Nous voyez-vous tous cités en témoignage à la police correctionnelle!.. Vous avez oublié l’affaire Garcia, sans doute, et l’autre histoire chez Jenny Fancy… Le bel effet que cela fit dans le public, quand on vit je ne sais combien de grands noms mêlés à des noms d’escrocs et de filles!..

      Rouge naturellement, le baron était devenu cramoisi.

      – Ainsi, interrompit-il, c’est le respect humain qui vous arrête?.. Sacrebleu! on devrait bien avoir le courage de ses vices… Regardez-moi…

      Célèbre par ses huit cent mille livres de rente, par ses propriétés en Bourgogne, par sa passion pour le jeu, ses chevaux et son cuisinier, le baron avait une grande influence. Pourtant, il ne l’emporta pas, et il fut décidé que «l’escroc» irait se faire pendre ailleurs.

      – Qu’il rende au moins l’argent, grogna un perdant, qu’il dégorge…

      – Son gain est là, sur la table…

      – Croyez cela! fit le baron. Tous ces grecs vous ont des poches secrètes où ils «étouffent» leur bénéfice… Fouillez-le, à tout le moins.

      – C’est cela, fouillons-le!..

      Écrasé par une catastrophe inouïe, incompréhensible, imméritée, Pascal avait fini par s’abandonner, il semblait à l’agonie.

      Ce cri ignoble: «fouillons-le!» alluma en lui une effroyable colère.

      D’un mouvement formidable des reins et des bras – pareil à un lion qui secouerait des roquets pendus à sa peau – il se débarrassa de ceux qui le tenaient.

      D’un bond, il fut à la cheminée, et saisissant un lourd candélabre de bronze, il le brandit comme une masse en criant:

      – Le premier qui avance est un homme mort!..

      Il n’y avait pas à en douter, il était prêt à frapper… Et une telle arme entre les mains d’un tel homme devait être terrible.

      Le danger parut si grand, si pressant, que tous les autres s’arrêtèrent, chacun encourageant son voisin de l’œil, mais nul ne se souciant d’une lutte sans honneur dont le prix ne pouvait être que quelques billets de banque.

      – Rangez-vous que je sorte!.. dit Pascal.

      On hésita encore, mais on lui fit place…

      Et, effrayant d’audace et d’énergie, il gagna la porte du salon et disparut.

      Cette superbe explosion de l’honneur outragé, cette énergie succédant au plus morne abattement, ce mouvement terrible, ces menaces, tout cela avait été si prompt, si foudroyant en quelque sorte, que personne n’avait eu seulement la pensée de couper la retraite à Pascal.

      Il avait déjà gagné la rue, que les autres n’étaient pas remis de leur stupeur et demeuraient à la même place, immobiles, muets, béants…

      Ce fut une femme encore qui rompit le charme.

      – Eh bien!.. fit-elle d’un ton où perçait l’admiration, il a de l’aplomb, ce joli monsieur!..

      – Naturellement!.. Il avait à sauver

Скачать книгу